Depuis la création de sa maison éponyme, Sonia Rykiel imagine des vêtements multipliables, combinables à l’infini. La cliente, affranchie des mécanismes de mode, ajuste au gré de son vestiaire ce vocabulaire proposé. Rykiel, c’est la « démode ». La créatrice n’a de cesse de parler de formes uniques, si ce n’est d’uniforme. « L’important c’est d’éclairer le visage, de dégager la tête, de créer un climat qui la mette en valeur. Un vêtement est réussi quand on dit à la femme : « Que tu es belle » et non « Que tu as un joli truc ! » Je crois que mes vêtements ont ce pouvoir : faire remarquer la tête sans se faire remarquer. C’est ce que je veux pour moi et pour les autres… Je ne révolutionne pas. Jamais. J’évolue. Souvent imperceptiblement. » Les techniques de la maille et du jersey se sont imposées comme les caractéristiques majeures de son style tout en souplesse. C’est elle qui a gommé les pinces, évincé les ourlets si chers aux couturiers qui mesuraient les modes en centimètres au-dessous du genou, multiplié les superpositions, sublimé le non-fini. « L’ultime révolution de Sonia Rykiel est dans le geste et la signification : mettre ses vêtements à l’envers, laisser voir les finitions, les coutures, tout ce qu’on a toujours caché ! Et lorsqu’Isabelle (N.B. Isabelle Weingarten, comédienne qui défila pour la collection printemps-été 1974) retourne sa veste et qu’on voit qu’elle est nue, ce n’est ni un strip-tease ni de la provocation, mais une façon de dire, j’ai un corps, il est là, comme mon regard sous mes paupières » nous conte Madeleine Chapsal dans « Sonia Rykiel : le prêt-à-mieux vivre », Marie-Claire, printemps 1976.
Sonia aurait aimé vivre nue. Plus tard, elle dira qu’elle souhaite que « les vêtements vous poussent de l’intérieur, comme les cheveux, les poils, les fourrures, les idées ! Comme la laine sur les moutons ! » Ces aveux d’absolu sont son unique formation… A force de faire retoucher tous les vêtements qu’elle trouve dans la boutique Laura – propriété de son mari Sam Rykiel, située avenue du Général Leclerc, près de la Porte d’Orléans à Paris – Sonia Rykiel demande un pull à ses mesures. Soumis à ses exigences, ce pull fait sept fois l’aller et retour pour l’Italie jusqu’à emprunter la taille d’un enfant qui lui convient, surprenant ses fournisseurs. Sans cesse elle corrige, creuse la manche sous l’aisselle, diminue la largeur qu’elle veut moulante au bras, réduit la longueur pour affiner et allonger les jambes.
En 1968, un article de Elle s’attarde longuement sur le phénomène Rykiel et annonce l’ouverture prochaine de sa boutique en nom propre, rue de Grenelle. On y compare ce qu’était un pull avant qu’elle n’y concentre son attention : « A gauche, un pull comme il y en a encore beaucoup. Comme ils étaient tous avant Sonia. Au repos, ils feraient peut-être illusion : le test des bras sur la tête ne pardonne pas. Les pulls de Sonia sont aussi mince (des bras et de buste) en mouvement qu’au repos. Le secret : leurs manches montées très haut sur et sous l’épaule ». Avant elle, la maille était coupée comme un tissu. Sonia Rykiel sort le pull de l’artisanat domestique pour en faire une création de mode à part entière, participant ainsi très largement au renouveau et à l’engouement pour la pratique du tricot disparue des habitudes quotidiennes depuis l’après-guerre. Des pulls mais aussi des vestes, des robes, des pantalons, des manteaux, des bonnets, des écharpes : toute la garde-robe devient de laine et d’angora. On la porte à même la peau. L’adéquation des créations de Sonia Rykiel avec les femmes de sa génération, préoccupées de libération, d’égalité et de liberté, est telle qu’en 1972, on revient sur l’évolution de son style qui fait désormais école. Elle qui a réinventé le « chic austère », elle que les Américains ont surnommé la « reine du tricot » ou la nouvelle Chanel ! Réagissant à son sacre comme étant « l’une des femmes les plus élégantes au monde » au côté de Catherine Deneuve, elle réplique : « On a voulu me récompenser, j’imagine – dans une société de gaspillage – d’avoir le courage de porter le même manteau cinq hivers de suite ! » Et de revenir ensuite sur le changement qu’elle déteste, dont elle ne voit pas l’intérêt, et de faire sien un discours aux antipodes des couturiers masculins de son époque, toujours préoccupés du renouveau. « Une fois qu’on a trouvé le style qui vous va vraiment, et c’est difficile, il n’y a qu’une chose à faire : cultiver ce style. J’applique tout naturellement dans mon métier cette stratégie personnelle. Je fais mes collections sur moi, en me regardant dans une glace, et je serais tout à fait incapable de créer un modèle que je n’aurais pas envie de porter pendant des années. C’est le contraire des modes, qui elles se démodent. Tout est dans la coupe, dans la perfection des détails. Bien sûr, les formes évoluent, mais imperceptiblement, sans brusquerie et sans tyrannie ».
Quarante-cinq années de création ont installé un style qu’il convient de manipuler avec virtuosité pour conduire les vêtements vers des classiques sans détourner de soi les regards d’une époque. En 2009, le Grand Palais accueillit un défilé « so frenchy » pour célébrer les 40 ans de la maison. Chez Rykiel, les filles sourient, s’amusent, plaisantent. Après la théâtralité des escaliers de la rue de Grenelle où Sonia présentait ses collections qu’elle scandait de poèmes ou de pensées lues, Nathalie, fille de Sonia Rykiel et Vice-Présidente du conseil d’administration, insuffla jusqu’au rachat en 2012, la joie festive des filles en groupe. Chorégraphe des vêtements et des allures en mouvement, Nathalie a su perpétuer le sentiment de création où geste et mode se conjuguent inlassablement avec nonchalance, chic et sensualité, autant de mots inscrits sur la maille des pulls.
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