Cette exposition au titre accrocheur mais non moins énigmatique illustre une histoire indiscrète de la silhouette. Elle invite à découvrir et comprendre les coulisses du vêtement. Comme le souligne si justement Monsieur Denis Bruna, commissaire de l’exposition, « l’histoire du vêtement et de la mode s’est peu intéressée à ces artifices dissimulés, que l’on considérait comme futiles ou vulgaires ». Dès l’accès, à l’espace d’exposition, s’impose par le subtil jeu de lumière tamisée, une ambiance intimiste, ouatée ; question de conservation bien sûr mais qui sciait parfaitement au thème. Le propos s’articule autour des divers types de dessous : braguettes rembourrées, supports de fraise, corps à baleine… abordés dans leur contexte historique, social et symbolique. Le choix judicieux de reproductions modernes d’après originaux et l’emploi d’automates permettent une meilleure compréhension des mécaniques astucieuses qui caractérisaient la plupart de ces dessous.
Il est d’usage de considérer que la mode naît au Moyen-Age, et plus précisément au 14ème siècle. A cette époque apparaît une nette différenciation entre la mode masculine et féminine mais le plus remarquable est l’éclosion d’un cycle d’évolution de la silhouette. Georges Duby, dans son ouvrage L’Europe au Moyen-Age, écrit « la haute-couture travestit le corps, l’enveloppe d’irréel, masque tour à tour les attraits du corps, féminin et masculin ». Le vêtement désormais souligne moins l’anatomie qu’il ne la modèle. « Ainsi, le corps naturel n’existe pas ; il y a bel et bien un corps culturel, dessiné par une silhouette caractéristique d’un instant ». L’emblème de ce corps contraint, modelé est le corset. Ce mot apparaît au 14ème siècle, il désigne une robe, un corsage précisément ajusté que l’on porterait par-dessus la cotte. En contraignant la taille, il est l’outil de la silhouette féminine occidentale basée traditionnellement sur la mise en valeur des seins, de la taille, des hanches et des fesses. Sous-jacent cette silhouette, le rôle qui incombe à la femme transparaît : une mère fertile, un réceptacle docile. Quant à l’homme, virilité oblige, c’est sa carrure, son membre qui sont exaltés.
Bien que destinés à rester cachés sous le vêtement, ces dessous ont été sources de création pour de nombreux couturiers contemporains. L’iconique corset de Jean Paul Gaultier ou encore la robe de mariée de son défilé haute-couture de l’automne-hiver 2008-2009, où la crinoline-cage se fait voile, sont autant de réinterprétations, d’appropriations de ce vestiaire oublié. En 1997, Rei Kawakubo intitule avec esprit sa collection printemps-été « Dress Meets Body – Body Meets Dress » et interroge cette tradition proprement occidentale en déformant le corps des mannequins par l’ajout de rembourrages à des endroits inopportuns. A la vue de ces dessous, dont certains empruntent des airs d’instruments de torture, la tentation d’étouffer un soupir de soulagement guette… Cependant l’exposition conclut, avec justesse, en pointant le renouveau des sous-vêtements sculptant qui s’affichent fièrement depuis quelques années sur le marché de la lingerie féminine mais également masculine ! Si les méthodes diffèrent, la mode continue de faire le corps…
La Mécanique des Dessous, Une Histoire Indiscrète de la Silhouette
Du 5 juillet au 24 novembre 2013
Du mardi au dimanche de 11h à 18h / fermé le lundi
Les Arts Décoratifs, 107 rue de Rivoli, 75001 Paris
Laissez une réponse