INTERVIEW : Priscilla Royer, DA de Maison Michel Nous Transporte dans l’Univers de l’Accessoire de Tête

INTERVIEW : Priscilla Royer, DA de Maison Michel Nous Transporte dans l’Univers de l’Accessoire de Tête

Appartenant aux Métiers d’Art de Chanel, Maison Michel imagine depuis 1936 un chapeau, qui loin d’être accessoire, habille les têtes de toutes les personnalités. 

Si depuis 2006, la Maison propose son propre label éponyme, elle est sans cesse à la recherche d’innovations technologiques, rappelant les nombreuses références culturelles et historiques du couvre-chef, tout en prônant la portabilité et le culte de l’attitude. 

Depuis l’hiver 2015-2016, Priscilla Royer est à la tête de la Direction Artistique de cette Maison au nom si évocateur. Elle y engage alors une réflexion dans l’air du temps où la personnalité et l’individualité y tiennent une place centrale. Sa créativité est mise au service des autres, afin d’y célébrer et encadrer tous les visages, toutes les attitudes – féminins comme masculins. 

Au cœur de l’atelier parisien – au nord de la capitale – les formes sont sans cesses renouvelées, modernisées, adaptées à la vie contemporaine, sans pour autant y sacrifier le sens originel du chapeau qui conserve son histoire – plus valorisée encore par un savoir-faire unique ! Rigide, coupé-cousu, bijou, l’accessoire de tête se veut protéiforme, mais toujours exquis ! 

Depuis plus de 80 ans, chaque jour, une quinzaine d’artisans, chapeliers et modistes confectionnent de nouvelles pièces – proches de la perfection – grâce à un savoir-faire transmis de générations en générations, sous l’impulsion du studio de création. 

Icon-Icon vous ouvre les porte de l’une – si ce n’est LA – Maison la plus emblématique de Chapeaux Française. Portée par ses icônes – dont on ne cite plus le mythique Virginie – tout comme ses nouveautés sans cesse renouvelées – Maison Michel nous dévoile, par la voix de Priscilla Royer, quelques confidences… forcément iconiques. 

Rencontre avec Priscilla Royer 

Pour commencer et recontextualiser pour nos lecteurs, pourriez-vous revenir sur votre parcours jusqu’à prendre la direction artistique de Maison Michel en 2015 ? 

Après avoir achevé mes études secondaires, je suis arrivée à Paris le bac en poche. J’avais pour ambition d’intégrer le Studio Berçot mais je souhaitais acquérir un peu plus de maturité artistique et esthétique en amont. J’ai ainsi commencé par deux années de prépa en dessin avec toutefois une ouverture culturelle globale. 

J’ai donc retardé quelque peu le début de mes études, bien que dès le départ, mes idées et objectifs étaient très clairs. Je souhaitais en effet d’abord apprendre à dessiner pour ne plus avoir cela à gérer par la suite.

Après mes deux années au Studio Bercot, je suis partie vivre à Londres puisque je tenais absolument à y faire un cycle d’études. Alors que je devais y rester six mois, j’y ai vécue presque cinq ans, ce qui m’a été extrêmement bénéfique. 

J’ai effectivement eu la chance d’intégrer les équipes de Vivienne Westwood, où j’étais en charge de la ligne Red Label – la ligne de prêt à porter féminine haut gamme. Il y avait donc deux défilés par an – deux collections par an. 

Je suis ensuite revenue à Paris où j’ai créé ma marque Pièce d’Anarchive, avec ma sœur – Deborah Royer – et Virginie Muys. Il s’agissait d’une marque de prêt à porter haut gamme pour femmes, avec quelques pièces pour hommes. 

Finalement, en 2014, lorsque nous avons arrêté – pour diverses raisons – j’ai très vite rencontré Bruno Pavlovsky (ndlr : Président du département mode de Chanel) et Virginie Viard (ndlr : Directrice Artistique de la Maison Chanel), et tout s’est fait naturellement, de façon très organique. 

Avant d’entamer votre carrière chez Maison Michel, aviez-vous un lien particulier avec le chapeau ? 

Pour être tout à fait honnête – depuis que je suis petite fille – j’ai toujours porté des chapeaux, et j’adorais cela !

