Débutant par le développement de portraits des clientes de sa boutique de sacs la Fox Leather Company à Amsterdam, sa renommée s’est construite au fil de ses expériences. C’est pourquoi le contexte sociopolitique de l’époque est prégnant dans ses œuvres tant du point de vue graphique que de fond. Ainsi, son passage dans les camps nazis durant l’année 1940 marque profondément sa création, en témoignent les photomontages « Le dictateur » mêlant Hitler à un crâne et le « Minotaure », allégorie du pouvoir délirant, faits avant que la guerre n’éclate comme une prédiction de l’avenir sombre réservé à l’Europe. De fait, si ses œuvres marquent autant le temps c’est sûrement parce qu’elles naissent à une époque où les corps et les esprits sont déjà abîmés.
Repéré à Paris par Cecil Beaton, photographe de mode reconnu, il s’insère dans le milieu avec aisance en obtenant des contrats successivement avec les magazines Votre Beauté, Harper’s Bazaar, Vogue puis pour le groupe Condé Nast qui lui assurera une reconnaissance officielle. Son intérêt pour le corps féminin s’y assouvit au moyen de ses traitements en laboratoire à base de cadrage très serrés, de niveaux de contrastes élevés et d’éclairages le tirant vers l’abstraction. Captivé par les différents mouvements artistiques de son temps et d’avant, les influences de Man Ray dans ses nus sont perceptibles, tout comme son imagination semble s’affilier à Picasso et Kandinsky dans ses dessins de par les couleurs et compositions employées. De même, les photographes pré-raphaélites se reflètent en toile d’inspiration dans ses photomontages par le traitement artistique apporté en laboratoire.
Cet artiste entier, jouant du corps de la femme comme une surface, est pourtant supplanté à l’aube des années 1950 par une nouvelle génération de photographes reconnus aux noms évocateurs. Avedon, Klein vont à l’inverse de la démarche de Blumenfeld, qui déploie le temps photographique dans ses bains révélateurs, sortir du studio pour capter l’essence de leur photographie dans la rue. Cependant, un homme garde probablement par la suite l’idée de cette esthétique retravaillée ; le photographe Jean-Paul Goude qui redéploie et use aussi du corps de la femme comme matière. Finalement, visiter cette exposition, c’est retracer un pan de l’histoire de la photographie de mode poursuivant inexorablement sa quête avant-gardiste.
Erwin Blumenfeld (1897-1969) : photographies, dessins et photomontages
Du 15 Octobre au 26 Janvier
Jeu de paume
1 place de la Concorde
75008 Paris
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