La Fiancée de Joanna Vasconcelos

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En 2005, l’artiste portugaise Joana Vasconcelos présente pour la première fois à la Biennale de Venise un de ses plus grands chefs d’œuvres : La Fiancée, un magistral lustre XVIIIème de cinq mètres de haut, entièrement réalisé avec des tampons hygiéniques.

Détournant de manière inattendue le décorum de prestige qui ornait autrefois les salons, Joana Vasconcelos fournit un travail remarquable dont le côté insolite approche l’imperceptible. Copie satirique d’un luxe et d’une grandeur pervertis, la Fiancée, aussi appelée A Noiva dans sa version originale ou connue des Anglo-Saxons sous le nom The Bride, impressionne par tant de finesse, entre immensité et minutie. Evoquant l’œuvre comme sa « création la plus importante et emblématique », l’artiste fait renaître un Ready-Made sophistiqué autour de la féminité. C’est ainsi qu’elle commence la réalisation de la Fiancée, en 2001, qu’elle achèvera quatre ans et 25 000 tampons O.B. plus tard.

                Toutefois, cette féminité exarcerbée ne se révèle qu’afin de mieux dénoncer les lieux communs qu’on lui associe. Jouant « sur l’appropriation, la décontextualisation et la subversion d’objets préexistants et de réalités du quotidien », Joana Vasconcelos souhaite briser les tabous d’une société hypersexualisée mais paradoxalement conservatrice. En effet, si sa pièce emblématique peut passer inaperçue aux premiers abords, sa composition est devenu le motif de nombreux rejets. En effet, refusée sur le sol national, les manutentionnaires interrompent l’installation de la Fiancée après avoir découvert qu’elle était faite de tampons d’hygiène féminine en 2005. La même année, l’œuvre connaît pourtant un succès retentissant à la Biennale de la cité des Doges : on parle d’elle comme un révélateur pour l’artiste.

                Alliant luxe et ordinaire, Joana Vasconcelos est la première femme artiste à être l’invitée du château de Versailles en 2012. Alors qu’elle visualise déjà avec précision ses œuvres baroques  entreposées dans ce bastion du luxe et de la royauté, l’artiste se heurte encore à la prohibition. Si la Fiancée aurait, selon elle, pleinement resplendi au milieu de la Galerie des Glaces, ce n’est pas l’avis de Catherine Pégard, présidente du château. Sous prétexte d’une non « résonance » avec la demeure du Roi Soleil, le lustre est recalé, ce dont s’offusque l’artiste : « [ces] oeuvres [sont jugées] ‘sexuelles’, et ce n’est pas convenable à Versailles. Comme s’il n’y avait pas eu tant de femmes à Versailles et tant d’histoires de sexe ! ». Dans sa robe blanche immaculée, la Fiancée parle de sang en filigrane, ce qui devient soudainement intolérable. Bien que l’exposition soit maintenue sans l’œuvre, Joana Vasconcelos parvient à faire installer le lustre dans la verrière du Centquatre. Un semblant de victoire pour l’artiste qui dit « vouloir apporter un regard critique à l’hypocrisie de la société »

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