L’Écusson Envahit le Vestiaire Féminin

Accueil / Prêt à porter / L’Écusson Envahit le Vestiaire Féminin
mary_katratzou.jpeg
À l’heure où chacun s’individualise et où la mode adopte dans un effet contraire la similarité des collections dans un Occident tout puissant et voué à une massification des styles, le retour de l’héraldique semblent être comme un appel pour revenir à son identité, à ses origines et ne plus se tourner vers cette vision de soi fantasmée ou cette recomposition de l’être. La mode attend maintenant que vous décliniez votre identité, que vous offriez au monde une projection de votre être, l’utilisant paradoxalement comme protection d’un corps mis à nu.
L’Histoire de l’écusson montre bien cet aspect d’un détail considéré comme signature au Moyen-Âge, temps où il puise ses origines. En effet, les peuples belligérants de l’époque virent le problème d’authentification s’accentuer avec un armement militaire plus lourd et plus complet. L’homme rendu anonyme par ces masques de fer peine à identifier l’ennemi dans une guerre le plus souvent cacophonique. Il devint donc urgent de créer un système évitant une identification hasardeuse lors de ces sanglantes rencontres. L’héraldique apparaît alors avec une grammaire graphique composée d’éléments géométriques et à la palette simple sur les boucliers des combattants. Peu à peu, le blason s’introduit dans la société, donnant par les signes représentés l’identité de son possesseur, son patronyme et devint un garant juridique lors des premières croisades notamment. À son apogée aux XIIIè-XIVè siècles, les codes concernant les écussons s’étendent à des formes plus complexes. La flore, les animaux et un bestiaire fantastique déploient l’imaginaire lié à chaque personnalité, chaque corps de métiers, villes et communautés civiles et religieuses représentés.
Au fil des siècles, l’écusson est devenu le signe d’une appartenance à une aristocratie ou une bourgeoisie aisée, laissant aux communs l’emploi de ces signes de reconnaissance dans les écoles ou universités anglo-saxonnes pour la majorité. Depuis quelques saisons pourtant, l’héraldique signe un retour discret avec les créations d’Olympia Le Tan pour Kitsuné : un renard brodé à la main et décliné dans plusieurs formes et couleurs. Raf Simons pour Dior applique aussi l’effet sur ses robes, pulls et sur le tailleur Bar de la collection Printemps/Été 2014 dans des imprimés pied-de-coq, donnant pour la première fois à Dior la matière d’une Maison dont les armoiries deviennent un élément du décor toujours aussi fleuri. Mary Katrantzou clôture avec merveille ce bal des signes avec sa collection Automne/Hiver 2014-2015. L’écusson n’est plus cet objet qu’on ajoute à la matière première comme une touche finale, elle en fait la matière première même, jouant avec brio des broderies et délaissant pour cette saison les imprimés numériques et volumes complexes qui l’ont rendue célèbre. Le foisonnement de la charte graphique de ses créations est bien ordonnée. On y distingue un mélange de signalétiques routières, d’armoiries féodales et d’organigrammes professionnels assemblés dans une composition symétrique et rigoureuse. Porté comme protection, costume de cette guerrière contemporaine à la croisée entre l’imaginaire et le passé, la femme Katrantzou s’apprête à offrir au monde la douceur suranné d’un Moyen-Âge magnifié par la prestance d’une modernité combative.

Laissez une réponse

Your email address will not be published.