INTERVIEW NFT : Pierre-Nicolas Hurstel Nous Parle d’Arianee

INTERVIEW NFT : Pierre-Nicolas Hurstel Nous Parle d’Arianee

Alors que les NFT sont aujourd’hui partout, et que l’on ne compte plus les projets qui fleurissent dans le monde du luxe : Gucci, Hublot, Dom Pérignon… quel est véritablement l’apport de ce nouveau concept qui semble désormais indissociable de nos icônes du luxe ?  

Icon-Icon est parti à la rencontre de Pierre-Nicolas Hurstel, CEO et co-fondateur d’Arianee, la plateforme leader des solutions web3 pour les marques, pour en apprendre davantage.  

Fondée en 2018, il s’agit de la plateforme leader de solutions web3 complètes pour les marques, qui souhaitent tokenizer, distribuer et exploiter des NFTs. L’objectif ? Transformer la relation client en lui permettant d’interagir avec la marque de différentes façons : du digital au physique, en passant par l’immersif tout en s’affranchissant de la dépendance aux grandes plateformes – les GAFAMs. Outre une désintermédiation de la relation client, l’objectif est également de reprendre le contrôle de notre identité numérique et de nos données, tout en bénéficiant d’une expérience permettant d’être acteur plus que simple consommateur.  

Travaillant déjà aux côtés de grandes marques à l’image de Breitling, Panerai ou encore la Paris Fashion Week, il est certain qu’Arianee contribuera à l’élaboration de nouvelles icônes dans le secteur du luxe, et plus encore !  

Arianee sera en outre présent au stand #H51 du 15 au 18 juin prochain au salon Vivatech.

En guise d’introduction, pourriez-vous revenir sur votre parcours. Comment êtes-vous arrivé jusqu’à Arianee ? 

Arianee c’est l’histoire d’un groupe d’entrepreneurs – ce n’est pas juste mon histoire, ce n’est d’ailleurs pas moi qui suis à l’origine de cette idée, mais plutôt Fréderic Montagnon. Aujourd’hui Executive Chairman chez Arianee, c’est un serial entrepreneur dans l’ad-tech et les médias (fondateur d’OverBlog et Teads.tv), qui, à force d’observer depuis 2013 l’évolution des technologies décentralisées, a vu l’opportunité d’amener au monde du retail et de la relation client, une nouvelle technologie qui permettrait à une marque, à un créateur ou à un retailer d’être en contact direct avec ses utilisateurs, sans intermédiaire. 

Au fur et à mesure, le groupe s’est élargi à Alexandre Cognard (co-fondateur de Vestiaire Collective), Julien Romanetto (Co-fondateur d’Overblog avec Frédéric) et moi. Avant cela, j’ai eu différentes expériences dans le conseil, la mode et la tech ; notamment aux Etats-Unis où j’ai vécu une dizaine d’années et où j’ai développé et organisé de grands événements professionnels à l’intersection de la Mode et de la Tech. 

Nous avons formé une petite équipe d’entrepreneurs quarantenaires, avec des parcours internationaux, une diversité de points de vues et nous nous sommes attaqués à ce projet aux alentours de 2017-2018. 

Qu’est-ce qui se cache derrière ce nom Arianee ? 

Notre vision principale se retrouve dans le nom Arianee qui fait référence au fil d’Ariane. 

Aujourd’hui, tout ce qui se passe en ligne est intermédié, c’est-à-dire que les GAFAM se sont imposés comme des murs en béton installés entre les utilisateurs et les marques avec, comme seul moyen de les surpasser, le paiement. Ce qu’on appelle la third-party data, ce qui a permis la centralisation des systèmes d’information qui ont été créés par les GAFAM, c’est finalement l’intermédiation complète de la relation client digitale. 

Notre conviction chez Arianee c’est que les NFTs – créés par une marque, distribués à un client qui en devient propriétaire dans son wallet, sans intermédiaire supplémentaire – sont le nouveau lien direct et perpétuel entre la marque et cet utilisateur. Réinventer la relation-client en créant ce lien direct et perpétuel entre une marque et son client est la raison d’être d’Arianee . Notre ambition c’est de rendre la liberté, ou plutôt le contrôle, aux marques et aux utilisateurs, tout en innovant et en créant des usages augmentés dans le numérique, basés sur la propriété digitale et la valeur numérique.  

