Pour atteindre la beauté de son art, et la beauté du monde du XXè siècle, le photographe canadien a pourtant vécu certaines heures des plus dures puisqu’il vit le jour au milieu du génocide arménien. Contraint par la guerre, il fuit avec sa famille et émigre en Syrie en 1922. De là, sa destinée s’inverse lorsqu’on l’envoie au Canada en 1924, chez son oncle Georges Nakash, photographe portraitiste renommé de Sherbrooke. Sans éducation jusque ses 16 ans, il apprend au Canada plus qu’une simple instruction scolaire. La campagne de cette petite ville a vu ses balbutiements artistiques quand John H. Garo, portraitiste lui aussi et arménien de même, le prend alors sous son aile à Boston.
Son apprentissage touche tant l’aspect technique : la conception, la composition étudiée lors de cours d’histoire de l’art sur Rembrandt et Velazquez, le processus chimique ou encore les techniques de développement, que l’humain. D’après son « professeur », l’art n’est jamais fortuit et naît de l’interaction produite et créée entre le modèle et le photographe, comme une sorte de liaison s’instaurant entre eux et par effet indirect avec le spectateur. Ce que l’on voit, ce que l’on ressent face à ses photographies habillées du classique et élégant noir et blanc, c’est tout autant un sens du détail approfondi qu’une sensibilité exacerbée et surtout l’accès à l’être en tant qu’homme plutôt que paré des fards de sa célébrité. Yousuf Karsh est captivé par les grands de ce monde et en fait son credo, nous révélant que : « chaque homme, chaque femme cache un secret ». « Mon travail est de le révéler, si je le peux. » conclue-t-il.
Dès lors, il s’installe à Ottawa, projet qui lui donne la chance d’approcher le monde politique. Franklin Roosevelt ou encore Winston Churchill passeront tour à tour devant l’objectif de Yousuf Karsh, transformant ses portraits en icônes publiques et entrant notamment pour ce dernier dans l’histoire. Pablo Picasso, Albert Einstein ou encore Grace de Monaco et tant d’autres, ne tardent pas à suivre, dépeignant ainsi une véritable encyclopédie politique, littéraire et artistique du XXè siècle. Yousuf Karsh est un témoin de son temps et l’utilise de façon à atteindre une perfection absolue dans l’esthétique comme dans l’émotion puisqu’il le dit si bien, « une photographie est l’expression d’une impression » et d’ajouter au défi sa fascination de « représenter convenablement la véritable grandeur avec [son] appareil ».
Dans une rétrospective comptant 70 de ses œuvres, admirez la grandeur d’un siècle passé où tout se créait, ou le grand signifiait encore le respect. Admirez la finesse du grain de peau, le raffinement du détail. Admirez l’exacerbation de personnalités trop peu sorties du papier glacé, jusqu’à presque toucher chacun de ces caractères si singuliers. Enfin admirez l’immensité du talent du photographe Yousuf Karsh, parvenu à être l’égal de cette muse : la célébrité.
Yousuf Karsh : Icônes du XXè siècle
Du 16 Octobre au 21 Janvier
34, avenue de New York
75116 Paris
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