Cindy Sherman a 25 ans lorsqu’elle édite sa série “Untitled Film Stills” – nous sommes en 1977, et ce travail ne jouit à sa sortie de la réputation qu’on lui connait aujourd’hui. Ces 70 images réalisées au cours des trois années introduisent dans des tons noir et blanc les différents clichés attendus ou plutôt exigés d’une femme au cinéma. Dès lors que l’absence de titre et de couleur ancrent ces images dans une sorte d’intemporalité, l’on comprend mieux toute la démarche de Cindy Sherman. La photographe a évidemment cherché la dépersonnalisation, accentuant l’intention de faire des ces clichés le témoignage d’une société plutôt que celui d’une époque. Dans un monde (quasi) indéfiniment phallocratique, l’oeuvre de Sherman s’érige comme un jeu de miroir déformant avec adresse le statut et le rôle attribués aux femmes sur la scène publique.
Ainsi, la série “Untitled Film Stills” place-t-elle en exergue les différentes figures de la femme au quotidien telles qu’introduites par l’un des arts prit pour être le plus progressiste, le cinéma : starlette pulpeuse, ménagère ravie car consentante, ingénue ou travailleuse, Cindy Sherman distille les stéréotypes à la hauteur des productions de série B. La prostituée, la femme en pleurs, la femme-enfant ou l’actrice, Sherman les incarnent tour à tour autour de scénarios et de fictions composés par elle seule. Et c’est en cela que l’oeuvre de Cindy Sherman gagne en éloquence : perruques, maquillage et son loft new-yorkais comme arrière-plan, le caméléon questionne l’identité en prouvant qu’une femme tient sa féminité en ce que l’on désire le plus d’elle. Derrière ces personnages, beaucoup y ont lu un manifeste féministe…
« Bien que je n’aie jamais considéré mon œuvre comme féministe ou comme une déclaration politique, il est certain que tout ce qui s’y trouve a été dessiné à partir de mes observations en tant que femme dans cette culture » précise-t-elle alors. À la fois interprète et réalisatrice, Cindy Sherman cherche à troubler, à étudier les diverses façons dont les images suscitent ou non chez la femme une certaine discipline. “Untitled Film Stills” dénonce intelligemment puisque la série reprend les thèmes des films hollywoodiens mettant en vedette des stars telle Marylin Monroe – ces mêmes femmes encensées et fantasmées pour leur soit-disant liberté. L’ambiguïté est réelle et, le langage corporel et les expressions faciales de ses caractères restent indéfinis pour justement laisser libre court à l’interprétation.
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