Fruit de la rencontre d’Alexis Gouten, entrepreneur dans le monde du luxe et de Philippe Loup, designer ayant collaboré avec les plus grands – d’Audemars Piguet à Louis Vuitton – Monarchy London nous livre une vision décalée de la maroquinerie de luxe : un ADN entre classicisme à l’Anglaise et influence punk, entre tradition et modernité.
De ces deux mondes en apparence opposés émerge une marque avant-gardiste, sortant des codes classiques du luxe, tout en demeurant haut de gamme et exclusive.
Unisexes, les collections de sacs et accessoires sont contemporaines et maximalistes, principalement composées de cuir, incluant des touches et matières surprenantes.
Le fil conducteur : sortir de l’ordinaire et se faire remarquer, en accord avec l’idée de rébellion que l’on retrouve dans le nom même de la marque.
On retrouve dès lors le « M » de Monarchy et le « A » exprimant l’anarchie et la liberté affirmées du label, repris en monogramme sur les pièces de maroquinerie issues d’une recherche et d’un développement minutieux où le luxe et la qualité du cuir sont particulièrement valorisés.
Icon-Icon vous livre une interview exclusive de cette marque de niche, encore confidentielle mais qui contient en elle tous les germes d’une icône en devenir.
Rencontre avec Alexis Gouten
Pour commencer et recontextualiser pour nos lecteurs, pourriez-vous revenir sur votre parcours ?
Je suis née en France puis j’ai suivi mes parents en suisse a l’âge de 11 ans. J’ai ensuite fait des études en sciences économiques et en journalisme à l’université de Fribourg. Assez rapidement, j’ai découvert que j’avais tout de même une fibre pour l’entreprenariat.
J’ai eu la chance d’avoir été former par mon père qui me disait souvent : « Alexis quoi que tu fasses essaies d’être toujours indépendant », il m’a appris un certain nombre de choses, j’ai ensuite suivi mon chemin de mon côté. J’ai monté ma première société dans la distribution en 2002.
En Suisse, les marques de luxe traitent souvent leur business depuis Paris, ne s’intéressent pas réellement au marché Suisse, et préférent monter des filiales dans d’autres pays. Il y avait un marché extraordinaire à la fois local et touristique. J’ai vu cette opportunité et c’est à ce moment-là que j’ai lancé ma première entreprise où je distribuais un certain nombre de marques.
Selon moi, ma plus grosse « success story » était avec le groupe Frédérique Constant, nous sommes devenus avec le marché Suisse, le deuxième marché mondial après quelques années de travail puisque nous avons démarré de zéro. À ce moment-là, en 2016, le groupe Frédérique Constant m’a fait une offre de rachat de ma société.
En parallèle mon envie de créer ne s’est pas éteinte, nous avons décidé avec ma famille, de racheter une marque de montres de haute horlogerie qui se nomme « Manufacture Royal ».
En 2018, nous avons créé de toutes pièces la marque « Monarchy London ».
En 2019, j’ai lancé une plateforme de vente privée destinée aux employés des grandes entreprises Suisse, où il n’existe pas de comités d’entreprise comme en France, nous organisons des campagnes de vente, nous vendons principalement des produits de luxe (horlogerie, bijouterie, accessoire) à des prix réduits, le tout sur une plateforme privée.
Comment vous est venue l’idée de Monarchy London ? Pourriez-vous nous raconter le concept et l’ADN de la marque en quelques mots ?
Monarchy est d’abord une rencontre, une rencontre avec un manufacturier qui m’a approché pour solliciter mon aide afin de lui présenter des marques de montres horlogères dans le but de vendre des écrins en cuir (de voyage plus précisément) à ces marques.
J’ai vu le produit, il était extrêmement bien fait et c’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée de lui proposer le lancement d’une marque de cuir, j’ai vu par mes expériences passées avec Lancel et Dunhill qu’il y avait un marché extrêmement prometteur et qu’il fallait aussi sortir de l’horlogerie. Nous nous sommes associés à un designer puis très vite nous est venue l’idée de l’héritage anglais, londonien qui d’une part regroupe le tailleur, le côté mode extrêmement classique, artisanal ; puis de l’autre, un monde un peu plus fou, un peu plus rock and roll, plus punk.
Monarchy London c’est donc l’héritage de ces deux univers, le clash de la royauté, le classicisme puis le côté créatif, punk et anticonformiste. Cela a été amené assez naturellement je dois dire. Nous ne sommes pas une marque anglaise, nous sommes une marque internationale.
