Le luxe est une émotion qui se ressent avant de se définir. Et la maison qui sert ce dessein depuis près de deux siècles, c’est la maison Poursin. Un savoir-faire discret qui a pourtant signé les pièces les plus exquises de notre patrimoine. Des sacs les plus désirés de notre patrimoine aux ceinturons les plus rock, en pa ssant par le carrosse de la Reine Elizabeth…
Avant Louis Vuitton et Hermès, il y avait la Maison Poursin
On peut facilement retracer l’origine de la maison Poursin — car depuis sa fondation vers 1830, l’atelier est aujourd’hui encore en activité. Alors, remonter le fil de la maison Poursin, c’est finalement remonter celui de l’histoire de France, et de son patrimoine même.
L’histoire commence justement vers 1830. L’époque est au faste, au sublime mais aussi au pratique. C’est l’époque du cheval, — et lorsqu’il est question de seller sa monture ou son carrosse, on vise le fonctionnel certes, mais surtout l’esthétique. A cela, la Maison Poursin, qui vient de s’établir dans le 10e arrondissement de Paris, entend y convenir.
Techniquement, la Maison Poursin ne prend son nom qu’en 1907; année où l’associé Simon Poursin en devient le seul propriétaire. Mais l’atelier, installé dès 1891 au 35 rue des Vinaigriers, était déjà riche d’une grande réputation — spécialisé dans les articles fondus pour la sellerie et les harnais d’attelage, il signe les plus prestigieux, dont ceux des cavaleries Royales et Républicaines.
Si la France connaît à cette époque encore un changement radical, entre Monarchie et Empire, l’atelier Poursin, lui, poursuit son travail de maître. Sous Louis-Philippe Ier ou sous Napoléon III, rien n’y change — les ornements des shakos de hussards, les plaques de ceinturons ou autres gibernes et étriers d’apparat… L’exigence Poursin ancre son savoir-faire par-delà les temps et les goûts.
La Maison Poursin fournissait les selliers de l’époque — dont le prestigieux sellier Hermès. Il était ainsi naturellement question d’une rencontre autour d’une même vision esthétique…
« Tous les selliers cherchaient la meilleure qualité au niveau de la bouclerie, de l’harnachement et venaient donc chez Poursin » précise Karl Lemaire, actuel propriétaire de la maison.
Des boucles, faciles et solides, qui ont aussi su taper dans l’oeil des grands noms de la bagagerie Française ; un secteur alors en grande expansion. Parmi eux, Louis Vuitton, bien sûr. Bien avant de fonder sa maison, Louis Vuitton a ainsi passé de nombreuses commandes auprès de Poursin ; notamment pour ses malles.
On le devine, les couturières et couturiers du XXe siècle s’y fournissaient allègrement. Parce que la Maison Poursin répondait à la demande impérative du luxe, celle d’une qualité authentique. On lit dans ses commandes le nom de Jeanne Lanvin, Berluti, Chapal, Charles Jourdan, Chloé, Courrèges et tant d’autres…
Aussi celui de la Reine d’Angleterre ! pour qui la Maison Poursin a en partie équipé la diligence campagnarde tirée par les huit chevaux du carrosse d’Élisabeth II, en 1953, lors de son couronnement…
Du Harnais d’Attelage A La Maroquinerie
La mode passe, le style Maison Poursin demeure. Dans les années 20, le cheval semble ne plus faire le poids face à l’automobile. Qu’à cela ne tienne, la maison Poursin s’appuie sur ses archives pour donner le ton — les boucles de harnais ne tardent en effet à inspirer les boucles de ceintures et les fermoirs des sacs à main.
Avant l’avènement de la voiture qui était impopulaire à l’époque, les clients choisissaient dans le catalogue Poursin les ornements pour leur calèche et leurs chevaux. Différents rubans étaient proposés : le ruban russe, le ruban chinois ordinaire, le ruban italien, le ruban penché, le dos d’âne ordinaire, le cordé ordinaire… Les collections sont incroyables.
« Quand l’automobile a supplanté l’hippomobile, monsieur Poursin prend un nouveau virage. Il garde les boucles et leur cadre, il change l’ardillon en créant un ardillon plus fin que celui de l’harnachement » précise encore Karl Lemaire. Cet ardillon devient la signature de la maison Poursin.
