Peter Knapp fut le directeur artistique du magazine Elle. William Klein, lui, fut l’un des photographes engagés par Peter Knapp. A deux ils vont se jouer des règles de la photographie de mode.
Peter Knapp et William Klein, comme David Bailey ou Richard Avedon vont distiller dans les pages des magazines de mode une nouvelle façon de vivre la mode. Tout en mouvement, et dans la rue — en parfaite harmonie avec les années 60.
Peter Knapp, Le Photographe Témoin Haut En Couleur
Photographe Pour Le Magazine Elle
Avant de taper dans l’oeil d’Hélène Lazareff, Peter Knapp fut le directeur créatif des Galeries Lafayette. Alors inspiré du mouvement du prêt-a-porter, Peter Knapp ne tarde à trouver dans la photographie de mode un moyen d’exprimer sa vision de la libération. Au coeur des années 60, il est sur le point d’entrer dans l’histoire de la mode. En même temps qu’il accompagne sa révolution.
En 1959 donc, Hélène Lazareff le débauche des Galeries Lafayette pour le faire entrer en tant que directeur artistique du magazine Elle. En plus d’être le premier à ce rôle, Peter Knapp va s’attacher à faire de la photographie de mode un témoin de son époque.
Au poste de photographe en chef pour la magazine Elle, il commissionne jusqu’en 1966 (année où il quitte sa fonction) des éditoriaux en droite ligne avec le vent de liberté qui balaie toute les années 60.
Sans pose affectée, ni décor surfait, Peter Knapp va saisir l’époque dans des sujets témoins des changements en vigueur dans la société. Et notamment pour les femmes.
Comme Norman Parkinson avant lui, Peter Knapp fait sortir la mode des studios et épouse la rue. C’est dans la rue, sur les plages, que les silhouettes libres et dansantes se livrent au photographe. Une époque en photo ou la photo qui inspire l’époque?
« Les tendances sont créées lorsque la photographie de mode est reçue avec succès. L’astuce consiste à prédire quelles images seront acceptées ou rejetées » expliquait-t-il alors.
Et il est vrai que les photographies de Peter Knapp rayonnent à l’aune des tendances qui bouleversent les codes. De la photographie de mode, certes, mais aussi et surtout dans les vestiaires. Car les noms de Balenciaga ou Madame Grès ont laissé place à une nouvelle génération de couturiers… Que Peter Knapp entendait bien capturer.
Photographe Iconique d’Yves Saint Laurent et Courrèges
« Je me suis trouvé très à l’aise dans ce genre de mode. Ce qui est à montrer est clair. Je me limite à ce qui est là. » Ce que Peter Knapp décrit ici, c’est la force des vêtements des couturiers de l’époque. Des vêtements qui parlent d’eux-mêmes.
Il réalise les campagnes publicitaires de ces nouveaux couturiers du temps. Les audaces novatrices de Courrèges, la révolution sereine d’Yves Saint Laurent, et le neo-baroque d’Ungaro.
Figeant ces vêtements dans des envolées photographiques entre noir et blanc et couleur saturée, les photographies de Peter Knapp entrent dans la légende. Iconiques, elles visent à, dit-il, « formaliser une certaine idée du bonheur. »
En empruntant ainsi aux avant-garde de l’époque, Peter Knapp utilise les techniques de cinéma pour montrer des femmes libérées des carcans. Une approche qu’il partage avec son contemporain William Klein.
William Klein, Le Photographe De La Spontanéité
La Mode Loin Des Studios
Cultivant une approche révolutionnaire de la photographie de mode, William Klein va pousser les prises de vues pour Vogue vers un glamour cinétique.
Amené à travailler pour le magazine par Alexander Liberman, Klein va pousser les silhouettes éminemment sophistiquées du magazine à côtoyer la réalité de la ville. Dans les années 1950, Klein est derrière des éditoriaux iconiques, mais aussi polémiques.
Nombre des lectrices se plaignent de voir de si beaux modèles côtoyer la vulgarité de la rue, de la ville. Qu’importe, Alexander Liberman apprécie l’approche. Et le futur donne raison à Klein.
Avec un éclairage naturel et un contraste élevé, Klein a ancré certaines silhouettes au panthéon de la mode. Un oeil de photographe frais et improbable qui se poursuit dans la recherche du mouvement, là encore. Mais chez Klein, ce mouvement prend des allures d’avant-garde.
Ainsi les mannequins performent des poses, loin des studios… l’étirement, la distorsion des formes, la surexposition au flash et l’utilisation d’un film à grain élevé… Les photographies de William Klein portent un regard ironique sur la mode. Original et innovant, le style Klein s’exporte rapidement.
La vue en grand-angle, les mannequins énergiques, en écho avec l’énergie de la vie urbaine. William Klein a fait Ecole.
« Dans les images de mode des années 50, rien de tel que Klein ne s’était produit auparavant. Il est allé à l’extrême, ce qui demandé à la fois un grand ego et du courage… Il a sorti la mode du studio et dans les rues » a écrit plus tard Alexander Liberman.
Qui Etes-Vous Polly Magoo?
« J’étais un ethnographe de l’imaginaire à la recherche du document le plus droit, du plus instantané, du degré zéro de la photographie » a déclaré Klein. Son style glamour mais moqueur atteint des sommets lorsqu’il fait ce qu’il fait de mieux: porter un regard amusé et critique sur le monde de la mode.
Son oeuvre la plus parlante? La satire des années 60, sortie en 1966, le film iconique ‘Qui Etes-Vous Polly Magoo?’
Un condensé espiègle du style Klein, qui, comme dans sa photographie, apporte une énergie et une spontanéité au travail du photographe…
La photographie de William Klein brouille les frontières entre critique et mise en beauté. Brute et non filtrée, la beauté de son oeuvre se place au delà du classique pour en établir un nouveau.
De même lorsqu’il photographie Serge Gainsbourg, travesti, pour la pochette de Love On The Beat, en 1984.
« On s’est donné rendez-vous à Paris. Il est arrivé dans mon studio avec sa maquilleuse, les lèvres rouges, de faux ongles… On s’est mis à travailler en noir et blanc, en s’inspirant d’une photo de mode assez similaire, avec un mannequin à la cigarette, que j’avais réalisée pour le magazine ‘Vogue’. Je l’ai prévenu qu’on allait devoir retoucher à mort! Mais il était emballé. Il voulait être un trav’ haut de gamme. »
Une photo de plus pour l’histoire donc.