Cristóbal Balenciaga a aimé plus que tout travailler la dentelle, le noir, le rouge et le blanc comme autant de références à l’art et la culture de son pays d’origine, l’Espagne. Bercé par les toiles de Goya et Zuloaga, fasciné par les atours des religieux castillans, Balenciaga s’est aussi tourné vers l’Asie pour habiller les femmes iconiques de son temps. Justement, Miren Arzallus dans son ouvrage de référence Cristóbal Balenciaga : La forge du Maître écrit : « Balenciaga avait connaissance de la progression du Japonisme durant son séjour à Saint Sebastien et de l’impact qu’il eut sur les premières décennies du XXe siècle. Cette influence aura une influence spectaculaire sur ses propres créations. » Mais le styliste est avant tout un couturier autodidacte, ambidextre et attaché à la composition du vêtement, et à la précision de la coupe. Ses compétences de tailleur bientôt se lient à sa capacité à démonter et remonter une manche jusqu’en saisir les moindres nuances. C’est ainsi que Cristóbal Balenciaga est devenu ce couturier à même d’appréhender la liberté dans la construction d’une pièce. Ainsi, son expérimentation des manches s’est-elle indubitablement ancrée autour des manches les plus ancestrales de l’humanité, celles du Kimono.
« Balenciaga a commencé ses recherches sur le volume et les proportions avec la “manche Kimono“ qu’il a utilisé pour la première fois en 1939. L’influence du Japon fut dès lors à la fois subtile et constante » précise-t-on dans le livre Balenciaga Vu Par Vogue. A l’Asie, Cristóbal Balenciaga emprunte aussi l’originalité de ses lignes – très vite, les manches Kimono accompagnent des silhouettes à l’apparence si simple qu’on les croit déliées de la gravité terrestre. Comme une sorte de mise en bouche du minimalisme, la couture de Balenciaga aime à dégager le cou et les poignets pour mettre en valeur les bijoux et le mouvement des mains. On raconte alors qu’il a hérité ce goût pour les vêtements Japonais aux côtés de Madeleine Vionnet ; elle qui s’intéressait beaucoup aux Kimono. Entre les années 1950 et 60, Cristóbal Balenciaga a ainsi posé les bases de certains de ses designs les plus innovants. En 1962, il a déjà introduit les plis dans le tissu et réinventé la silhouette féminine – exit la taille étroite, le couturier des couturiers étend le centre du vêtement au niveau des épaules. L’inspiration direct est le Manteau Kabuki…
Pour lui, la manche doit adhérer au corps – elle doit être son prolongement naturel, et retomber dans un silence quasi-monacal. Ses manches Kimono, Balenciaga les comprend autour d’une telle flexibilité qu’elles doivent permettre un mouvement libre qui ne modifie nullement le reste de la silhouette. Et Nicolas Ghesquière a justement su reprendre avec brio les préceptes du fondateur de la maison qu’il reprend en 1997. Chaque année, il tient d’ailleurs à rééditer l’un des codes phares de la griffe. Les manches Kimono reviennent ainsi sur le podium en 2006, lors de sa non-moins célèbre collection du Printemps/Eté. Travaillées dans un combo avec la dentelle, autre signature Balenciaga, voilà que les manches Kimono atteignent une propension de désirabilité folle quand le designer Français exécute une maîtrise absolue de son sujet. Les manches épousent la dentelle qui, dans un tourbillon de matière, souligne pour suivre la moindre courbe du corps… En 2007, c’est dans le jeu de transparence, là encore cher au fondateur, que Ghesquière fait défiler Irina Lazareanu dans ce qui ressemble à un boléro à la légèreté céleste, et aux manches à la sensualité folle…
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