La Chemise, un Classique Touchant au Mythe

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L’histoire de ce tissu – dont le nom est issu du latin camisa, vêtement que l’on porte sur la peau – remonte à l’Égypte Antique. Il puise, semble-t-il, son origine en une pièce d’étoffe percée d’un simple trou de tête : la kalasiris. En coton, en lin, en laine ou en soie, elle habillait l’essentiel de la population de ce pays. Afin de distinguer le maître de l’esclave, l’érudit du bas-peuple, les « couturiers » de l’époque se sont naturellement tournés vers le premier élément physique acquis : la kalasiris se rallonge alors pour le riche, se raccourcit pour le pauvre. Ainsi dès l’Antiquité, la distinction sociale par le vêtement naît. Et, lorsque l’empire d’Égypte abreuve la Grèce, puis, des siècles plus tard, l’empire romain, de ses connaissances, la tunique grossière en profite pour s’orner de véritables manches : devenue tunica manicata, elle est l’ancêtre directe de notre chemise.

Mais durant la sombre période du Moyen-âge, la chemise – prise alors en lien direct avec la robe miraculeusement tissée sans couture du Christ – est usitée comme vêtement de seconde peau. Occulter ce linge sous ses vêtements, telle était la coutume de l’époque. Car, c’est l’âme même qui à travers elle est enfermée dans une sorte de seconde enveloppe corporelle ; pour la prémunir du froid, des souillures de ce corps répudié des chrétiens, mais principalement du regard d’autrui et des offenses humaines : la pudeur prend ainsi racine dans un souci d’orthodoxie. De cette façon, la chemise, longtemps seul sous-vêtement, fût donc destinée à cacher et, à être cachée. Tandis que des siècles plus tôt l’Ancien Testament l’érige en symbole de pureté, le XIIIè siècle l’emprisonne d’une teinte blanche, symbolisant ici le luxe chrétien : « Dieu t’accorde, comme tu es à présent revêtu corporellement de la robe blanche, de paraître aussi devant lui au Jugement dernier avec une conscience pure et irréprochable » annonce le parrain en passant la chemise au baptisé. Dès lors, la chemise renseigne sur le caractère moral de la personne, en d’autres termes, sur sa qualité : lorsqu’elle est soucieuse de son aspect, elle mérite la dignité. En 1238, un synode tenu à Trèves ordonne aux prêtres « de revêtir la camisa » – ici plus proche du rochet – pour se rendre à l’office : la chemise est ainsi sacrée. Et, comme la religion prône l’amour, la symbolique de « l’âme chemise » est rapidement reprise par les amoureux du XIIIè et du XIVè siècle : en France, ils échangent leurs chemises puis les portent à même la peau pour, dit-on, sentir la présence de l’être aimé.

Seulement, la Renaissance sonne le glas de l’autorité ecclésiastique et, très vite, conduit les codes vestimentaires à se libérer de son joug. Le corps n’est pas libéré, l’âme elle oui : progressivement, la chemise se libère à son tour, et passe définitivement du dessous au dessus à l’aube du XVIIIè siècle. Il faut là encore publiquement distinguer l’âme prolétaire de l’âme bourgeoise : la richesse s’affiche alors au moyen d’un linge fin, les âmes coquettent lui préfèrent la dentelle (sur le col et le plastron) tandis que les rentiers figurent leur oisiveté à travers de longues manchettes. La soie se colore de bleu, de jaune ou de noir et laisse le blanc aux paysans. En amour, la chemise joue toujours son rôle : certaines veuves passaient à même le corps les chemises alvéolées et ensanglantées appartenant à leur mari tombé, leur promettant ainsi un amour indéfectible visible à la face de l’humanité.

Au XXè siècle, c’est bien cette visibilité que recherchent les camisards, les chemises rouges, brunes ou noirs des milices, voulant signifier à la face du monde leur dévouement à une idéologie, à un parti, à une patrie. Dans le même temps, de nombreux couturiers s’inspirent de l’armature de la chemise, Chanel en tête ; créant les fameuses robes chemises ceinturées sous le buste, autour de la taille ou aux hanches. Bref, la chemise fait aujourd’hui parti de ces basiques substantivement immuables car, malgré les modifications apportées par l’histoire, toutes conservent un classicisme certain, résumé notamment dans le col italien et la poche poitrine. Finalement, la chemise a tout d’un chef-d’œuvre minimaliste.

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