Fidèle à son approche artistique de la mode, Rei Kawakubo faisait défiler à Paris une collection ancrée autour de l’esthétique Camp. La semaine passée, sur le petit podium du Pavillon Cambon, entouré de lourds rideaux en velours, ses pièces-sculpturales cherchaient ainsi à donner corps au propos de Susan Sontag. « Le goût Camp est, par-dessus tout, une source de plaisir, pas de jugement. Le Camp est généreux, il veut aimer… Le Camp est plein de tendresse » précisait la note d’intention du défilé. En coulisse, Rei Kawakubo ajoutait : « Cette collection est née du sentiment que, contrairement à ce qu’on croit, le Camp est quelque chose de profond et de nouveau, qui représente une valeur dont on a désespérément besoin aujourd’hui. »

            C’est donc ainsi que la pièce phare du défilé – une robe couture exagérée teinte du rouge CDG – donnait à réfléchir sur ce qu’est la mode quand elle est détournée, singée, déformée. Une fois au contact du Camp, la mode trouve ainsi un écho un brin plus révolté. Dans cette esthétique cherchant dans le mauvais goût et l’ironie la dénonciation d’une société bien trop sérieuse et codifiée, la robe couture exagérée de l’Automne/Hiver 2018/19 illustre toute la fascination et l’engagement distillés dans ce mouvement. Composée comme une robe espagnole de grand maître de la couture, la pièce présente aussi une profusion de broderies et de volants rouges.

            Spirituelle et follement magistrale, la pièce-phare du défilé Comme Des Garçons Automne/Hiver 2018/19 laisse à penser que la couleur iconique de la maison sied parfaitement à l’exagération. Mais pour Rei Kawakubo, démesure et exagération signifient souvent remettre en question la compréhension : « Il y a plein de styles, comme le punk, qui ont totalement perdu leur esprit rebelle de nos jours. Mais le Camp reste toujours profond ; il est à l’origine du progrès. » Un progrès qui, si l’on en croit ce défilé exemplaire, se vit entre folie, spiritualité et joie infinie.