Rosa Barba, l’artiste italienne acclamée, continue de repousser les limites de l’art contemporain à travers son exposition personnelle à la Galerie Cahiers d’Art à Paris. Intitulée Inserted Between The Painted Glass, l’exposition offrait une plongée intimiste dans son univers créatif, où le film et la sculpture se rencontrent de manière inattendue.
Rosa Barba : Figure De L’Art Contemporain
Rosa Barba est une figure de l’art contemporain — une artiste dont le travail transcende les frontières entre le cinéma, la sculpture et l’installation. Née à Agrigente, en Sicile, aujourd’hui basée à Berlin, elle interroge les notions de temps, de mémoire et de perception à travers une utilisation novatrice du médium filmique. Ses œuvres tiennent autant d’explorations matérielles que de méditations poétiques sur le passage du temps et la fragilité de l’expérience humaine.
Tenue jusqu’au 25 mai, l’exposition Inserted Between The Painted Glass à la Cahiers d’Art à Paris se lisait comme une célébration de la matérialité du film. Rosa Barba y présentait deux corpus d’œuvres distinctes. Et l’une des pièces maîtresses, un tissage complexe de films, inspiré de la technique de vannerie traditionnelle de la région de Saché, dit beaucoup de la technique de Rosa Barba… Ce tissage de pellicules forme en effet une œuvre texturée et immersive, jouant avec les codes du médium cinématographique.
« Je suis intéressée par la déconstruction de la hiérarchie du cinéma – si l’image est devant ou derrière l’objectif, ou même s’il n’y a rien de projeté. » confiait-elle à Icon-Icon lors d’une interview.
Pour la première fois aussi, Rosa Barba y dévoile une œuvre de sa série Double Rhymes. Cette création récente se compose d’une boîte en acier encadrant des bandes de celluloïd de différentes couleurs, en mouvement constant. Le processus de relâchement et de tension des bandes de film génère ainsi des motifs abstraits et un jeu de lignes dynamique — motifs que l’artiste qualifie de “peintures cinématographiques”. Cette œuvre met en lumière l’exploration continue de Rosa Barba quant aux éléments fondamentaux du cinéma – texte, images, lumière et bande sonore – en les réinterprétant, comme à son habitude, dans des contextes nouveaux.
Un autre aspect fascinant de l’exposition à la Galerie Cahiers d’Art, la série d’œuvres créées en collaboration avec la revue éponyme. Rosa Barba y explorait les archives de l’éditeur, offrant une interprétation contemporaine de cette publication avant-gardiste qui a marqué l’histoire de l’art. En se servant des plaques d’impression originales en cuivre, notamment celles représentant Dora Maar par Pablo Picasso, Rosa Barba générait des estampes et des monoprints qui intègrent son langage cinématographique distinctif.
L’Œuvre Cinématographique de Barba
Oui, au cœur de la pratique artistique de Rosa Barba se trouve le film, qu’elle utilise non seulement comme un moyen de raconter des histoires, mais aussi comme un matériau sculptural.
Ses œuvres cinématographiques se situent entre le documentaire expérimental et la narration fictive, et se situent de manière indéterminée dans le temps. Elles se concentrent souvent sur les paysages naturels et les interventions de l’homme dans l’environnement et sondent la relation entre les archives historiques, les anecdotes personnelles et la représentation cinématographique, créant des espaces de mémoire et d’incertitude, plus lisibles comme des mythes rassurants que la réalité instable qu’ils représentent.
« Ce que j’espère avec mon travail, c’est d’activer la possibilité pour les gens de changer de perspective, de réfléchir au monde et à notre potentiel de changement. Je crois fermement que l’art peut ouvrir ces portes, et le cinéma peut nous montrer ces possibilités de manière très puissante » expliquait-elle à Icon-Icon.
Au travers de ses expositions, notamment au Centre Pompidou, au MoMA ou à la Tate Modern, son travail a toujours été marqué par une interrogation profonde de la temporalité, de la mémoire et de la matérialité. Ses œuvres résonnent dans le monde entier — en témoignent ses nombreuses participations aux biennales, notamment la Biennale de Venise et la Biennale de Berlin. Son approche unique de l’art cinématographique lui a valu de nombreuses distinctions, dont les prestigieux Prix Nam June Paik et Prix Calder.
Rosa Barba s’inscrit finalement dans un mouvement qui floute les frontières entre les disciplines artistiques. Son travail rappelle les expérimentations du cinéma d’avant-garde… En jouant avec les éléments fondamentaux du film, elle crée des œuvres qui sont à la fois visuelles, auditives et tactiles, offrant une expérience sensorielle complète.
« Dans un de mes projets récents, j’ai passé plus d’un an dans les archives des femmes astronomes de Harvard, qui étaient appelées simplement des ordinateurs. Elles faisaient le travail mathématique de compréhension de l’univers et ont fait des découvertes révolutionnaires. Je suis fascinée par la manière dont elles étaient à la fois invisibles et puissantes, un peu comme les personnages féminins dans les films de Fellini ou Visconti, qui apportent une force mystérieuse et désirée. L’astronomie et le cinéma, selon moi, examinent la lumière et la couleur afin de se rapprocher de ce qui produit ces espaces : la lumière traversant les propriétés du matériau. Le type de scintillement qui résulte de cette lumière ne peut être produit que par une approche spécifique, c’est-à-dire lorsque la lumière traverse le matériau d’un film ou les propriétés d’étoiles pulsantes. » explique-t-elle encore lors de l’interview donnée à Icon-Icon.
De quoi se plonger admirablement dans l’oeuvre d’une artiste de renom !