Chanel Et Dior, Deux Visions De Mode

Chanel Et Dior, Deux Visions De Mode

Deux visions, et deux définitions de l’élégance, et de la Parisienne. Chanel et Dior sont aujourd’hui des références absolues du raffinement. Pour tous les couturiers, dans le monde entier.

Si Christian Dior et Mademoiselle Chanel s’éloignent dans une vision de la mode aux antipodes, ils se rejoignent toutefois sur un point. Leur spiritualité bien affirmée. Dior trouve ainsi ses signes et grigris dans les étoiles, le muguet et l’abeille, tandis que Chanel a fait siens les lions de Saint Marc, le camélia et le chiffre N°5.

Mais ce qui nous intéresse ici, c’est précisément la vision antinomique de la femme Chanel, et celle de la femme Dior.

Dior Et Chanel, Deux Visions De La Couture, Deux Visions De La Femme

La femme Dior est flamboyante, tourbillonne dans des envolée de tissus. Celle de Chanel est sobre, active et moderne. La femme Dior valse, celle de Chanel agit. Deux visions de la femme et de la couture qui symbolisent l’élégance à la Française. L’élégance tout court d’ailleurs.

Coco Chanel Et L’Elegance Epurée

Coco Chanel a ouvert sa première boutique en 1913, à Deauville. Dès lors, en parfaite rupture avec la Belle Epoque et la mode d’avant-guerre, Coco va s’attacher à introduire dans la couture des matières dites ‘pauvres’, et une allure sacrément simplifiée. Une silhouette nouvelle est née — élancée, mince et plate. Sans ornement mais avec des bijoux ostentatoires, notamment la croix de malte.

Gabrielle Chanel, on le sait, va piocher auprès de ses amants les codes et la définition sa mode. Une mode décontractée et follement pratique, pour les femmes.

Les deux plus importants furent Boy Capel, et le Duc de Westminster. Elle découvre auprès du premier, Boy, le joueur de polo, le jersey, le sport et l’attrait des coupes fluides. Auprès du Duc de Westminster, Coco découvre ce qui deviendra sa matière fétiche, le tweed.

Ses ensembles en jersey de soie détonnent dans les années 1910-1920. Chanel accompagne alors les Années Folles et impose l’emblème absolu des femmes en phase avec leur époque. Ces femmes à la coupe garçonne, et à l’allure simplifiée au maximum portent toute la petite robe Chanel. Et adorent le noir, couleur-phare de Coco.

Lignes sobres donc, pantalons à jambes larges, inspirées des marins… Jodhpurs et allure dynamique constituent le socle de la mode de Chanel. Elle incarne la femme moderne – libre de ses choix, et surtout, en rupture totale avec la femme guindée et corsetée de la Belle-Epoque.

Ce que Coco cherche, c’est une mode pratique. Une mode faite pour accompagner la femme dans ses mouvements, les rendre plus simples, plus aisés. Elle ajoute des poches, parce qu’elles permettent à la femme de délasser ses mains.

Elle encense les perles blanches portées en rangs, parce qu’elles illuminent le teint du visage. C’est cela est bien plus que Paul Morand dévoile dans son livre L’Allure de Chanel.

Après la Seconde Guerre Mondiale, Chanel s’exile en Suisse. Et c’est de là-bas qu’elle va assister à l’avènement d’un nouveau couturier, d’une nouvelle mode, et de tout ce qu’elle s’est échinée à proscrire…

Christian Dior Et Le New Look

1947. Du jour au lendemain, Christian Dior fait entrer son nom dans l’univers de la mode internationale. Et de la plus belle manière qui fut. « Inconnu le 12 février 1947, Christian Dior était célèbre le 13 » note justement Françoise Giroud.

Son défilé est un évènement que Carmel Snow, rédactrice edu Harper’s Bazaar, résume par une exclamation ayant fait légion: « It’s quite a revolution, dear Christian! Your dresses have such a new look! »

Dès le début des années 50, la couture de Dior représentait à elle seule plus de la moitié es exportations de la haute couture Française. C’est dire l’impact de cette révolution !

