Depuis 2020, Thalie Paris travaille la Haute Maroquinerie dans une approche en phase avec l’époque. Véganes, éco-conçues et surtout conçues pour durer par-delà les modes, les pièces Thalie Paris ont le chic de lier audace et fabrication exquise. Fondée en plein cœur de la Pandémie, c’est pourtant des années 30 et de leur modernité radicale que la fondatrice Nathalie Dionne puise les lignes de ses pièces hautement symboliques. Icon-Icon a voulu la rencontrer…
Pouvez-vous revenir sur la genèse de la maison Thalie Paris… Il y a une petite histoire liée à un bas-relief du Palais de Tokyo, mais encore… ?
L’idée de lancer une maison de haute maroquinerie me trottait en tête depuis un moment… J’ai créé la société Brand Creatives en début d’année 2020 tout en étant à la recherche d’un nom de marque…
Au détour d’un échange avec mes partenaires milanais ainsi que le souvenir d’enfance dans lequel, mon père m’appelait par ce diminutif, je me suis mise à effectuer des recherches plus poussées, notamment sur l’étymologie de THALIE qui n’a fait que confirmer cela en véritable révélation !
Thalie, une muse, du Grec Ancien THALEIA, signifiant « la florissante », celle qui préside aux grandes fêtes, un masque à la main. Dans la mythologie romaine, Thalie est l’une des 3 Grâces. On la retrouve sur les tableaux et sculptures des grands-maîtres de la Renaissance, notamment le printemps de Botticelli, puis les tableaux de Raphaël, ou les sculptures de Canova.
J’habite dans le 16e à Paris, à ce moment du confinement en mars 2020, ma limitation de sortie autorisée est de 1km. C’est donc à l’occasion d’une balade que je découvre au Palais de Tokyo, un magnifique bas relief de Janniot de 1938 : on y trouve la représentation des enfants de Zeus, dont cette inscription « THALIE » au dessus de l’une des muses.
Révélation, confirmation, un signe…?
Thalie, était, dit-on celle par qui venait la beauté du monde et par qui la nature refleurit. Quoi de plus beau pour explorer l’éco-conception ? J’ai alors déposé le nom de marque à l’international et voici comment est née THALIE.
Chez Icon-Icon nous aimons quand les anecdotes personnelles amènent à partager au monde des biens d’esthètes. Une épiphanie de jeunesse vous a-t-elle inspiré à faire ce que vous faites aujourd’hui ?
Je n’avais, à priori, pas vocation à me passionner de haute maroquinerie.
Après des études de Haute Couture et une expérience dans le cinéma en tant que styliste, j’ai lancé ma première marque de robes de mariées et robes du soir, à Vancouver au Canada.
Je dois bien avouer que j’ai toujours eu en moi cette passion pour la mode, la couture et les belles matières. J’ai même en souvenir d’enfance, le drapé des tissus et des serviettes de bain, inspirés des drapés Grecs…
J’adorais les étoffes précieuses…cela me vient sans doute de ma mère qui nous achetait toujours de jolies robes. Je me souviens d’une en particulier, une robe bleu ciel avec un grand plissé soleil peint à la main.
C’est en 2002, que je démarre ma carrière en tant que styliste, puis directrice du style et créative pour des grands groupes et marques de luxe. Ce qui m’a permis d’être expatriée de 2013 à 2014 à Shanghai en tant que directrice du style, puis à Rio de Janeiro en 2014, pour m’installer à Montréal de fin 2014 à 2018.
En 2019, je rentre définitivement à Paris où j’accompagne un grand groupe sur la création de collections écoresponsables. C’est à ce moment que je me suis aperçue qu’il y avait peu d’offres de matières alternatives écologiques sur la maroquinerie haut de gamme. J’avais testé le cuir d’ananas, de vigne, aux gants de jardins recyclés puis je fais la connaissance des fondateurs d’Ictyos (cuir marin) et Desserto (peau de cactus).
Comment sourcez-vous le cuir en 2022 ? La maison Thalie semble très en phase avec son époque à ce sujet. Était-ce compliqué à mettre en place ?
Avec THALIE, nous souhaitons explorer les matières alternatives durables et à faible impact sur l’environnement. Être une marque mondiale et pionnière de la haute maroquinerie française demande à repenser toute la chaîne d’approvisionnement et encore plus à l’époque que nous vivons.
L’ère post covid a vraiment permis d’accélérer la transition écologique et les modes de consommation qui évoluent. Les consommateurs, aujourd’hui, s’attendent de plus en plus à des engagements forts des marques. J’ai aussi voulu pour THALIE être acteur du Made in France. Aujourd’hui, les grandes marques de luxe peuvent se permettent de fabriquer en France en circuit-court et de vendre à des prix de folie. Mais je pense qu’il y a également la possibilité d’offrir aux clients un Made in France créateur fabriqué à partir de matières disponibles recyclées et upcyclées, voir véganes et qui reste accessible.
Nos collections sont aujourd’hui vendues entre 350-1000 euros.
Nous avons développé 2 gammes :
Une première la « Sushi Collection » en cuir marin fabriquée dans un atelier d’artisan d’art près de Paris.
