Trouville, Plus Ancienne Station Balnéaire de Normandie

Trouville, Plus Ancienne Station Balnéaire de Normandie

A la différence de sa voisine Deauville, Trouville jouit d’une aura un brin moins huppée. On la dit bohème, tendre et chic ! 

Trouville, Un Charme Qui Ravit Les Coeurs

Comment devient-on le lieu de villégiature iconique du Tout-Paris ? L’histoire de Trouville l’illustre à merveille — une histoire qui lie de grands peintres et auteurs à des investisseurs de talents. 

1825. Trouville n’est alors qu’un village de pêcheurs lorsque le peintre Parisien Charles Mozin y capture un charme qui ravit son coeur. C’est par lui que Trouville va, une première fois,être introduite au gotha de la capitale. Car voici bien la genèse de la plus ancienne station balnéaire de Normandie — un peintre qui en figea la beauté et le mystère sur des toiles devenues légendaires. 

En 1825 donc, le peintre Charles Mozin fait de Trouville la vedette d’une série de toiles qu’il introduit sans mal à Paris, dans les salons mondains. Dès lors, le charme agit. La bonne société Parisienne s’éprend immédiatement de ce petit bout de mer, pas si loin de la capitale — et contrairement à Dieppe, Trouville-sur-Mer présente l’élégance d’un sable fin, parsemé de coquillage. 

Et ce n’est pas tout. La vogue pour les bains de mer en provenance directe d’Angleterre ne pouvait laisser Trouville sur la touche. Concomitant au développement du chemin de fer, c’est cette double conjoncture qui va mener le Tout-Paris sur la route de Trouville. Mais il fallait encore mettre en mots ce qu’on allait y trouver. Pour cela, c’est à Alexandre Dumas père que l’on doit d’être considéré comme « le découvreur de Trouville. »

Il y séjourna en 1832, alors à la recherche d’un coin retiré du monde et de la houle mondaine. Dans ses mémoires, il se rémora ainsi sa rencontre avec Trouville: « […] Arrivé au Havre, je me mis en quête d’un endroit où passer un mois ou six semaines ; je demandai un village, un coin, un trou, pourvu qu’il fût au bord de la mer ; on me nomma Sainte-Adresse et Trouville. […] et ayant appris que Trouville était encore plus isolé, plus perdu, plus solitaire que Sainte-Adresse, j’optai pour Trouville. […] 

Puis je me rappelai, comme on se rappelle un rêve, que mon bon ami Huet, le paysagiste, le peintre des marais et des grèves, m’avait parlé d’un charmant village au bord de la mer où il avait failli s’étrangler avec une arête de sole, et que ce village s’appelait Trouville. […] ll y avait au Havre infiniment plus d’occasions pour Rio de Janeiro, pour Sydney ou pour la côte de Coromandel qu’il n’y en avait pour Trouville. Trouville, comme latitude, était alors à peu près aussi ignoré que l’île de Robinson Crusoé ».

Aussi ignorée que l’île de Robinson Crusoé, Trouville ne le resta pas longtemps. Car déjà, Trouville est en train de se muer en lieu de villégiature où le charme opère. Dans tous les sens du terme. 

C’est ici que Gustave Flaubert connaît, à l’âge de 15 ans, ses premiers émois sentimentaux — sur la plage, il tombe sous le charme d’Elsa Schlésinger. Cet amour à sens unique lui inspira le personnage de Mme Arnoux, dans L’Education sentimentale… 

Trouville par son atmosphère pittoresque et ses embruns de bout du monde sert ainsi de décor à nombre d’impressionnistes. Claude Monet y peignit, dans les années 1870, Camille Assise sur La Plage de Trouville. Ou encore  La plage de Trouville. Ainsi l’imaginaire de l’époque est-il titillé par cette image d’un village où tout semble être magnificence, calme et volupté. 

Pour accueillir ce beau monde à l’exigence racée, c’est d’abord l’hôtel de Paris qui est construit. Et son nom démontre bien la fascination qu’exerce déjà Trouville sur les Parisiens. Érigé en 1840 sur le front de mer, il accueille ces étrangers du dedans venus découvrir les bains de mer, et la Côte fleurie. 

Quelques 26 ans plus tard, c’est l’hôtel des Roches Noires qui est bâtit dans un luxe devenu typique de Trouville. Cet hôtel, construit par l’architecte Alphonse-Nicolas Crépinet, s’agrandit au fur et à mesure que Trouville gagne en réputation.  75 chambres à l’origine, puis 300 chambres en 1913… Claude Monnet l’a encore figé dans l’une de ses toiles. 

Des ruelles pavées, des bateaux de pêche et un artisanat encore inconnu — Trouville gagne le surnom de « Reine des plages. »

Il n’en faut pas plus pour que des entrepreneurs aguerris et de riches familles choisissent d’y faire bâtir des villas somptueuses; aujourd’hui somptueusement conservées. 

Trouville, Lieu De Villégiature 

Dès 1847, le casino de Trouville fait se déplacer les foules. On s’y imprègne d’une oisiveté bien inspirée — tant il devient l’épicentre d’un mode de vie balnéaire. C’est ici même que le sculpteur trouvillais Gustave Binant y inventa les petits chevaux. Ici, encore, que les cocottes de la Belle Epoque y trouveront leur compte. Mais en attendant, Trouville est surtout le lieu où il faut investir. 

Et l’époque est à l’audace architecturale. Alors on construit des villas qui mêlent toutes les beautés architecturales du monde. Une villa mauresque piquée d’un escalier renversant. Une autre villa persane en brique polychrome, destinée au Prince Sagan. Une autre bâtisse digne d’un château, érigée là pour la marquise de Montebello… On se surpasse pour combler les attentes Trouvillaises, comme titillées par tant de récits picturaux ou romanesques. 

D’ailleurs le charme de Trouville ne s’est jamais tari. Lorsque Marcel Proust se rend à Trouville, il loge à l’hôtel des Roches Noires. Lorsque Marguerite Duras décide d’y acquérir un bien, c’est dans ce même hôtel, devenu entre temps une résidence privée, qu’elle achète un appartement faisant face à la splendeur de la mer ! 

Que reste-t-il alors de ce lieu de villégiature au charme épatant? Des brasseries typiques ayant traversées le temps sans une once de prétention — les Vapeurs avec leur nom évoquant ce glorieux passé ! Ou encore Deauville. La ville voisine qui fut construite pour directement concurrencer la beauté et l’attrait de Trouville. Désormais complémentaires, ces icônes de la côte Normande n’ont décidément pas fini d’inspirer les artistes. Il n’y a qu’à suivre la 46ème édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville, s’il fallait s’en convaincre.