Tout le secret de la couture de Cristobal Balenciaga réside en ce qu’il ne sketches jamais – c’est sur les corps que les robes prennent forme lors du moulage sur le modèle. De cette première étape, le couturier des couturiers est en mesure d’obtenir la toile, sorte d’ébauche retravaillée et ajustée jusqu’à obtenir la parfaite interprétation de son idée. Ces toiles, coupées dans de la percale, sont ensuite comme décortiquées : chaque partie est annotée de repères, traversée par des lignes dont la position, l’orientation et le croisement définissent la structure et la construction du vêtement. Viennent ensuite les piqûres qui, blanches sur noir, préfigurent ici les coutures à venir. Bien entendu, le maître adapte sa technique à chacune des étoffes choisit pour réaliser sa pièce – l’idée est de mener la matière jusqu’à livrer le meilleur d’elle-même. Christian Dior un jour a dit : « Avec les tissus, nous faisons ce que nous pouvons. Balenciaga, lui, fait ce qu’il veut. » Et en effet, le couturier sans faille n’avait rien à occulter. Il va même jusqu’à inventer de nouvelles lignes, tonneau ou blouson lorsque la taille prend son point d’appui sur des hanches enserrées sous une ceinture drapée. Ainsi Cristobal Balenciaga a-t-il mis au monde des pièces à la pureté telle qu’il n’avait nulle couture à occulter. Les robes du soir dédaignent les broderies et autres ornements pour se présenter dans un blanc si pur qu’il ne laisse aucune place à l’erreur.
Pratiquant la couture comme un architecte, Balenciaga a aussi souvent mis en contraste le noir et le blanc – pour laisser ses pièces loin de la distraction de la couleur. Si l’alliance de ces teintes est aujourd’hui un chic irréfutable, elle était vue à l’époque comme révolutionnaire. Le noir symbolisait alors un certain classicisme, pour ne pas dire le deuil, tandis que le blanc était souvent associé au futurisme. Ainsi toute la force de ce couturier fut celle de conquérir son indépendance par rapport à la mode. Il a composé des silhouettes très personnelles sans être obligé de suivre quelconques courants extérieurs – Cristobal Balenciaga avait une certaine idée de la beauté et de l’élégance, et personne ne pouvait y déranger. Pureté et rigueur des formes, c’est là que repose le secret de ses silhouettes. Noir sur blanc, rien ne bouge – l’équilibre est total. Les pièces du couturier établissent ainsi un dialogue tranchant : noir sur blanc, la gamme s’éveille au contact de lignes inédites et surprenantes. Une association intemporelle qui trouve son point d’orgue pour éclairer les robes du soir sévères et majestueuses de larges collerettes d’hermine, de visons ou de renard polaire. L’idée : le blanc accompagne avec encore plus de profondeur les noirs des manteaux et des tailleurs.
Ces blancs évoquent les fraises en dentelle des costume des monarques Espagnols, ou encore les cols immaculés des costumes bourgeois, tour à tour synonymes d’apparat ou de retenue. Souvent c’est le satin blanc qui habille les pièces Balenciaga ; souvent aussi, les inspirations monacales du maître faisait dire à Cristian Dior que « le vêtement était sa religion. » Tour à tour opaque ou transparent, mat ou brillant, le blanc doit finalement son évidence à la somptuosité des tissus choisis, et son esthétique triomphant à l’apparente simplicité des coupes. C’est une jupe qui se forme ainsi d’un rehaut de dentelles, d’une composition de broderie, ou d’un épais tombé de velours de soie ! D’ailleurs, pour son dernier défilé, son « prologue » pour la maison Balenciaga, Alexander Wang signait une collection toute en blanc – coupes géométriques, des noeuds comme un hommage au fondateur, le volume dans le dos, l’arrondi des épaules, le tout dans un blanc immaculé du début à la fin.
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