La Dirty Corner d’Anish Kapoor

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Le succès d’Anish Kapoor n’est pas récent. Depuis les années 1970, l’artiste anglo-indien est une figure incontestée de la scène britannique. Né en 1954 à Bombai, l’homme est considéré comme l’un des plus grands sculpteurs contemporains. Cette reconnaissance, Anish Kapoor la doit autant à sa maîtrise des formes et des couleurs, qu’à son usage pleinement novateur de matériaux tel que le marbre, la cire, les miroirs, le plastique ou encore les poudres… Et l’artiste en fait un usage très spécifique ; de ces substances vivement colorées, Kapoor aime à recouvrir des reliefs de plâtre aux formes abstraites avant de les disperser à même le sol à l’occasion de chacune de ses expositions. La double identité d’Anish Kapoor déteint aussi sur sa renommée. Exempt de toute catégorie, refusant obstinément d’entrer dans quelques termes identitaires que ce soient, Kapoor réveille ainsi la figure de l’artiste universel. En fait, Anish Kapoor fabrique des «objets  incertains », dont l’interprétation ne peut être univoque. L’art contemporain est incertain, et c’est en cela qu’il provoque la panique. Ses créations ont ainsi le mérite de rarement laisser les gens indifférents.

            La plus imposante de ses œuvres s’est ainsi installée dans le parc du château de Versailles, remplissant toutes ces expectations. Le Dirty Corner, un tunnel d’acier rouillé de 60 m de long s’ouvre en direction du château par une sorte de trompe, qualifiée de « très sexuelle » par Kapoor. Il est entouré d’excavations et d’énormes blocs de pierre (jusqu’à 25 tonnes), certains peints en rouge sang… Vagin de la Reine ? Pas du tout. Anish Kapoor évoque lui-même « une forme qui pourrait être féminine, allongée sur le gazon, comme une reine égyptienne ou une sphinges. » Nous sommes donc loin de l’interprétation abusive qui créa la polémique. Mais qu’importe, puisque ce qui se joue de subtil dans le travail de Kapoor, c’est qu’il exhibe non pas une reine, Marie Antoinette, mais une femme qui a construit son univers à Versailles autour de l’univers des plaisirs. C’est d’ailleurs en partie cela qui fit basculer la France dans la révolution en 1789  — le scandale des plaisirs royaux. Et c’est ainsi qu’Anish Kapoor entre un peu plus dans la légende, en ramenant l’art à sa fonction primaire, car il s’agit avant tout d’une forme de production là pour éveiller la liberté, rappeler l’irrévérence, et élever les corps dans l’incertitude.

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