Le Cyclop de Jean Tinguely : une Oeuvre d’Amitié

Accueil / Design & Art / Le Cyclop de Jean Tinguely : une Oeuvre d’Amitié
1.jpg

2,50 mètres de haut, 350 tonnes d’acier. L’immense Tête sans corps ainsi se dresse au cœur de la forêt de Milly, dans l’Essonne. Là, l’oeuvre étincelle de miroirs, tandis que de sa bouche l’eau s’échappe sur sa langue toboggan – au creux de son oreille, c’est un univers surprenant qui attend le spectateur. Un parcours labyrinthique tout fait pour découvrir des œuvres variées et complémentaires ; sculptures sonores et un petit théâtre automatique, c’est en lieu et place du cerveau que se dévoile aussi l’engrenage d’une machinerie formidable… Et si Le Cyclop de Jean Tinguely est une telle exception de l’art contemporain, c’est qu’il rassemble avant tout des amis artistes, réunit autour de la personnalité de Tinguely ; des amis d’une grande richesse provenant de quatre mouvements artistiques : Dada, Nouveau Réalisme, Art cinétique et Art brut.

Il fallut plus de vingt ans à l’équipe pour mettre au jour Le Cyclop. 1969, le chantier du Cyclop s’amorce dans la forêt de Milly. Jean Tinguely le sait : s’il veut mener à bien son projet, il doit en financer lui-même les travaux – c’est la seule condition pour lui de travailler en toute liberté. De liberté justement il est aussi question lorsque Tinguely décide qu’aucun architecte ne participera à la construction. Seuls, ses amis artistes et lui-même avec ténacité, force et détermination, bâtirent progressivement cette sculpture titanesque. Jean Tinguely et son amour Niki de Saint Phalle financèrent l’ensemble. Sans autorisation et avec leurs propres fonds donc, ils travaillèrent à partir de matériaux recyclés. En 1987, pour assurer sa protection et sa conservation, ils décidèrent de faire don du Cyclop à l’État français. Lorsqu’en 1991, Jean Tinguely s’éteint, c’est Niki de Saint Phalle qui se chargea, en respectant au mieux les idées de son compagnon, d’achever la sculpture en finançant les derniers travaux.

Mai 1994, Le Cyclop est inauguré par François Mitterrand, alors Président de la République. Cette œuvre incarne ainsi tout de l’utopie – une aventure collective, tissée de liens d’amitié, réalisée par ‘une équipe de sculpteurs fous’. « En travaillant dans la forêt, nous rêvons à une utopie et à une action sans limite (c’est illusoire je le sais) et notre attitude est celle de la Recherche de l’Acte Gratuit et Inutile. Et nous sommes très heureux comme ça, pourvu que personne ne nous empêche de travailler (comme des fous – ça va de soi) » soulignait alors Jean Tinguely. Le Cyclop ainsi fut parsemé de clins d’oeil, tendres et farfelus, imaginés par Tinguely et ses amis. « L’amitié, explique Yann Bouveret, qui s’occupe de l’entretien du Cyclop depuis la mort de Tinguely, c’était vraiment essentiel. Tout le monde a travaillé autour de Jean en oubliant les rivalités, les histoires d’argent. C’était un vrai chef d’orchestre. » Et l’espace le plus poétique de l’oeuvre se trouve au-dessus du cerveau: le petit théâtre, installé dans l’oeil, invite les spectateurs à s’asseoir dans des fauteuils aux formes étranges, rivés à des tiges métalliques qui montent et qui descendent. La pièce: une histoire d’amour fou entre un marteau et une dame-jeanne.

Laissez une réponse

Your email address will not be published.