J’adorais cela puisqu’il s’agissait de chapeaux occasionnels, des petits melons en feutre bleu marine, avec un gros grain bleu marine également. Très jolis, je les portais uniquement pour de grandes occasions, c’est pourquoi je me sentais particulièrement fière de porter ces petits melons lorsque je le pouvais.

Et puis bien sûr, le reste du temps, pour me protéger du soleil et parce que j’étais une jeune fille des années 80 – 90, je portais régulièrement une casquette ou bien un bob. 

De même, le chapeau a fait partie des premières choses que j’ai cousu lorsque je commençais à bidouiller quelques pièces sur mes poupées. J’ai commencé par les chapeaux parce que je découpais les talons de mes chaussettes pour leur faire de petits bobs. 

BOB ANGELE

Depuis toujours, inconsciemment, le chapeau est donc là, quelque part. 

Si le chapeau est donc un fil rouge depuis votre enfance, est-ce aujourd’hui un accessoire que vous portez régulièrement, ou plutôt pour des occasions particulières ? 

Je le porte assez régulièrement, pour diverses raisons. 

Cela peut être de façon très pragmatique parce qu’il y a du soleil, qu’il va pleuvoir ou encore parce que mes cheveux ne sont pas impeccables. Cela peut être également pour habiller, terminer un look sans trop d’efforts ou bien pour un événement, un cocktail où je souhaite ajouter une touche de féminité, par exemple un petit nœud pour attacher mes cheveux. Mais en effet, l’accessoire fait réellement partie de ma silhouette et de ma réflexion. 

Je ne vais pas nécessairement en porter tout le temps parce que je suis très souvent à l’atelier où j’ai l’occasion d’en essayer tout au long de la journée. Mais au quotidien, il s’agit toutefois de quelque chose que j’ai l’habitude de porter. 

Lorsque vous en portez un, vous le considérez ainsi davantage comme une pièce de votre silhouette à part entière, comme un ensemble, plutôt qu’un accessoire secondaire ? 

Pour moi, le chapeau est assez important puisque lorsqu’on se regarde dans le miroir, on fait face à son regard très vite avec un chapeau.

Finalement, je le vois comme une sorte de maquillage, qui permet de relever le look, la silhouette.

Le chapeau est effectivement un accessoire qui très vite attire le regard et complète une silhouette…

C’est vrai mais personnellement, ce n’est pas ce que je recherche principalement dans un look, je le porte instinctivement, au gré de mes envies.

Toutefois, cela fait également partie de l’histoire du chapeau : remarquer la silhouette au loin, représenter le siège de la pensée, de l’intelligence. Le chapeau renvoie à de nombreux symboles sur lesquels nous pourrions revenir longuement… 

Comment s’opère votre processus créatif et quelles sont vos sources d’inspiration principales ?

C’est l’air du temps. Je ne fonctionne pas à la pression, il ne faut pas insister sur le fait de trouver les idées de la prochaine collection au plus vite, cela ne fonctionne pas. 

Je ne prends pas non plus d’avance, au contraire, je suis dans le temps présent. 

C’est ainsi mon œil qui attrape tous les éléments dont j’ai besoin pour ensuite recoller les morceaux sur le papier lorsque je travaille sur mes recherches, y compris sur les matières. 

C’est donc mon œil qui emmagasine des images, que ce soit dans la rue, sur des amis ou même sur un téléphone. 

Finalement, je n’ai besoin que de laisser flâner mon œil, au gré des envies.

C’est donc un processus très intuitif, très simple. Parfois, je peux ainsi mettre une collection sur papier en quatre ou cinq jours à peine.

Collection maison michel spring summer 2022

En véritable créatrice donc, comment parvenez-vous à apporter votre touche personnelle tout en conservant l’ADN de Maison Michel ? 

Ma patte, c’est mon œil. Je ne sais pas s’il est reconnaissable de l’extérieur mais je pense qu’il s’agit de quelque chose de très éclectique, très inspiré de l’air du temps et de ce qui nous entoure dans la société et le monde. 

Je me dois ainsi de regrouper les sujets qui parlent le mieux au plus grand nombre. Ainsi, ma patte disparaît au profit du message, au profit des autres. 