Deux ans après la fin de la guerre mondiale, Christian Dior vient en effet de redonner aux femmes une allure romantique, douce… Epaules rondes, taille resserrée sur des jupes amples et amplement travaillées en corolle… Les femmes Dior s’habillent de tissu valsant sous le genou ! La lignes Corolle, en somme.

A cette silhouette toute en flamboyance, Christian Dior ajoute surtout le travail de matières romantiques. Des matières qui se prêtent à l’exagération des formes, à des envolées de tissus… Le tulle, le taffetas, l’organza de soie, la broderie, les frous-frous, le fil d’or ou d’argent.

La mode Dior est toute en drapé, toute en féminité exagérée. Et Christian Dior ne s’en cache pas – il souhaite décalquer la beauté divine des fleurs. « Après les femmes, les fleurs sont la plus belle chose que Dieu a donné au monde » écrit-il.

La pièce clé de cette nouvelle grammaire Dior, c’est le Tailleur Bar. Et ses lignes s’inspirent des crinolines du XIXe siècle. Le faste de Dior irrite autant Chanel qu’il émerveille les femmes du monde entier. Car dans l’après-guerre, la haute société renoue avec le faste des bals, et des mondanités, tout sauf dans la sobriété.

Les Pièces Iconiques Chanel Et Dior

Pièces Iconiques de la mode Française, et pièce-manifeste d’une couture devenue la référence pour le monde entier…

Les créations de Coco Chanel et Christian Dior n’ont pas seulement défini les grandes lignes de la mode de leur époque. Elles ont aussi été des manifestes de féminité. Chacune à sa façon.

Le Tailleur Bar, La Ligne Corolle

Incarnation parfaite de la révolution Dior, le Tailleur Bar, présenté en 1947, a littéralement balayé des années de sobriété. Sa jaquette en soir shantung pose la structure de la femme-fleur. Un structure aidée par des épaules arrondies, et des hanches élargies par des baleines.

La jupe plissée qui l’accompagne se poursuit sur près de 7m d’amplitude – du jamais vue en temps de rationnement. Oeuvre radicale en faveur du retour d’une féminité bafouée durant la guerre, le Tailleur Bar de Dior pose une silhouette galbée. Et éminemment raffinée.

D’abord définie comme ligne Corolle, cette silhouette prend le nom de New Look après le commentaire extasié de Carmel Snow. La mode Dior est fantaisiste, poétique. Elle provoque une émotion et cherche à élever la femme au rang de merveille du monde.

Et le Tailleur Bar ne constitue que le fer de lance de cette mode aux antipodes de celle de Chanel. En effet, jusqu’à sa mort en 1957, Christian Dior s’attache à renouer avec une féminité fantastique, légère et optimiste.

“Chaque nouvelle collection est comme un nouveau printemps dont les pièces de tissus seraient les jeunes pousses” écrit-il. Sa mode, comme sa vision de la femme, cherche la passion, vise la magnificence et, finalement, à donner aux femmes des robes fabuleuses à porter !

Des collections à retourner dans tous les sens dans le beau livre Dior, 60 Ans de Style, publié à l’occasion des 60 ans de la révolution du New Look.

Le Sac 2.55, la Petite Robe Noire, Le Tailleur Chanel

Si la première pièce-manifeste de la maison Chanel remonte à 1926, c’est dans l’après-guerre, et avec l’avènement de Christian Dior, que vont se sceller les plus iconiques des vêtements Chanel.

Revenons un instant à l’année 1926. C’est en effet cette année là que Coco Chanel imagine la mythique “petite robe noire“.  Une robe qui catalyse les codes de la maison Chanel. L’allure sobre, la matière jersey, et surtout, le noir. Une couleur jusque là associée au deuil… La voilà catapultée pour être la couleur chic par excellence !