Ce sont en fait des peaux de saumon issues de recyclage agro-alimentaire que retraite la tannerie de cuir marin d’avenir Ictyos, la tannerie est située à Lyon. Le tannage végétal est à base de plantes et j’avoue m’être passionnée pour les écailles de cette matière naturelle et sourcée de manière vertueuse. D’ailleurs, elle ressemble beaucoup au cuir exotique tel le python, c’est à s’y méprendre d’ailleurs !
Puis une deuxième gamme végane fabriquée en Italie, en peau de cactus lancée en 2020 avec Desserto. Cette matière innovante et durable, consomme peu d’eau et provient du Mexique, elle est labellisée Oekotex et PeTAvégane.
Nous sourçons également auprès de grandes tanneries françaises et Nona Source en upcycling de stocks dormants.
Parlez-nous de vos modèles iconiques… Livia, Cleo et Raphaelle ? Comment ont-ils été conçus, d’où tirent-ils leurs lignes…
Le Livia est un sac à la forme iconique qui s’inspire de l’art moderne, il est de forme triangulaire avec un patchwork signature en cuir marin, avec sa poignée menotte typique des années 30. Il est d’ailleurs le tout premier modèle de la marque.
Il a été exposé sur l’index des savoir-faire de Première Vision en février 2020, mais également à la Station F au sein de la Maison des Start-ups LVMH où a été incubé Ictyos, et plus tard Desserto.
La ligne se décline sur 5 silhouettes :
Le Livia, le Cleo en version mini bag, ainsi que la version « top handle » pratique pour le soir, puis Raphaëlle un sac fourre-tout qui se porte à la main avec sa poignée vintage ou en bandoulière.
Il y a dans votre univers une rencontre entre l’art moderne des années 30 et l’hyper-sophistication du XVIème arrondissement parisien. Comment articulez-vous ces inspirations dans la vision de votre maison ?
J’habite le 16e depuis quelques années. J’aime ce quartier où ma fille Livia est née, calme, de grands jardins à proximité, et puis cet esprit « bourgeoise parisienne » qui m’a toujours fasciné, un quartier un peu endormi que j’ai pris plaisir à découvrir pendant le confinement de 2020…
Le quartier est riche en patrimoine historique et culturel, le Palais Galliera, le Palais de Tokyo, les magnifiques immeubles de Guimard. À deux pas de mon studio, Jackie Kennedy, Barbara, Maria Callas avaient vécu.
Lorsque j’ai travaillé sur le manifeste de la marque THALIE, j’ai découvert notamment de belles photos d’Elmut Newton des années 70 prises dans le 16e, mais aussi de Marie-Laure de Noailles qui avait habité l’actuel musée Baccarat, puis une photo du Bal de la mer où elle était habillée d’une robe en cuir marin, comme quoi elle était visionnaire, une grande mécène des arts des années 30…
Plus particulièrement, le design de la première collection s’inspire d’une exposition que j’ai vue au MAD (Musée des Arts Décoratifs à Paris) sur le Maharadjah d’Indore, grand mécène des métiers d’art français dans les années 30. Des objets de déco et meubles signés Le Corbusier, Charlotte Perriand, Eckart Muthesius aux dessins de Chaumet, j’ai une véritable fascination depuis pour les années 30 et l’art moderne. Dans la notion de durabilité, j’ai voulu développer une ligne minimaliste, mais à la fois qui puisse durer dans le temps. Les lignes des années 30 sont pour moi d’une grande modernité.
Un film, un photographe, un livre où la femme Thalie serait comme un poisson dans l’eau ?
Un livre que j’ai acheté récemment à Venise…Peggy Guggenheim, Mistress of Modernism. Il raconte la vie fascinante de cette femme pionnière des années 30, amoureuse libre, mondaine, grande mécène des arts et à l’origine de 3 musées du même nom.
On se réjouit de découvrir la suite de votre aventure Thalie.. Avez-vous des projets de développement à nous partager ?
Nous réalisons actuellement une importante levée de fonds pour développer la marque THALIE à l’international et répondre à la demande. Nous avons également un projet de recherche et développement de matière alternative française bio-sourcée sans PU pour laquelle on espère déposer un brevet courant 2023.
Enfin, pour terminer notre entrevue, quels sont les lieux physiques et/ou digitaux où l’on peut retrouver Thalie ?
Nous sommes une marque en ONVB (Omnichannel Native Vertical Brand). THALIE est actuellement vendue dans 9 pays et dans une vingtaine de points de vente, markets place véganes et créateurs ( l’Exception Paris, Immaculate Vegan, Bloomingdales Dubaï, Plain Tiger, Wolf&Badger, La Pepixterie).
Nous avons fait des pop-ups à Paris, Monaco, Genève et nous avons un showroom dans le 16e où il est possible de venir sur rendez-vous. Nous offrons également le Click&Collect et la e-réservation, puis nous disposons d’un showroom en réalité virtuelle conçu en collaboration avec Atelier 7 Seven et l’architecte français Fabrice Ausset accessible sur le site www.thalieparis.com.
Merci infiniment d’avoir partagé un moment avec moi et l’univers de THALIE…
Retrouvez la maison Thalie Paris sur son Instagram.
Propos recueillis par Sébastien Girard
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