La Belle Otero, Cocotte, Croqueuse de Diamants et Icône De Mode

La Belle Otero, Cocotte, Croqueuse de Diamants et Icône De Mode

On cantonne, à tort, les cocottes au statut de filles de joie. Elles sont, avant tout, celles qui, par leur extravagance, ont permis l’envolée du luxe et de la mode. La Belle Otero en était la figure de proue!

Qui est Otero lorsqu’elle arrive à Paris en 1889? Personne. Que représente-t-elle lorsqu’elle se retire en 1914? La plus somptueuse vision de la Belle Epoque. Danseuse, actrice, reine du tout Paris…

Elle fut l’une des plus flamboyantes courtisanes — accumulant les amants autant que les diamants. Le prix minimum pour une cocotte de ce rang? Un hôtel particulier, une rente, une calèche, des fourrures, perles et diamants, et, bien entendu, la liberté absolue! Mais ce qui est plus qu’intéressant avec ce personnage haut en couleurs ne tient pas tant aux coeurs qu’elle a conquis. Il est plus intéressant encore de concevoir son influence sur la mode et le luxe.

Car à l’heure où fleurissent les Grands Magasins, la Belle Otéro refuse de s’y habiller. Elle ne jure que par la haute couture. Et les couturiers adorent. Les cocottes étant en constante représentation, ce sont leur toilette, leur bijou et autres attirails beauté qui démontrent de leur valeur. Mieux, étant là pour attirer l’attention des hommes les plus fortunés, les couturiers de l’époque trouvent un plaisir sans pareil à les habiller. Il faut dire que la sobriété est l’apanage des femmes de la haute société. La Belle Otéro, elle, fait dans le clinquant. Mais pas n’importe lequel.

William Vanderbilt lui acheta le collier de l’Impératrice Eugénie. Le Tsar Nicolas II lui offrit un bijou de la couronne Russe. Le prince Pirievski lui fit cadeau d’un bracelet en diamants, simplement pour la rencontrer. Mais la Belle Otero était aussi capable de faire ses propres commandes. Le boléro iconique qui fit sa réputation, et fit enrager Cléo de Mérode, doit sa superbe composition de diamants à l’un des bijoutiers les plus fameux de la Place Vendôme. Son nom reste secret. Frédéric Boucheron, lui, doit sans doute beaucoup à la Belle Otéro. Fascinée qu’elle était par la nature, son goût inspira les fabuleuses créations de Boucheron!

On sait aussi qu’elle demanda à Cartier de réinterpréter le collier de Marie-Antoinette — et le “joaillier des rois, roi des joailliers” s’exécuta avec plaisir! Le scandale fut évidemment total; les dames du monde voyant là une vulgaire courtisane s’élever au rang royal. Qu’importe, les bijoutiers de la Place Vendôme avaient tous le même subterfuge: une porte dérobée permettant aux clientes et leur amants discrets s’y glisser sans attirer le courroux lorsque leur ‘officielle’ se trouvait là par hasard.

En écho au mantra de Charles Worth, « non plus se vêtir mais se parer » les cocottes et la Belle Otero en tête furent la locomotive de la haute couture naissante. Elle puisa dans le style orientaliste de Paul Poiret le vestiaire idéal à ses apparitions. Porta les couleurs flamboyantes de Jeanne Paquin — toutes à la fois! La féminité d’Otero avait une telle influence sur les femmes de son époque que le célèbre constructeur des premiers véhicules, Dion-Bouton, lui fit parvenir un exemplaire. Quelle audace pour l’époque… une femme qui pose au volant d’une voiture pour en faire la promotion. Oui, car la Belle Otero s’était mue en outil marketing idéal.

En idéal tout court d’ailleurs. Reutlinger la figea sous toutes les coutures, avant que ses portraits sous format carte postale ne furent envoyés aux quatre coins du monde. Littéralement. De New York à Saint-Pétersbourg en passant par Monaco, le Belle Otero était à la fois la femme idéale, et un idéal de beauté.

Monaco justement fut le théâtre de la plus puissante des passions d’Otero. Joueuse invétérée, la foule se pressait pour voir la Belle Otero au Casino de Monte Carlo. Blackjack, roulette…

Ses apparitions font sensation tant elle scintille de la tête aux pieds. Mais Otero paria des sommes astronomiques. Gagna beaucoup, mais perdit encore plus. Entre 1900 et 1914, on parle d’une perte conséquente de 30 millions de Francs, approximativement 100 millions d’euros. Et c’est bien la première guerre mondiale qui mis un terme définitif à la Belle Epoque. Laissant la Belle Otero vivoter jusqu’en 1965 où, ruinée et seule, la belle s’est éteinte à Nice. Non loin de là, symbole éternel d’une grandeur fanée, l’un des dômes de l’hôtel Carlton à Cannes, fut pourtant moulé sur son sein…