Qu’est-ce qu’un certificat d’identité numérique désormais associé à un produit change-t-il dans la relation client ? 

Jusqu’à présent, on ne pouvait rien posséder de digital. Ainsi, la possibilité de créer des objets numériques rares (« token »), voire uniques (« Non Fungible Token »), que l’on peut réellement posséder, crée un lien complètement différent entre celui qui a généré le token et celui qui le possède. Ce n’est plus de la consommation mais de la participation, je ne suis plus utilisateur mais je suis membre parce que je possède un bout de cette valeur digitale. Je suis en contact consenti et choisi parce que je possède un élément de cette collection. 

Je pense que c’est finalement assez proche de ce que l’on retrouve lorsqu’on possède un Birkin ou une Royal Oak. La différence est qu’avec les NFT, on étend cette possibilité à tout le monde. Demain, la possibilité de se sentir membre, d’avoir un lien très fort avec une marque et ses objets iconiques sera ouverte à beaucoup plus de monde parce qu’en suivant un projet, sa création, puis en obtenant l’un des peut-être 100 tokens créés, vous faites partie de cette dynamique. Ensuite, sur des choses peut-être plus basiques, on pourrait créer 10 000 ou même beaucoup plus de tokens. Parce que je suis venu à un concert, parce que j’ai vécu une expérience ou que j’ai interagi avec la marque,  j’ai désormais cette possibilité de posséder un bout de valeur digitale qui correspondrait à ce moment ou cet objet très spécifique, qui m’en fait le dépositaire et me donne une potentielle perspective de valeur. 

On sait pertinemment qu’en achetant un Birkin ou une Royal Oak, le multiple est immédiat. Et bien dans certains cas, les NFT seront pareil, dans d’autres cas, cela sera un peu moins sacralisé mais si j’en possède un bout et que le projet réussit, peut être que cela pourra évoluer positivement et que je gagnerai à en faire partie, à en être membre pour en retirer de la valeur. C’est donc cet empowerment que l’on recherche : ce passage de « Client » à « User » à « Member », de « celui qui dépense » à « celui qui investit » avec une possibilité de liquidité, voire d’investissement. Il s’agit d’une optimisation de la relation, de la valeur, du service faisant basculer le rôle et l’interaction vers quelque chose de bottom-up ou du moins de circulaire.  

Est-ce que cela voudrait dire que la notion de Consumer Relationship Management telle qu’on l’envisage traditionnellement est terminée ? 

C’est en tous cas ce que nous nous essayons de faire, transformer profondément cette relation, pour qu’elle ne soit plus basée sur de la collecte de données, sur de l’accès à des données tierces chez Facebook, Google ou autre, mais plutôt qu’elle soit basée sur la distribution d’un token et sur l’interaction avec celui qui le possède. C’est pour cela que l’on croit profondément que la relation de demain sera « Direct to Consumer », « Brand to Member » et non plus « Brand to Consumer/User » avec personne au milieu. Arianee incarne ce lien direct et perpétuel entre la marque et celui qui possède ce token

L’essentiel de notre plateforme, c’est de créer le token bien sûr et de le distribuer. Ce n’est pas évident, ça ne parle pas à tout le monde donc il faut trouver un use cases pour expliquer aux marques et leur faire comprendre la valeur ajoutée du web3 et de nos solutions ; il faut accompagner les marques, leur donner les outils de relation client pour animer ce lien (Comment segmenter mes wallets ? Comment envoyer des messages dessus ? Comment  créer des environnements dans lesquels les gens peuvent entrer en fonction de ce qu’ils possèdent ? ).

Si l’on se réfère à Adam Maslow et à sa pyramide des besoins, il y a cette même idée de reconnaissance du client « à sa juste valeur » avec tout en haut des groupes de clients à qui l’on donnerait la possibilité de vivre certaines expériences très particulières, qu’en pensez-vous ? 

