C’est en 1954 dans la banlieue de New-York que Cindy Sherman voit le jour, et pour une fois, le destin n’était pas joué d’avance. Lorsqu’elle quitte le domicile familial, Sherman part faire des études d’art à l’Université de l’Etat de New York, à Buffalo, et c’est la peinture qu’elle choisit tout d’abord : « Je ne voulais pas faire du grand art, je n’avais aucun intérêt dans l’utilisation de la peinture, je voulais trouver quelque chose que n’importe qui pourrait s’approprier sans rien connaître à l’art contemporain. Je ne pensais pas en terme de tirages de qualité ; je ne voulais pas que le travail ressemble à une marchandise. ». Alors même qu’en 1977 sa série Untitled Film Stills met un coup de projecteur sur son travail, le magazine Artforum lui commande en 1981 une série de photos, qui sera ensuite distribué à des magazines masculins. Intitulée Centerfolds horizontals, Untitled no 96 semble la pièce maîtresse de l’oeuvre.
En jetant sur la société américaine un œil acerbe mais sensé, Cindy Sherman fait naturellement la liaison entre féminité et discipline, se plaçant sans le vouloir en fer de lance de la nouvelle vague féministe. Dans son travail, la photographe se met en scène ; il ne s’agit pas de se prendre en photo mais de réaliser des clichés aux faux airs d’autoportraits. Cindy Sherman invente un dialogue inédit avec le spectateur : « J’essaie de faire en sorte que les autres reconnaissent quelque chose d’eux-mêmes à travers moi » précise l’intéressée. Et justement, cette œuvre ambiguë cherche à dénoncer le sexisme dont toute femme est inconsciemment ou non victime au jour le jour.
Mieux, c’est à travers le média même qui véhicule l’idée de disponibilité du corps, qu’elle tente de dénoncer le pouvoir performatif des magazines – elle veut bel et bien remettre en cause l’influence certes séduisante mais oppressive des médias sur les identités individuelles et collectives. Dans une décennie où les médias deviennent de masse et cherchent à diffuser l’image d’une femme forte car à même de consommer par elle-même, Cindy Sherman tourne ici la caméra sur elle-même dans une fragile position de questionnement. Dans une teinte orange d’un kitsch absolu, Sherman déjoue les pièges d’un féminisme misogyne pour un peu plus ancrer sa réflexion dans les pages même des magazines masculins. Et c’est justement cette photo qui s’envole en 2011 pour la modique somme de 3 890 000 dollars chez Christie’s.
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