Une pièce catapultée aussi, dans les grands titres de la presse. Le Vogue Américain parle de la “Ford de Chanel — la robe que tout le monde veut porter“.

Mais dans les années 50, tout le monde ne parle plus que de Christian Dior, et sa allure de femme-fleur. En 1954, à 71 ans, Chanel est bien décidée à entériner ce nouveau venue. Et sa vision d’une femme qu’elle juge surannée.

Elle fustige la couture de Christian Dior: “Dior n’habille pas les femmes, il les rembourre »
Elle ajoute: « Regardez à quel point ces femmes sont ridicules, portant des vêtements d’un homme qui ne connaît pas les femmes, n’en a jamais eu et rêve d’en être une. »

En réponse à ce qu’elle juge un retour en arrière, Chanel crée coup sur coup le Tailleur et le sac 2.55. Un ensemble taillé dans le jersey, d’une simplicité de titan. Seuls ornements apparents, les galons du tailleur précisent son luxe. Un luxe radical qui se lit dans le tombée plutôt que dans l’agencement de tonnes de tissus.

L’autre grande pièce manifeste, est incontestablement le sac 2.55. Parce qu’il résume à lui seul la mode radicale de Chanel. Un matelassé inspiré de son enfance dans l’Abbaye d’Aubazine. Pour la journée, il est en cuir d’agneau. Solide. Pour le soir, elle pense une version en satin de soie, et une autre en jersey.

Une chaîne qui vient servir de anse. Un portée épaule fait pour dégager les mains des femmes, souvent encombrées. Sept poches, dont la ‘tube’ pour le rouge à lèvres… Un intérieur rouge grenat, noir à l’extérieur. La femme Chanel a désormais un sac à la hauteur de ses ambitions.

Les Parfums N°5 Et Miss Dior

Ces deux couturiers de légende ont aussi projeté dans des parfums leur vision de la femme, et de la couture.

Deux visions et deux opuscules olfactifs devenus les plus vendus au monde.

Le N°5 de Chanel, le premier, est un parfum synthétique. Créé en 1921, il est aussi le premier parfum à porte le nom d’une couturière. Concocté par Ernest Beaux, le N°5 est selon les mots de Coco, “un parfum de femme à odeur de femme.“

L’aldéhyde, une molécule de synthèse, forge ainsi cette odeur pénétrante qui surpique l’effluve. Le résultat? Le N°5 est un parfum légèrement poudré et aérien, embrasé par les notes du musc et de la civette.

Miss Dior, le second, est pareil à l’éclosion d’un bouquet. Dior écrit: « Voilà pourquoi je suis devenu aussi parfumeur, pour qu’il suffise de déboucher un flacon pour voir surgir toutes mes robes. »

Commandé au nez Paul Vacher, Miss Dior apostrophe le passant comme le ferait l’enthousiasme de la jeunesse. L’impact pareil à une poussée de vitalité qui rend le pas plus certain. Sûre d’elle, pressée jusqu’à l’impertinence, mais exhalant un chic fou, c’est ça, Miss Dior

Quand Christian Dior en fait lui-même la description, la vision est un peu plus probante encore… « Miss Dior est léger, frais et vif, depuis les premières notes de galbanum et de gardenia, rehaussées par l’impertinence de la sauge. Puis, s’enroulant dans l’espace parfumé, le charme insaisissable du jasmin, de la rose et du néroli se mêle aux envoûtantes harmonies du patchouli et du ciste-labdanum, tandis que la chaleur veloutée de la mousse de chêne s’attarde dans l’air. »

En définitive, on voit combien deux noms si facilement associés au luxe et à l’élégance Française présentent en réalité deux visions bien distinctes. Coco Chanel a cherché à simplifier la silhouette, quand Dior a voulu la magnifié.

Une mode contre l’autre, mais surtout l’une poussée par l’autre… ils sont finalement parvenus à donner aux femmes le choix d’être ce qu’elles désiraient. Entre la femme-fleur et la garçonne, c’est une question de choix.