Le Gazar, la Matière Iconique de Balenciaga

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Toute l’originalité de Cristóbal Balenciaga repose dans sa façon d’observer le corps, le vêtement, la coupe. Architecte dans l’âme, cet autodidacte a su développer une vison singulière de la couture – visionnaire, Balenciaga est allé à contre-courant de la mode de son époque. Et les couturiers de sa génération ont su lui reconnaître ce talent. Christian Dior parlait de lui comme de ‘notre maître à tous’, tandis que Coco Chanel déclarait à son sujet : « Le seul vrai couturier de son temps puisqu’il savait dessiner, couper, monter sur toile, assembler et coudre les vêtements qu’il signait. » Il faut dire que le talent de Cristóbal Balenciaga, combiné à ses inspirations hispaniques ayant mené le couturier vers l’emploi de couleurs tels le rouge, le blanc et le noir – tout ça lui a permis de réaliser plus d’une prouesse technique. Très vite, il imagine une nouvelle allure et fait alors basculer le volume du vêtement vers l’arrière : la poitrine est plaquée, le bassin projeté vers l’avant pour laisser apparaître les os saillants des hanches. C’est la naissance de la forme tonneau – le résultat : une démarche ultra sophistiquée. On raconte alors que dans la rue, tout femme arborant les créations du maître Espagnol avait des airs de gravure de mode.

Nous sommes à l’aube des années 60, et le couturier des couturiers veut aller plus loin dans l’exploration des formes et le commandement du tissu – ce qu’il veut, c’est être en mesure d’architecturer l’étoffe à sa guise ! Ni une ni deux il charge une entreprise de textile Suisse de mettre au point un tissu capable de répondre à ses exigences sculpturales. On peut ainsi lire dans le Vogue de l’époque : « Une grande partie de ce qu’il a réalisé dans les années 1960 a été possible grâce à une matière spécialement conçue pour lui en 1958 par son fabricant de textiles attitré, la maison Abraham de Zurich. Cette matière, le Gazar, et plus tard le super-Gazar, est une soie aussi raide que l’aluminium, qui se prête à la création de formes architecturales. » La matière iconique de Balenciaga est née. Le nec-plus-ultra des tissus couture lui permet ainsi de marquer les volumes, et ce afin d’obtenir des formes jusque là impossible à tenir – le secret : un tissu de soie tissé simple mais fabriqué avec des fils à double torsion tissés. Dans le même temps, le style Balenciaga s’épure – la robe quatre cônes en Gazar imaginée à l’hiver 1967 en est la parfaite illustration.

La même année, dans la même collection Automne/Hiver 1967, Cristóbal Balenciaga compose une robe de mariée pour Maria del Carmen Martinez-Bordiu, petite fille de Francisco Franco et future Duchesse de Cadix. Avec son ‘voile’ de Gazar ivoire coupé dans le biais, sa couture centrale unique courant tout le long du dos, la pièce est la quintessence de ce style. Cet héritage, Nicolas Ghesquière l’a ainsi retravaillé à deux reprises, lors de ses collections Printemps/Eté 2008 et 2012 – une vision postmoderne du voile géométrique. « Balenciaga [avait le] talent pour glisser un grain de folie dans les créations les plus élégantes et les plus sophistiquées. […] L’une des plus spectaculaires est constituée de trois bulles de Gazar – une soie très raide spécialement mise au point pour Balenciaga – vert superposées, qui composent la silhouette d’une sorte de femme-chenille » précise Susan Irvine dans son ouvrage de référence Cristóbal Balenciaga: Vu par Vogue. Et justement, une autre pièce reste dans les mémoires comme le meilleur exemple du genre : « Cette robe de cocktail de 1967 exploite toutes les qualités structurelles du Gazar. Quatre godets aux épaules créent un volume géométrique dont la femme émerge, telle un papillon de son cocon. […] Les bretelles, à peine visibles, sont également en diamants. En guise de coiffure, un bouquet de plumes apporte une touche de fantaisie à tant de rigueur géométrique. » Et, dès son arrivée à la tête des créations Balenciaga, Demna Gvasalia a axé ses recherches sur l’année 1958, là où Cristóbal Balenciaga a développé le Gazar en organza de soie qui depuis est devenu sa signature emblématique. Aujourd’hui, on le retrouve dans les pièces masculines ou féminines des collections 2017, comme mis en équation avec le Spandex, crée lui aussi en 1958. Une matière qui permet aujourd’hui encore d’explorer différentes visions du corps, du vêtement et de la coupe.

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