J’utilise souvent l’image de la pyramide de Maslow pour décrire le fait que dans cet Internet de la valeur, c’est un peu comme si l’on avait un sac à main numérique avec tous nos objets à l’intérieur (nos NFTs qui définissent ce qu’on a gagné et ce que l’on possède) et le problème c’est que ce sac numérique a les mêmes défauts que le sac à main réel, c’est-à-dire que si on le perd, on ne peut pas demander à Mark Zuckerberg de nous en redonner un. Donc en réalité, le bas de la pyramide de Maslow c’est la sécurité. Si on file la métaphore, les gens vont devoir apprendre à ne pas laisser leur sac à main n’importe où voire à ne pas laisser les gens mettre les mains dedans. Mais ici leur sac à main c’est leur wallet. Donc tout en haut de la pyramide de Maslow il y a des choses fantastiques, et en bas, la base, c’est juste qu’il ne faut pas perdre son wallet.  

Finalement, cette pyramide de Maslow qui peut s’exprimer au niveau du luxe par sa possession de produits de luxe accessibles jusqu’aux super yachts pourrait se traduire dans le metaverse. 

Plusieurs réflexions là-dessus. Si dans le metaverse opère le même schéma que dans la société classique, c’est-à-dire juste de distribuer les mêmes choses aux mêmes personnes, il n’y a pas d’intérêt. 

Les gens qui construisent des metaverses (par exemple The Sandbox, avec qui Arianee a tissé un partenariat), le font pour permettre aux créateurs de contenu d’être propriétaire de leur contenu et donc de démocratiser la possibilité qu’un créateur de jeu ou qu’un créateur d’avatar ait un marché, qu’il ait de la liquidité et que finalement le jeu appartienne à celui qui le crée et pas uniquement à celui qui vient dépenser le plus. Je pense que ça c’est la vraie logique, c’est cela qui est intéressant dans le web3 : c’est le fait que tout le monde possède un bout du truc que l’on crée. Si le metaverse c’est uniquement être devenu riche ailleurs et venir le dépenser ici, et bien c’est que le concept a pris dans le mauvais sens. Ensuite le yacht en lui-même, c’est un yacht parce qu’il flotte sur de l’eau, il a une propriété physique, pourquoi on s’embêterait avec des yachts dans un environnement numérique où il n’y a pas de gravité ?  

Qu’apportez-vous aux maisons de luxe ? 

Notre apport se place sur deux niveaux. 

Un premier qui est immédiat, c’est-à-dire leur fournir une technologie qui leur permet de faire des uses cases innovants d’engagement communautaire, de relation client, c’est-à-dire de l’innovation dans les usages supportés par une nouvelle technologie qui est le web 3. Faire des actions inédites qui vont permettre de mieux engager ma communauté, peut-être de générer des revenus différents, de mieux rewarder, et également d’atteindre des objectifs business expérientiels en faisant profiter la communauté d’expériences complétant leurs produits. 

Le second niveau consiste à les libérer de l’emprise digitale dans laquelle ils sont aujourd’hui, c’est-à-dire de leur permettre de construire leur CRM décentralisé, basé sur des tokens ou des wallets et non sur des bases de données ou des followers. Ce deuxième élément est plus difficile, et plus long. Aujourd’hui, il y a tellement d’argent qui est dépensé pour toucher des consommateurs en ligne qu’avant que les choses ne bougent massivement, il va quand même falloir qu’on ait fait quelques réalisations supplémentaires.  

L’ensemble des produits de luxe pourrait donc in fine avoir leur propre NFT ?  

L’ensemble des produits pourraient et auront, je pense, leur NFT.

Dans certains cas, le NFT sera utilisé comme une augmentation de l’expérience-produit, c’est-à-dire qu’il n’aura pas de raison d’être autre que d’accompagner le produit. Ensuite il y aura des NFT qui vont représenter les expériences qu’on a vécu avec des marques ou avec des choses que l’on aime ou que l’on fait : je suis allé voir un match, je suis allé à un concert, je suis allé à l’ouverture d’un pop-up store, j’ai participé à une campagne de don pour une marque qui soutient une cause, j’ai soutenu un artiste ou bien j’ai contribué à une œuvre collective. Toutes ces expériences peuvent faire l’objet de token et constituer un nouveau graph d’intérêt pour les marques. 

Dans mon téléphone, j’ai mon wallet, à l’intérieur il y a mes tokens et en réalité, ils représentent la personne que je suis et que j’ai envie de montrer digitalement. 

Et vous, à quoi ressemble votre Wallet ?  