Ensuite, l’ADN Maison Michel, est lui présent dans chacun des produits parce qu’il y a une façon de faire, une façon de fabriquer le chapeau, il y a une main et cela, c’est une histoire d’artisanat et de méthodes de fabrication. 

Maison Michel fait effectivement partie des Métiers d’Art de la Maison Chanel. 

Pourriez-vous justement nous dire quelques mots sur l’importance de ce savoir-faire et les ateliers Michel ? 

D’un point de vue très technique, à l’atelier, chacun sait quelle tâche a été réalisée par quel chapelier. Non pas par spécificité technique, mais par le travail de la main, les chapeliers savent lequel d’entre eux a réalisé tel ou tel chapeau. Ils le savent par ce savoir-faire et cette technique de la main est très individuelle et reconnaissable. 

L’ADN de Maison Michel, c’est ainsi une finition des produits proche de la perfection. Les produits sont polissés dans le bon sens du terme, ils sont impeccables et extrêmement proches de la direction que j’ai initialement donnée.

C’est donc très agréable de travailler avec cet atelier d’experts, consciencieux avec une maitrise impressionnante permettant à mes idées de se concrétiser telles que je les vois. 

ateliers maison michel

Comment sélectionnez-vous les matériaux d’exception que vous utilisez pour vos créations ? 

Concernant les matériaux, il s’agit d’un processus assez classique. 

D’abord autour des salons professionnels et surtout autour des grands courants, des envies assez généralisées. Encore une fois, je ne pense pas être hors du temps mais plutôt dans le temps présent. Nous essayons notamment d’utiliser des matériaux durables, dans une démarche plus écologique, de plus en plus importante aujourd’hui. 

En parallèle, je peux tout à fait tomber sur un petit bout de carton, un petit bout de je ne sais quoi, qui a été brûlé ou encore décoloré par le soleil, et me dire qu’il s’agit de l’effet que j’aimerais retrouver sur les tissus des bobs ou casquettes de l’été. 

Par exemple, une année, je suis tombée sur stylo sur coin de mon bureau qui avait été brûlé et déformé par la chaleur. Je m’en suis ensuite servi pour imaginer des pétales de fleurs, légèrement déformés sur de petits bibis. 

En somme, tout m’intéresse, sans jugement. Je pense que tout est bon à exploiter – qu’il faut faire feu de tout bois

Auriez-vous une création dont vous êtes particulièrement fière et que vous souhaiteriez partager avec nous ? 

Tout à fait mais il y en a beaucoup d’autant plus que chaque saison, il y a un défi et une petite complexité supplémentaire – un nouveau challenge. 

Par exemple, j’ai beaucoup aimé travailler sur les techniques de délavage sur des petites pièces, autour d’un travail de tie-dye sur un feutre, dont le résultat était particulièrement satisfaisant. 

Néanmoins, je ne souhaiterais pas insister sur un modèle que j’affectionne en particulier puisque je fais d’abord des produits pour les autres. Bien sûr, si ils me plaisent c’est encore mieux. Il y a des modèles dont je suis satisfaite et que j’aime porter, c’est double gain ! 

Monogramme maison michel

Le chapeau est parfois considéré comme désuet et difficile à porter au quotidien, comment parvenez-vous à le moderniser pour y apporter une touche plus contemporaine ?

A mon arrivée chez Maison Michel, le principal challenge était d’insérer le coupé-cousu comme un chapeau à part entière, de faire comprendre que le chapeau n’est pas que le classique chapeau rigide, mais également des modèles plus souples, comme la casquette ou le bob. 

Je considère néanmoins que le chapeau est loin d’être désuet, puisqu’il existe des milliers d’occasions d’en porter un. Finalement, c’est peut-être le mot qu’il faudrait changer, tout simplement. On pourrait davantage parler d’accessoire de tête qui recouvrerait ainsi le serre tête, la voilette, que l’on peut également porter pour une soirée ou une cérémonie. On peut également imaginer une casquette pour aller jouer au tennis, un bob ou une grande capeline pour aller sur la plage et s’y couvrir du soleil, ou encore une chapka et un bonnet en cachemire pour tenir bien chaud l’hiver. 