Dans les années 20, alors que le cheval et son attelage disparaissaient, les hommes et les femmes de la bonne société avaient déjà initié un mode de vie actif, fait de voyages et de tourisme. Plus rapides, les déplacements nécessitaient désormais des sacs pratiques et malléables. A cela, les maisons Louis Vuitton, Hermès, mais aussi Pinel et Pinel, Moynat y répondirent, de façon magistrale !
Pour les soutenir, la gamme inépuisable de la maison Poursin va générer une multitude d’effets de boucles indispensables à la tenue et la fabrication de ces objets du désir.
L’ardillon Poursin devient iconique. On le reconnait d’un coup d’oeil, biseauté qu’il est dans la matière de prédilection de la maison, le laiton. Il accompagne des dizaines de milliers de modèles de boucles !
Noble et luxueuse, la matière se prête à merveille aux besoins des maisons qui, dès les années 70, accélèrent la production de maroquinerie. La Maison Poursin accompagne alors le luxe et la mode au gré des accessoires et des bijoux de sac.
Ce répertoire est riche aujourd’hui de 60 000 références. « Nous avons 12 000 références commercialisées, à peu près 60 000 avec celles qui ne le sont pas. Le plus vieux catalogue de la maison remonte à 1890 et nous avons toujours en fabrication les accessoires proposés dans celui-ci » détaille la Maison Poursin.
Être à la fois le fournisseur de la Garde Républicaine et la maison derrière le fameux ceinturon des plus grandes stars ; voilà toute la versatilité permise par un savoir-faire d’exception.
Les maisons du luxe ne s’y trompent guère. C’est vers la maison Poursin que l’on se tournait hier, et aujourd’hui encore… A l’instar de Fenty par Rihanna, Asphalte, Le Soulor, la Botte Gardiane, Damien Beal ou encore Isaac Reina, Julno et Bleu de Chauffe !
Le Groupe AC.DIS Veille à Préserver Cet Héritage
Tout n’a pourtant été si évident. A l’aube des années 2000 et face à la concurrence Italienne et Asiatique, la bouclerie Poursin vacille. Les machines ont survécu. Le savoir-faire est là, mais les commandes ne suivent pas. Moribonde, elle est sauvée par l’entrepreneur Karl Lemaire — son leitmotiv ? L’amour du bel ouvrage. « Ma priorité est de préserver ces savoir-faire qui sont l’image du luxe français, mais surtout son Histoire » dit-il.
« Je milite contre la zarafication de l’accessoire métallique » ajoute Karl Lemaire.
En 2016, il rachète la maison Poursin, appartenant à la même famille depuis quatre générations. Il y conserve tout.
Mieux, il l’ouvre à une nouvelle génération de designers. « On peut travailler comme avant, venir voir sur place les ouvriers travailler un produit commandé sans systématiquement passer par un dessin envoyé par ordinateur au bout du monde. […] On a des Soudeurs manuels, des Polisseurs, un vrai savoir-faire et beaucoup de mal à transmettre ! »
Polies à la main, les boucles ont depuis retrouvé leur noblesse. « On est le dernier fabricant français à cambrer le fil, emboutir, assembler, souder, polir nos boucles en laiton: un matériau noble, écolo, avec une vraie densité, inusable et d’une grande sensualité au toucher. »
La sensibilité au Made In France. Voilà bien ce qui habite l’entrepreneur Karl Lemaire. Déjà en 2012, il assurait la remise en route de la Maison Daudé. En activité depuis 1828, G.Daudé est celui qui a inventé l’Oeillet métallique, le Rivet métallique ! A ses début, Coco avait choisi l’œillet canapé 17C pour sa anse en chaîne.… C’est dire !
« Ce qui est intéressant notamment par rapport à Daudé – c’est pour cela que j’ai mon garde républicain à l’entrée – c’est qu’il y a historiquement parlant sur celui-ci du produit Poursin et du produit Daudé ; comme pour les premiers Sac à Main de luxe ! Daudé fournissait tout ce qui était rivets, oeillets et Poursin fournissait tout ce qui était de l’ordre de la bouclerie… » précise Karl Lemaire.
En 2020, Karl Lemaire persévère et fait entrer l’entreprise EUROFAC (créée en1929), matriceur Laiton, dans le giron de AC.DIS, un groupe désormais gardien de talents d’exception — et d’authenticité!
Un groupe qui cultive une identité rare, sollicité plus que jamais par les maisons au service de la Création Française. De la cour du Danemark et celle de Belgique, en passant par les pièces modèles du luxe Français, le savoir-faire de la maison Poursin est partout. Orchestrant la perfection de ces pièces, en toute discrétion.