L’artiste est à l’origine de deux des idées les plus révolutionnaires de l’art moderne – la Méta-Matic, la machine qui dessine, et Hommage à New York, une sculpture pensée comme un happening auto-destructeur. La filiation de Jean Tinguely avec le concept de Marcel Duchamp est naturelle – entre eux, la dialogue s’établit autour des objets de méditation ; des œuvres composées comme des machines à penser, pourtant taxées ‘d’accessible’. Car l’art de Jean Tinguely se fonde dans le mouvement, dans l’action, tant il cherche à saisir la vie et la société dans ce qu’elles ont de vif. Ainsi, lorsqu’en 1960, Tinguely construit dans le jardin du MoMa l’oeuvre Homage to New York, la sculpture-machine de 16 mètres de long annonce un happening hors norme.
Conçue en collaboration avec l’ingénieur Billy Klüver, l’oeuvre de Tinguely fut ainsi composée à partir d’un assemblage de 80 roues de bicyclette, de vieux moteurs, un piano, des tambours en métal, une machine à adresser, un déambulateur pour enfant, et une baignoire émaillée… Bily Klüver raconte : « Pendant que nous construisions la machine, je ne cessais de m’étonner du mépris total de Jean à l’égard des principes fondamentaux de la mécanique. Il exigeait soudain qu’un élément fonctionne, pour le détruire aussitôt après par une intervention triviale. Jean travaillait en artiste et c’est en artiste qu’il choisissait et posait moteurs et courroies de transmission. » Ainsi lorsque ce 17 mars 1960 la machine de Tinguely entre en mouvement pour la seule et unique fois, c’est pour rendre hommage à la Grosse Pomme… Comme en furie, comme chargée de l’énergie sans pareille de New York – une énergie somme toute éternelle – la sculpture-machine s’auto détruit devant l’audience. Et il ne reste que des fragments de celle-ci.
Pour l’artiste, le démembrement de sa machine fait allusion au côté éphémère de la vie, tout en moquant le côté magnifiquement définitif de New York ; mais avant tout, et Tinguely lui-même le précise : « C’était surtout une liberté complète que je me donnais en construisant toujours en envisageant la possibilité destructive. C’est à dire en construisant quelque chose pour lequel je n’envisageais jamais de savoir est-ce que ça va durer une minute ou dix minutes ou deux heures ou dix ans. Mon problème là était uniquement de m’adonner à une construction complètement folle et libre. » De cet happening hors norme ne demeure aujourd’hui que des photos, un film et de nombreux témoignages, certains euphoriques, qui font finalement perdurer cet art dans l’histoire.
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