Il y a aujourd’hui beaucoup de marques de maroquinerie qui sont très connues, l’idée était de se démarquer avec quelque chose d’un peu plus fort, un style plus décalé tout en étant sérieux dans la manière dont on développe les produits. Ce qui est très intéressant c’est que Monarchy London est une marque que nous avons lancée pour être masculine et pourtant au fur et à mesure, nous voyons qu’il y a une clientèle féminine importante qui s’intéresse à nos produits. Nous avons donc bifurqué pour devenir une marque beaucoup plus mixte avec une image certes masculine, mais en mettant l’accent sur des produits plus féminins. Nous avons commencé à faire des pièces uniques pour des clientes et nous allons aussi dans les prochaines collections proposer des couleurs en sortant un peu du noir.
Vos collections sont effectivement majoritairement noire, pourquoi ce choix ?
Pour nous le noir était très important, d’abord car dans une marque de maroquinerie de luxe, la majorité des ventes sont des couleurs foncées c’est une réalité. Ensuite le noir nous a permis de marquer notre territoire, d’avoir nos collections basiques, le pilier de la marque. Maintenant, comme vous l’avez vu avec les bananes de couleurs, nous allons partir vers plus de couleurs, plus féminines. Notre slogan est « Unnoticed is not an option » l’idée est donc de dire que lorsqu’on achète du Monarchy London, c’est que l’on a déjà certainement des produits Hermès, Louis Vuitton ou d’autres marques de luxe, et que l’on a envie d’avoir un produit différent, plus voyant, qui permet de se faire remarquer. Notre marque n’est pas à destination d’une clientèle sobre ou introvertie, nous sommes là pour une clientèle décomplexée qui a déjà une connaissance de la maroquinerie et du cuir.
C’est à ce moment-là que nous avons trouvé notre créneau féminin, puisque nous avons remarqué que certaines clientes n’ont pas peur de porter des marques beaucoup plus niches, en étant fières de les porter.
D’où vient votre passion pour la matière noble qu’est le cuir ? Que représente pour vous la maroquinerie ?
Le cuir est une matière noble, une matière qui se patine. Je trouve qu’aujourd’hui, certaines images que l’on veut donner du cuir sont extrêmement négatives, même si je rejoins certains activistes sur le manque d’éthique, avec tout ce qui est cuir « exotique » autour notamment des fermes à crocodiles et alligators uniquement là dans le but de les dépecer. Mais le cuir travaillé en Europe, provenant de la vachette ou du veau demeure une matière extrêmement noble, faisant vivre tout un pan de l’économie européenne.
Je m’inscris ainsi contre ceux qui voudraient que cela disparaisse. C’est une matière qui va survivre, autour d’un très bel artisanat et je ne voudrais pas qu’on continue à le dévaloriser de la sorte. Il y a certaines marques qui se sont lancées dans des cuirs fait à base de champignon tel que Hermès est cela est très intéressant, de trouver des dérivés possibles au cuir mais le cuir en lui-même reste quelque chose d’extrêmement noble qui ne doit pas être sali.
Pourriez-vous nous parler de votre récente collection de modèles aux matières métallisées ?
Le but est de se faire remarquer, de sortir du lot et d’avoir un produit qui est reconnaissable. Nous sommes conscients que nous devons travailler sur la notoriété de la marque mais je vois que lorsque nos produits sont portés, nous ne remarquons pas forcément qu’il s’agit de Monarchy London mais toutefois, les produits intriguent, nous sommes surpris de voir des personnes s’approchant pour demander d’où vient ce sac ? Quelle est la marque ?
L’objectif est toujours de sortir du lot et de s’affirmer avec des couleurs ou des matières différentes.
S’il ne devait y en avoir qu’une, qu’elle serait la pièce iconique Monarchy London ?
Nous avons des produits qui sont plus iconiques et d’autres qui deviennent ensuite nos best-sellers.
Il y a un produit que nous avons lancé dont je suis très fier et qui est certainement plus niche et plus compliqué à vendre. Il s’agit du modèle « Lion Heart », une sorte de carquois, de sac à dos pouvant reprendre l’idée de Robin des bois avec son arc et ses flèches.
C’est à la fois, quelque chose de décalé, mais très luxueux, c’est un produit iconique.
Vous avez récemment signé un partenariat local exclusif pour représenter le célèbre artiste Richard Orlinski au Vietnam. Quel lien établissez-vous entre l’univers du luxe et l’univers de l’art ?
