Nombreux sont les patronymes pour nommer cette recette de canard présentée en deux services. Cette spécialité normande, est mise au point selon des règles strictes qui se doivent d’être respectées pour en obtenir l’appellation, un procédé honoré à la lettre quai de la Tournelle. Le caneton doit être étouffé, cuit saignant, les aiguillettes doivent être levées et la carcasse doit être pressée pour en extraire le sang qui sera ensuite lié à la sauce. Ce processus prédéfini a été réalisé plus d’un million de fois sous la coupole octogonale du restaurant la Tour d’Argent.
C’est au XIXème siècle, que Frédéric Delair, rouennais de naissance apporta ce qui aujourd’hui, reste l’indétrônable spécialité d’un des restaurants les plus prestigieux de Paris. Rive Gauche sur le quai de la Tournelle, chacun sait que le Maître d’Hôtel, pourrait être le fameux canard à la rouennaise, codifié au sein même des murs du restaurant. Ce plat historique fut servi à des figures emblématiques de ce monde, tel le prince de Galles Edouard VII en 1890, ou encore l’empereur Hirohito en 1921. La surprenante particularité des glorieux palmipèdes de la Tour d’Argent reste la numérotation à partir de 1890 de chaque canard sacrifié lors de la cérémonie de découpage. Chaque semaine, 250 canetons sont préparés par les cuisiniers de la Tour d’Argent, si le roi Alphonse XIII dégusta le numéro 40.312, en avril 2003 la Tour des noces de la chère et de l’esprit a fêté le millionième canard.
Déjà vantée par l’écrivain et journaliste gastronomique Courtine début 1900, tournée en poème par Lauzieres de Themines ou aujourd’hui préparé par un Maître Canardier, la recette du canard au sang traverse les époques. Une véritable formule gastronomique, ode à la cuisine traditionnelle française. « Comme peignait Claude Monet, avec le recul du jugé et la précision du mathématicien et ouvrant d’une main sûre à l’avance toutes les perspectives du goût » écrivait Léon Daudet pour décrire la virtuosité des maîtres queue de l’époque. La Tour d’Argent possède non pas seulement une incroyable vue sur Notre Dame de Paris ainsi que l’Ile de la Cité, mais bien une partie de l’histoire de France dans son assiette. Comme le suggère le dernier vers du marquis de Thémines « Allons donc tous au quai de la Tournelle, si nous voulons nous pâmer en mangeant. »
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