Un artiste de la trempe de Picasso est à l’avant-garde, c’est à dire au-delà des dires et croyances d’une époque. Sa relation aux arts dits “primitifs”, Pablo Picasso l’amorce en 1907 lorsqu’il acquiert sa première oeuvre non-européenne, un tiki des îles Marquises. La même année, l’artiste fait la découverte du musée du Trocadéro alors spécialisé dans l’art Africain – la même année, il travaillait sur Les Demoiselles d’Avignon mais, ce qu’il vit là fut si fort qu’il en reprit la trame pour l’achever en juillet de la même année. La suite, on la connait : c’est justement cette toile qui marque le tournant décisif de sa carrière. Aujourd’hui et jusqu’au 18 Juin prochain, l’exposition du Quai Branly Picasso Primitif rend compte avec force et passion d’une relation privilégiée, loin des clichés de l’époque. Divisée en trois parties, la première partie “Chronologie” établit de façon factuelle les oeuvres que Picasso a vues, celles qu’il a acquises, celles avec lesquelles il a vécu. Dans une deuxième partie intitulée “Corps à corps”, l’exposition interroge la façon dont Picasso et ces grands artistes se rejoignent dans l’expression d’archaïsmes universaux, l’activation des pouvoirs de l’image. Enfin, dans la troisième partie, le ‘primitif’ ne s’entend plus dans son sens littéral et déprécié.
D’ailleurs, l’exposition s’ouvre sur une citation intéressante. Le primitivisme dont il est question ici se doit d’être pensé à rebours des approches formalistes : « L’art nègre ? Connais pas ! » voilà la réponse que Picasso donne en 1920. « Mes plus pures émotions, je les ai éprouvées dans une grande forêt d’Espagne, où, à seize ans, je m’étais retiré pour peindre. Mes plus grandes émotions artistiques, je les ai ressenties lorsque m’apparut soudain la sublime beauté des sculptures exécutées par les artistes anonymes de l’Afrique. Ces ouvrages d’un religieux, passionné et rigoureusement logique, sont ce que l’imagination humaine a produit de plus puissant et de plus beau. Je me hâte d’ajouter que cependant, je déteste l’exotisme » précise Picasso dans une correspondance à Guillaume Apollinaire.
Et en effet, Picasso voyait dans l’art Africain la quintessence de l’expression elle-même ; autour de ces figures se dessinent les formes archétypales, primordiales de la nudité, de la verticalité… Ainsi, le célèbre tableau Jeune Garçon Nu, exécuté en 1906 puise son graphisme, ses lignes et finalement sa vérité dans une Statue Anthropomorphe découverte au Nigéria, alors en Afrique occidentale. « Je veux faire le nu comme il est. Il faut qu’il se fasse de lui-même. Je ne veux pas, moi, faire le nu, je veux qu’on ne puisse pas faire autrement que de voir le nu comme il est » indique Picasso cité par Hélène Parmelin. Et c’est en ce sens que Picasso a toujours puisé dans l’art Africain l’essence d’une création inspirée, épurée et finalement à la force élémentaire !
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