Tout d’abord, à titre personnel le luxe m’a toujours intéressé puis à partir de 2015 j’ai eu un coup de foudre pour l’art qui est rapidement devenu une passion.
Je suis collectionneur, plutôt d’artistes émergeant, d’œuvres un peu plus niches. J’ai commencé par collectionner tout ce qui touche à l’urban art et aujourd’hui je suis plutôt dans l’art contemporain d’artistes émergents.
Voici mon gout personnel, ensuite si on parle de Richard Orlinski c’est très particulier, il a trouvé un angle, c’est-à-dire qu’il est la synthèse entre le luxe et l’art. Certains vous diront ce n’est pas du luxe et d’autres que ce n’est pas de l’art mais il a réussi à faire en sorte que l’on achète une culture Orlinski comme un marqueur de réussite, comme on porterait une belle montre, un beau sac.
Il est pour moi le seul artiste à avoir réussi cela, c’est pour cette raison que le luxe le regarde aussi scandalisé mais nous avons rapidement constaté que le partenariat fait avec Hublot a été une très grande réussite, aujourd’hui les montres Orlinski x Hublot sont certainement les montres qui se vendent le plus, de manière régulière et depuis longtemps.
Le lien entre l’art et le luxe est le côté rare, passion, fait à la main puisque derrière chaque œuvre se trouve un artisan, un artiste ou une équipe d’artistes.
Il y a vraiment des valeurs communes entre ces deux mondes.
Vous travaillez également sur le projet d’une galerie nomade et d’une plateforme dédiée aux artistes émergents, pensez-vous à développer ce concept sous forme de NFT ?
Pour moi, il existe trois sortes de NFTs.
Premièrement un NFT qui va perdurer dans le temps, qui est une preuve d’authenticité pour un produit ou pour une œuvre d’art, cela va remplacer les certificats d’authenticité classiques, les carte en format carte de crédit par exemple. C’est vraiment une réelle avancée grâce à la blockchain.
Ensuite, le NFT qui va disparaitre, c’est celui qui est spéculatif qui remplace la crypto monnaie, c’est-à-dire qu’au lieu d’acheter un token avec une image ou une vidéo pour le revendre plus cher, cela est du déjà-vu.
Le troisième NFT est un format diffèrent, pour créer une œuvre d’art qui va permettre à un collectionneur d’avoir son œuvre sur son téléphone, sur sa tablette, celle qui va voyager avec lui. Celle-ci doit être réalisée par des artistes qui ont un réel contenu, un vrai talent, un message à faire passer.
Aujourd’hui, tout le monde parle de ces NFTs spéculatifs qui à mon avis vont disparaitre aussi vite qu’ils sont arrivés. Nous discutons avec des artistes en Angola, puisque la galerie nomade que nous sommes en train de monter est avec un partenaire en Angola, pour potentiellement faire des NFTs. Nous avons décidé de prendre notre temps à ce sujet parce que nous voulons que cette vague de « folie spéculative » passe pour pouvoir créer des œuvres qui vont durer dans le temps.
Pour terminer, chez Icon-Icon, nous nous intéressons aux objets, lieux ou expériences emblématiques, auriez-vous une odeur, un souvenir ou un objet fétiche dont vous aimeriez partager l’histoire avec nous ?
Il y a beaucoup de choses, mais je parlerais plutôt d’un objet qui m’a été offert quand je devais avoir 11 ans. Mon grand-père paternel était l’adjoint d’un monsieur nommé Robert Hocq, ce monsieur a racheté Cartier, puis relancé Cartier.
Mon grand-père travaillait avec lui et m’a offert une montre Cartier Santos Octogonale en acier sur bracelet acier. Pour moi, c’était ma première montre de luxe c’est ce qui m’a fait gouter et aimer l’horlogerie. J’ai toujours cette montre, elle me suit, elle a une valeur commerciale qui est aujourd’hui extrêmement faible, cela ne vaut plus grand-chose, mais elle a une valeur sentimentale très importante.
Ce qui est amusant c’est qu’à notre époque, cette montre est très petite, comparé aux modèles aujourd’hui, c’est ma compagne qui la porte à présent. Cela a été ma première rencontre avec un objet de luxe, j’étais fier de porter cette montre et c’est certainement grâce à ça que je suis tombé amoureux de l’horlogerie et du luxe en règle générale.
Propos recueillis par Sébastien Girard, Président d’Icon-Icon et Saskia Blanc
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