A quelques jours de la remise du Prix de Flore 2023, l’occasion est donnée de se pencher sur l’aventure littéraire la plus irrévérencieuse de ces dernières années.
Prix de Flore 2023 : Saint-Germain-des-Prés, Épicentre De La Culture !
L’iconique Françoise Sagan a été la marraine de la première édition, en 1994. Comme chaque automne, un jeune talent littéraire audacieux s’apprête à être récompensé du Prix de Flore. Ses critères ? Jeunesse, originalité et modernité — le Prix de Flore s’acquiert à coup de verve bien tranchée !
L’enjeu ? Un chèque de 6150 euros, et un privilège pour le moins original : un verre gravé à son nom, rempli de Pouilly-Fumé à discrétion pendant un an, au Café de Flore.
Cette année, les finalistes incarnent à nouveau l’esprit rebelle et novateur du prix, qui depuis sa création en 1994, a su réunir le monde des lettres et de l’élégance à la française… Parmi eux, L’Amour de François Bégaudeau (Verticales), Le Roman de Jeanne et Nathan” de Clément Camar-Mercier (Actes Sud), Western de Maria Pourchet (Stock), ou encore La Bague au doigt d’Eva Ionesco (Robert Laffont).
Le jury, lui, connu pour son indépendance et son insolence, reste la colonne vertébrale de ce Prix de Flore ! Composés de personnalités emblématiques de la sphère culturelle française et parisienne, on y repère deux figures de proue — Frédéric Beigbeder et Carole Chrétiennot, ceux dont l’initiative à la fin du siècle dernier a mené ce prix à la consécration !
Le Prix de Flore, né de l’ambition de Frédéric Beigbeder et Carole Chrétiennot donc, rend hommage à la tradition littéraire Parisienne, et notamment celle du Café de Flore.
« Nous avons créé le Prix de Flore pour honorer l’impertinence, la jeunesse et la fraîcheur en littérature, qui étaient les valeurs du Café de Flore où nous nous réunissons » expliquait Carole Chrétiennot.
Un retour aux origines du Café de Flore ? Très certainement. Car avec ses banquettes rouges et ses serveurs en tablier blanc, ne se contente pas d’être un poste d’observation des flâneurs de Saint-Germain-des-Prés — il vibre au rythme des discussions animées et des pages qui se tournent… Depuis plus d’un siècle !
Car le Café de Flore n’est pas qu’une simple toile de fond pour la remise d’un prix littéraire — c’est un personnage à part entière dans l’histoire culturelle de Paris. Sartre et de Beauvoir y tenaient leurs quartiers, en faisant un laboratoire de pensée existentialiste…
« Nous nous y installâmes complètement : de neuf heures du matin à midi, nous y travaillions, nous allions déjeuner, à deux heures nous y revenions et nous causions alors avec des amis que nous rencontrions jusqu’à huit heures. Après dîner, nous recevions les gens à qui nous avions donné rendez-vous. Cela peut vous sembler bizarre, mais nous étions au Flore chez nous » expliquait Jean Paul Sartre.
Et puis… Saint-Germain-dès-Près n’est-ce pas là l’épicentre de la vie culturelle, artistique, et de l’élégance Parisienne ? Ce quartier de Paris, qui a vu flâner des icônes telles que Yves Saint Laurent, comprend la littérature comme Coco Chanel la couture : c’est une affaire de style, de signature !
D’ailleurs, Gabrielle Chanel a été une figure influente non seulement dans la mode, mais aussi de la vie culturelle parisienne, fréquentant des auteurs comme Cocteau et Reverdy, finançant des ballets à l’instar des mythiques Ballets Russes de Diaghilev. Yves Saint Laurent, sous l’influence de sa mère, a cultivé une passion pour la littérature qui s’est reflétée dans ses créations… A l’instar de Marcel Proust, qu’il adorait — incarnant d’ailleurs la célèbre citation de Karl Lagerfeld : « Les couturiers doivent lire Proust et draper du taffetas. » C’est dit !
Une des figures emblématiques de cette fusion entre le chic parisien et la prose raffinée fut Sonia Rykiel, sans comparaison. Fondatrice de la maison éponyme, Sonia Rykiel s’est érigée en symbole de l’émancipation féminine des années 60 et 70, époques de grandes turbulences socio-culturelles, dont Saint-Germain-des-Prés battait le rythme… La bande de Saint Germain avec Boris Vian, Juliette Gréco, ces caves où l’on réinventait une nouvelle façon de vivre…
Leur présence à Saint-Germain-des-Prés n’était pas un hasard mais un choix : se nourrir de l’esprit des lieux, là où les conversations littéraires rivalisent avec les esbroufes vestimentaires.
Le Prix de Flore et Ses Figures
Depuis Vincent Ravalec qui, avec « Cantique de la racaille » (Flammarion), un roman brut et sans fioritures qui explore les bas-fonds de l’existence urbaine, a été le premier à inscrire son nom au palmarès du Prix de Flore, de nombreux auteurs ont vu leur carrière propulsée grâce à cette récompense. Parmi eux, Michel Houellebecq, couronné plus tard, a su avec “Extension du domaine de la lutte” dresser un tableau acide et provocateur de notre société moderne, Virginie Despentes, avec “Les Jolies Choses”, a elle aussi reçu le Prix de Flore en 1998 ou encore Simon Liberati…
Qu’ont-ils en commun ? Avoir su capturer, à travers leurs écrits, l’esprit d’une époque, tout en bousculant avec audace et élégance le petit monde littéraire germanopratin.
Le Prix de Flore a révélé des écrivains, mais aussi affirmé des éditeurs. Flammarion, Grasset, Stock, Actes Sud et Gallimard, pour ne citer qu’eux, ont vu leur flair éditorial validé par ce prix. Ces maisons d’édition partagent avec le Prix de Flore le goût de la découverte et l’envie de mettre en lumière des auteurs hors normes, capables de redéfinir les contours de la littérature contemporaine.
Et puis, que serait la cérémonie de remise du Prix de Flore dans ses esbroufes devenues légendaires… Comme en 1998, lorsque le nom de Virginie Despentes a été annoncé au cœur du café de Flore; au lieu des remerciements convenus, Virginie Despentes a offert un discours décapant, ponctué de son rire tonitruant qui résonnait dans tout le Café… Elle s’est ouvertement moquée des clichés associés aux cérémonies littéraires et a fini par un toast sarcastique à l’élite littéraire parisienne !
Autre posture désinvolte et ô combien révélatrice de l’esprit du Flore — “Le Prix de Flore ? Un bon moyen de se payer du bon vin pour l’année » soit la réplique du lauréat Michel Houellebecq, à l’ironie mordante !
Finalement, le Prix de Flore ne se résume pas à un chèque et à un verre gravé ; il est le symbole d’un Paris littéraire et mondain, d’une tradition qui se perpétue dans l’innovation et la reconnaissance des talents de demain… Aux côtés des Prix Renaudot, le Prix Goncourt, et le Prix Apollinaire, le Prix de Flore forment un réseau prestigieux de reconnaissance — les premiers cherchant à consacrer une carrière, le Prix de Flore cherchant souvent à la lancer.