Le Perfecto, une Icône de Caractère

Accueil / Prêt à porter / Le Perfecto, une Icône de Caractère
perfectomode.jpeg

Deux frères russes, Irving et Jack Schott, fondent une société de création de vêtements de pluie après leur émigration aux Etats-Unis. La folle aventure du perfecto ne démarre qu’en 1928, suite à la commande du revendeur d’Harley Davidson, Beck Distributors. À cause d’un manque de sécurité dans l’habillement proposé pour les motards, ce dernier impose les critères suivants : imperméabilité et résistance. La veste pourfendue en son milieu s’attache à une nouvelle esthétique : courte, ceinturée et incroyablement novatrice de par l’utilisation première d’une fermeture éclair sur une veste en cuir.

D’illustres célébrités en font l’acquisition, tel Clark Gable, premier à porter son perfecto en public en 1934 ; quand la gloire atteint son plus beau succès en 1953. Le film outrageusement influent du moment, « L’équipée sauvage » de Laslo Benedek fait valser le conformisme des années 50 en mettant en scène Marlon Brando dans une furieuse épopée de violence. Contre-exemple déploré par l’époque, tout comme « La fureur de vivre » avec un James Dean dévolu à la rébellion, les adolescents s’emparent du mouvement et en font l’incarnation de la liberté individuelle et du déni des tabous propres à une époque en pleine reconstruction. Dans cette période d’après-guerre aux souffrances encore prégnantes, le perfecto devient leur étendard. Mais associé à une image de délinquance et de « bad boy », il est interdit dans de nombreuses écoles. De fait, aux États-Unis, un exemple indissoluble de cette nouvelle génération aux abois est incarné dans les Boozefighters, des californiens aux épaules durement harnachées de perfectos. En France, cette mode ne tarde pas à se manifester à travers ceux qu’on nomme les « Loulous » ou les « Blousons noirs », appellation donnée par le quotidien France-Soir le 17 Juillet 1959, aux vues des dégâts matériels provoqués par ces bandes de jeunes montés sur leurs mobylettes. Dans la même veine que l’Amérique, c’est d’eux que naîtra le rock français de Johnny ou encore Eddy. Suite à ces débordements, la mode commence à puiser son inspiration de la rue, en témoigne la dernière collection Dior présentée par Yves Saint Laurent en 1960, appelée Beat Look. En effet, le couturier reprend avec humour la veste en cuir en référence aux « Blousons noirs » qui terrorisent les rues. Bien que les vestes présentées soient très féminines, il est accusé de trop s’éloigner de la clientèle Dior ce qui causera en partie son départ. La décennie suivante, quant à elle, s’attache à de nouveaux mouvements, à commencer par la génération punk. Le cuir est aussi indestructible que leurs revendications et le perfecto devient l’expression brute et spontanée d’un espace temps loin des conventions majeures. Les Ramones arborent le leur sur leur couverture d’album, tout comme Sid Vicious, second bassiste des Sex Pistols.

Trente ans après ? Les créateurs de mode conventionnels mais non moins imaginatifs s’approprient à nouveau le perfecto ; Balenciaga en tête qui après la révolution de la ligne tonneau, et le raccourcissement désinvolte de la robe baby-doll, épure le perfecto. Certains éléments d’origine, dont les pattes épaules, le zip croisé sur le devant, sont précieusement conservés. Quand son côté « mauvais garçon » a lassé les pionniers de la mode, il a suffi de quelques années à Nicolas Ghesquière, alors directeur artistique de Balenciaga, pour le détourner et en faire l’apanage des femmes en quête de déféminisation. La planète mode est sous perf’ avec une autre reprise dûment réalisée : Hedi Slimane, directeur artistique chez Saint Laurent Paris, revient sur les traces de son prédécesseur pour développer cet esprit punk rock mêlée d’élégance et d’impertinence dont il s’est imprégné de nombreuses années à Londres notamment et qu’il adapte parfaitement à l’esprit parisien de Saint Laurent. Le créateur innove et secoue la chape d’élégance figée qui s’était abattue quelques temps sur la maison française à l’esprit initialement si avant-gardiste. Ainsi, en version homme et en version femme, la Motorcycle Jacket s’affranchit des codes et insuffle cet esprit de révolte qui lui colle à la peau. Reprenant la vague 90’s, Courtney Love, Marilyn Manson, Kim Gordon et Ariel Pink sont les égéries de la campagne publicitaire Printemps-Été 2013 et endossent le fameux perfecto Saint Laurent à la coupe « fit » dans un décor épuré. De fait, Hedi Slimane nous livre donc une nouvelle traduction du perfecto criante de rébellion élégante dans une équation parfaitement oxymorique.

 

 

Laissez une réponse

Your email address will not be published.