La Pausa, une Icône Chanel

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Coco Chanel, femme indépendante et novatrice aux côtés de ses contemporaines, avait pour habitude de passer ses vacances dans le Sud-Est de la France, sur le yacht de son amant, le distingué duc de Westminster. A la fin des années 1920, le duc amoureux fait visiter à sa maîtresse un terrain au-dessus de Menton, offrant une vue panoramique sur la baie. Ancienne propriété de la famille Grimaldi de Monaco, la surface de cinq hectares charme Gabrielle Chanel par ses rangées sauvages d’oliviers et d’orangers. Afin de réaliser ce qu’elle voulait être la parfaite représentation de « la villa méditerranéenne idéale », elle fait appel à un jeune architecte d’une vingtaine d’années. Robert Streitz, recruté sur les conseils de son ami le comte Jean de Ségonzac, s’empare d’un chantier évalué à un million huit-cent-milles francs ; une somme colossale pour l’époque. Il crée une villa provençale parcourue d’arches inspirées d’Aubazine, l’ancienne abbaye transformée en orphelinat ayant abrité l’adolescence de Mademoiselle. Plafonds de briques voûtées, marquées des armes du duc, se combinent ainsi avec un motif régulier de cinq fenêtres sur les façades, en hommage au N°5, parfum de la réussite signé Chanel. Mille mètres carrés habitables construits sur quatre étages sont donc parcourus de sept chambres, trois salons, une salle à manger, deux cuisines ainsi que de quartiers pour les domestiques. Accompagnée de deux villas plus modestes réservées aux invités, la propriété est entourée d’un jardin provençal dessiné selon les directives de cette femme au goût novateur. Trente autres oliviers d’Antibes sont plantés, et Gabrielle y fait cultiver des plantes régionales comme la lavande et le romarin, jugées « trop banales » jusqu’alors.

Passionnée par ces nouveaux quartiers entièrement faits à son goût, Coco descend une fois par mois de Paris pour mesurer l’avancée des travaux ; en cas d’impossibilité de se déplacer, elle fait monter à la capitale un artisan pour l’en informer. Elle décide de nommer cette nouvelle maison « La Pausa », en hommage à la légende qui voulait que Marie-Madeleine se soit reposée ici en chemin pour Jérusalem. La maîtresse de maison fait ensuite décorer ses intérieurs à l’aide de son ami Stéphane Boudin, alors président de Maison Jansen. Elle insuffle une ère de modernité, choisissant des matériaux nobles et des tonalités épurées comme le blanc et le beige. Avec une sobriété qui étonne, Gabrielle Chanel parvient à faire de sa villa une nouvelle représentation du bon goût : dans un numéro du Vogue de 1930, on loue « l’essence de la simplicité » et le fait que « rien n’y soit superflu ». Ainsi, pas moins de vingt-mille tuiles faites main sont commandées pour la toiture, les plus beaux meubles XVIè siècle en chêne d’Angleterre habillent les pièces et suites, et de grandioses chandeliers espagnols donnent un style situé entre la Provence et la côte ibérique à la nouvelle villa. L’atmosphère décontractée et informelle ne tarde pas de faire sensation. La Pausa est décrite par Vogue en 1935 comme « l’une des villas les plus enchanteresses jamais matérialisées sur les côtes de la Méditerranée ». Indéniablement, elle s’avère être le nouveau bastion d’un luxe frais et épuré. Finalement, l’histoire veut que la note de chantier se soit élevée à la somme de six millions de francs…

En 1933, Mademoiselle met fin à sa relation avec le Duc, après n’avoir jamais accepté de devenir la troisième épouse de ce dernier. « Il y a beaucoup de duchesses, mais seulement une seule Coco Chanel », lui prête-t-on. La maison devient le lieu d’invitations de marque successives et ininterrompues : après le duc de Westminster, son nouvel amant Paul Iribe vient y séjourner durant quelques étés. Il décède malheureusement en 1935 lors d’une partie de tennis sur le terrain de La Pausa. Chanel y donne pareillement des dîners fantastiques où chacun se trouve libre de venir flâner près de grands buffets pour aller déguster de bonnes choses où il lui plaira. Tour à tour, ce sont d’éminents artistes comme Jean Cocteau, Serge Lifar, Pierre Reverdy, Pablo Picasso, Luchino Visconti ou encore son amie texane Misia Sert qui viennent profiter du soleil méditerranéen dans ce havre de paix. En 1938, Gala et Salvador Dali s’y installent même quatre mois, dont on retrouvera de nombreux clichés. Un autre invité de renom porta une affection toute particulière à ses voyages en terre Chanel : Winston Churchill. Entre 1953 et 1954, année du décès du duc de Westminster, Mademoiselle affirme ne plus avoir l’envie de se rendre à La Pausa et décide de vendre sa villa. C’est l’ancien Premier Ministre britannique qui trouvera de nouveaux acquéreurs pour la propriété, faisant d’Emery Reves, éditeur et auteur hongrois travaillant pour lui, le nouveau maître de ces lieux.

Emery Reves et sa femme Wendy, ancienne mannequin américaine et autre femme de caractère, s’installent à La Pausa pour en faire leurs quartiers d’été. Changeant une partie de l’aménagement sans réellement toucher au mobilier, le couple continue de faire du lieu un endroit de villégiature pour leurs célèbres amis. Churchill allonge ses séjours, venant à y passer presque un tiers de l’année ; il surnomme lui-même le lieu « Pausaland », qui lui fait paraître « vingt ans plus jeune ». Il y écrit d’ailleurs en partie son roman History of the English Peoples. Greta Garbo, le prince Rainier et la princesse Grace de Monaco ou encore Jackie Onassis honorent aussi La Pausa de leur ​venue. Pour se démarquer de l’indélébile présence de l’ancienne propriétaire des lieux, Wendy Reves fait de cette maison un véritable temple voué à l’art : demandant à ses domestiques d’ « arrêter avec Coco Chanel », les théoriciens actuels tels qu’Olivier Meslay ne peuvent s’empêcher de dire que « Reves est le corps et Chanel le squelette » de cette villa. La période Reves de La Pausa est ainsi marquée d’un goût renforcé pour l’art, rassemblant une collection de quarante-mille œuvres parmi lesquelles trois-cents pièces de porcelaine chinoise, des tableaux impressionnistes de Cézanne, Monet, Gauguin, Renoir, Van Gogh ou encore Degas, une batterie de cent-cinquante objets en argent, ainsi que des tapisseries persanes. A la mort d’Emery en 1981, sa femme fait don de tout cela au Dallas Museum of Art, en échange d’une rétrospective sur la villa : cinq pièces de La Pausa sont reconstruites à l’identique dans l’enceinte du musée. En 2007, Wendy Reves décide de revendre La Pausa, après cinquante-trois ans de vie entre ses murs. La même année, la maison Chanel sort un parfum exclusif en l’honneur de cette villa personnalisant sa fondatrice : « n°28 La Pausa », référant à l’année d’acquisition du terrain par Mademoiselle tant par le nombre 28 que par ses senteurs de lavande. Après des années de vacation, La Pausa​, maison emblématique d’une partie de la vie de Coco Chanel, est racheté par la maison de haute couture qu’elle avait fondée​.  

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