Je ne dois pas être loin de la centaine de NFT. Demain, nous aurons plein de NFT qui seront bien rangés et catégorisés. Certains seront utilisés dans une galerie virtuelle où on les présentera, d’autres ne seront pas visibles et serviront juste à nous connecter avec les sujets qui nous intéressent ou à nous permettre d’accéder à certaines choses.  

Pouvez-vous nous parler de vos collaborations avec les marques de luxe ?  

Notre collaboration avec la marque horlogère IWC a mené à la création d’un NFT de membership permettant à ses propriétaires de vivre des expériences spécifiques, enrichies. Avec le Printemps, nous avons imaginé un dispositif où des clients ayant réalisé un achat sur le store virtuel du Printemps ont gagné une œuvre d’art rare en format NFT, réalisée en 30 exemplaires. Chez Breitling, avec qui nous travaillons depuis plusieurs années, tous les objets sont désormais accompagnés d’un NFT. Pour AZ Factory, la maison fondée par Alber Elbaz, nous avons imaginé une expérience où les t-shirts connectés sont accompagnés d’un des ses dessins encapsulés dans un NFT.  

Selon-vous, les marques de luxe sont-elles de plus en plus à la recherche de demande, de conseils avisés sur ce sujet ?  

Les conseils, elles n’en manquent pas parce qu’aujourd’hui tout le monde peut devenir expert du sujet. Toutes les 5 minutes, il y a un nouvel expert qui passe leurs portes avec une Meta Agency, un Meta Cabinet de Conseil, une Meta Startup, web3 ceci, web3 cela… Aujourd’hui, le défi pour les marques c’est déjà de faire le tri dans un flot en continu d’informations et, surtout, de choisir la bonne technologie. Le travail d’Arianee c’est avant tout de fournir aux marques la bonne technologie. 

Comment faire pour démocratiser la notion de NFT qui reste encore un peu floue ? 

 Il faut du temps, des cas d’usage, c’est-ce que l’on a fait avec Leader Price où les utilisateurs ont collecté des NFT en faisant leurs courses avec des supers pouvoirs qui leur apportaient soit des avantages soit la possibilité de rentrer dans un jeu sur le métaverse.

On discute également avec de gros acteurs de retail pour que cet objet numérique fasse partie du quotidien et qu’on commence à voir émerger la partie immergée de cet iceberg dont on ne voit aujourd’hui que l’exubérance, la spéculation et l’irrationalité. Nous sommes convaincus que c’est un outil qui va profondément transformer la relation client. Pour le moment, on ne voit pas tout cela.  

Vous avez fait une très belle levée de fonds récemment, racontez-nous. 

On a été approché par Tiger Global, qui a cru en nous et qui a provoqué cette connexion qui n’était à l’origine pas prévue. Avec du recul, on les remercie parce qu’il est vrai que la période est un peu tendue depuis quelque temps. Cette levée de fonds va nous permettre d’améliorer encore notre produit, de le rendre plus accessible pour que les marques puissent démocratiser cette technologie.  

Par « tendue », vous entendez les baisses actuelles sur le marché de la crypto monnaie et des NFTs ou simplement une baisse de projets ?  

Cette tension c’est la conséquence d’une chute massive de tous les marchés financiers causée par un mélange d’inflation, de remontée des taux, d’incertitude en Chine et en Ukraine. Ce contexte global a fait plonger le marché et les valeurs technologiques, ce qui a eu un impact sur le marché des crypto monnaies qui n’est plus délié de tout cela mais plutôt corrélé à l’évolution de la tech. 

Tout ceci a créé un environnement dans lequel il va être un peu plus dur de se financer, c’est pourquoi nous sommes très heureux d’avoir bouclé cette levée de fonds au bon moment.

Dans une course à l’innovation qui est très consommatrice de ressources, on a besoin de talents, de gens qui sont durs à convaincre, qui coûtent cher parce qu’ils sont bons… Pour pouvoir faire ce qu’on a à faire, on a besoin d’être bien équipés. Nous sommes donc ravis d’avoir eu la confiance de Tiger à ce moment-là mais aussi celle de tous les fonds qui nous soutenaient déjà avant : Bpifrance, ISAI, Cygni Labs et Noia Capital. 

Propos recueillis par Sébastien Girard, Président d’Icon-Icon et Saskia Blanc.

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