Mèche opaline s’esquivant de chapeaux signés Stephen Jones, pommettes poudrées rose bonbon, une bouche en coeur dessinée d’un vif rouge : Anna Piaggi était-elle une poupée échappée de l’univers burtonien? Né en 1931, cette milanaise voulait être journaliste de mode – métier qui jadis n’existait que dans ses rêveries. Journaliste, elle le devint, rendant, dès les années 70, copie au Vanity Fair, au Vogue Italien ; la fantaisie, Piaggi s’y essaya et, avec un goût prononcé pour l’accumulation de châles et autres fichus, excella. Bref, “elle n’est pas jolie, disait son protecteur et ami Karl Lagerfeld, elle est pire.” Elle l’était : Anna, une muse.
Elle aurait pu être Calioppe, déesse de l’éloquence tant son style inspira nombre de créateurs dont Marc Jacobs est le dernier en date – pour sa collection Automne-Hiver 2012-2013 car, qu’est le vêtement sinon le mutisme externe de l’expression interne. En 2006, le Victoria & Albert Museum de Londres salua celle qui, à sa façon, était une artiste, une collectionneuse : près de 2865 pièces de prêt-à-porter et couture ainsi que 265 de ses paires de chaussures furent exposées.
Elle avait ce savoir, ce secret : avec des pièces rocambolesques, elle parvenait avec attrait, à composer une tenue tenant sur un fil ; ni trop, ni pas assez. Un jour, elle avoua : “Tout est dans le mix”. Oui, et tout est vêtement : voiles, rideaux, rien n’était trop beau ou trop “déglingué” pour Anna Piaggi. Ne rien jeter : acheter et porter des vêtements de seconde main, personne avant elle n’avait osé. Dans son inconscience, elle initia le Vintage comme allure.
Une originale précurseur dont on sait finalement peu de choses, sinon qu’elle fait partie, à l’instar de Isabella Blow, Daphne Guiness ou Anna dello Russo, de ces gracieux oiseaux exotiques. Emerveillé, Thanatos tonna le crépuscule à 81 ans : Anna Piaggi “un oiseau exotique perché au-dessus de la mode” est aujourd’hui perchée au dessus du monde, dans un kief éternel.
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