En définitive, il me semble qu’on se focalise beaucoup trop sur le terme chapeau et finalement l’enferme tout comme on pourrait le faire avec le terme souliers qui de suite, évoque quelque chose de désuet. Pourtant, tous les jours, nous avons besoin du soulier, et il en va de même pour le chapeau – notamment par les temps qui courent en cette période de canicule ! 

casquette new abby

Pour rester dans l’actualité et les tendances, pourriez-vous nous parler des tendances et inspirations de cet été 2022 ? 

La tendance de l’été 2022 est principalement tournée autour de la nature, d’une volonté de se diriger vers des matériaux très simples, des fibres naturelles, avec peu de travail autour du plastique et des fibres trafiquées. D’un point de vue technique, ce sont donc des fibres de lin, de coton recyclé, y compris pour les rubans ou le logo Maison Michel – composé d’Amidon de maïs rappelant le plexi transparent. 

Cette démarche s’appuie sur la vision d’un chapeau que l’on porterait dans une maison de campagne, avec par exemple un modèle à carreau, imprimé ou tissé dans le lin, des tissés et des denims – en majorité blancs. 

collection maison michel ss22

L’autre tendance est celle qui part de l’océan, autour d’un camaïeu de bleus et de verts ainsi qu’une touche de sable blanc,  évoquant l’été chaud au bord de la mer.

Pourriez-vous nous livrer quelques exclusivités sur la prochaine collection qui n’a pas encore été dévoilée à la presse ? 

La prochaine collection que nous nous apprêtons à vous dévoiler s’oriente autour de trois axes principaux : 

Le premier s’inspire d’une île déserte avec son lagon bleu, d’un petit côté Robinson Crusoé, où l’on fabriquerait ses pièces avec ce que l’on trouverait sur place. Cette idée s’incarne dans des palmiers qui ont été tressés, des pailles réalisées en crochet, des rubans tissés quasiment main. 

Ensuite, on perçoit toujours cet appel de l’océan, de la mer avec des bleus, des bleus extrêmement différents, certains plus foncés et profonds, qui donnent une sophistication très élégante aux chapeau Michel. 

Finalement, il y a un côté très seventies dans le troisième axe de cette collection qui pivote autour d’un imprimé ayant été réalisé sur du foulard, présenté à la fois sur du coupé-cousu – sur des chouchous, des bobs, des casquettes – et à la fois sur des chapeaux en raphia, raphias tressés, effrangés. Au niveau des matières, nous nous sommes orientés – pour conserver le côté surfeur des années 70 – autour de néoprènes écoresponsables, de cordes de maillots de bain rappelant les bikinis. Concernant les couleurs, il y a un contraste autour d’un côté blanc très naturel et des tie-dye très flashy. 

Trois univers différents qui se complètent et s’assemblent pour une collection estivale qui s’annonce très chouette ! 

En effet, nous avons hâte de découvrir cette collection ! 

Chez Icon-Icon, nous nous intéressons aux produits emblématiques, s’il ne devait y en avoir qu’un, quel serait le chapeau iconique de Maison Michel ? 

Sans hésiter, le modèle Virginie qui est sans contestes le plus célèbre, celui qui continue de porter Maison Michel internationalement parlant, grâce à cette virgule qui le rend asymétrique et qui finalement, le modernise. On parle en effet d’un Fedora classique dont la virgule a été maintes fois copiée –  pour dire à quel point l’exercice de style est plutôt réussi. Présent depuis le tout début de Maison Michel, le modèle Virginie est certainement l’emblème de la maison. 

Big Virgnie PF22

Bien sûr, l’une des autres signatures chez Michel, c’est évidemment les petites oreilles, présentes depuis les débuts, et aujourd’hui déclinées de mille et une façons chez Michel – en serre tête ou même en casquette.

casquette jamie

Pour terminer cette interview, avez-vous quelque chose à rajouter, un mot, une idée que l’on devrait retenir ? 

S’il y avait une idée à retenir chez Maison Michel, c’est sa volonté de désacraliser le port du chapeau en s’attachant au culte de la personnalité et de l’individualité. Les collections s’adressent à tous, et retenir une seule pièce reviendrait à écarter les autres individualités et leurs personnalités. 

Maison Michel s’adresse à un éventail de personnalités, pour que chacun puisse y retrouver une part de soit. 

Propos recueillis par Sébastien Girard et Saskia Blanc

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