Le surréalisme se frayait peu à peu un chemin dans la culture visuelle de l’époque, notamment à travers les pages des magazines féminins comme Vogue ou Harper’s Bazaar, dont les illustrations se faisaient l’écho de la relation étroite qui unissait désormais l’art et la mode, et dont Elsa Schiaparelli – pionnière du genre – était la plus illustre représente.
La robe « Larmes », dessinée à l’aube de la seconde guerre mondiale, et présentée au sein de la collection « Le Cirque » en 1938, évoque ce dialogue fécond avec les artistes surréalistes, notamment avec Dali pour qui elle se lie d’amitié. Cette « robe de deuil », qui s’accompagne d’un long voile, est directement inspirée d’une peinture de Dalí où figure une jeune femme portant une robe moulante, déchirée et d’où semblent pendre des lambeaux de tissu : Trois jeunes femmes surréalistes tenant dans leurs bras les peaux d’un orchestre (1936).
Cette robe longue, en crêpe de soie bleu pâle (qui depuis s’est encore éclairci) donne l’impression, par un effet de trompe-l’œil, que des pans de tissu ont été déchirés et pendent. La confusion est totale : l’imprimé entend-il évoquer un corps écorché d’où pendent des lambeaux de peau ? Cette robe est-elle le témoin silencieux d’une violence latente qui demeure seulement suggérer au spectateur ? Pour désorienter davantage encore et brouiller la frontière entre illusion et réalité, des larmes en trois dimensions étaient cousues sur le voile assorti. La robe « Larmes » est déconcertante à plusieurs niveaux. Les « ouvertures » renvoient à la vulnérabilité du corps, et le tissu « déchiré » suggère une certaine violence. Ainsi l’esprit Schiap’, fait d’élégance et d’extravagance, se retrouve dans cette robe du soir de couturier qui semble coupée dans un tissu ravagé. Le luxe côtoie la pauvreté. Peut-être faut-il voir dans cette création inquiète et atypique une prémonition de la guerre, alors imminente.
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