INTERVIEW : Benedicte Epinay, Directrice du Comité Colbert Pour Les DE(UX) MAINS DU LUXE

INTERVIEW : Benedicte Epinay, Directrice du Comité Colbert Pour Les DE(UX) MAINS DU LUXE

Les samedi 10, dimanche 11 et lundi 12 décembre 2022, le Comité Colbert s’installe à la STATION F avec une idée en tête : susciter des vocations, pour préserver et faire perdurer l’excellence des savoir-faire uniques du patrimoine Français du luxe. L’événement, baptisé les DE(UX) MAINS DU LUXE, tiendra ainsi sa première édition avec la participation de 23 Maisons du luxe… De Boucheron à Baccarat en passant par Chanel, Chloé et les parfums Caron… Rencontre avec la directrice du Comité Colbert Benedicte Epinay.

Rencontre Avec Benedicte Epinay

Benedicte Epinay, pouvez-vous revenir pour nous sur la genèse du projet DE(UX) MAINS DU LUXE – comment est née l’idée ? Comment s’est-elle mise en place ? 

L’idée des De(ux)mains du luxe est née à la suite d’un questionnaire envoyé cette année à nos maisons pour comprendre et évaluer leurs problèmes de recrutement. Nous avons appris à cette occasion que 85% d’entre elles ont des difficultés à recruter et que la visibilité des carrières manuelles offertes est l’une des raisons avancées. 

Vous avez réuni près de 23 maisons iconiques du luxe Français autour de cet évènement – était-ce difficile ? 

Au sein du Comité Colbert, nos maisons ont l’habitude depuis longtemps de ces actions et réflexions communes qu’il s’agisse de rayonner à l’étranger ou de penser collectivement au développement durable, aux questions relatives aux politiques publiques ou aux ressources humaines. Pour autant, cet évènement est une première par son ampleur et le nombre de maisons et d’écoles embarquées ce qui témoigne d’ailleurs de l’urgence de la situation. Il va sans dire que nos maisons agissent également individuellement comme en témoignent les évènements Manufacto chez Hermès, Show Me chez LVMH ou De mains en mains chez Van Cleef & Arpels. 

Comment ces maisons d’habitude assez secrètes sur leur savoir-faire se sont-elles impliquées ? 

Depuis quelques mois déjà, la culture du secret de fabrication, sans avoir disparu de nos maisons, est moins prégnante. Les artisans sont devenus bavards et surtout visibles. Regardez le succès des Journées particulières chez LVMH ou celui des Journées du Patrimoine auxquelles beaucoup de nos maisons participent. Ces deux évènements participent de ce besoin en visibilité ressenti chez tous nos membres pour séduire une nouvelle génération d’artisans. 

Pourquoi selon vous les vocations ont du mal à s’éveiller dans la génération ? Est-ce par manque d’informations ? 

Ce n’est pas moi qui le dit mais l’Education Nationale : un jeune en classe de 3ème a la connaissance de 7 métiers : médecin, avocat, footballeur, influenceur….Il est donc urgent d’ouvrir d’autres champs du possible, d’ouvrir des fenêtres sur des maisons dont ils voient briller les noms sur les réseaux sociaux sans même imaginer qu’elles cachent des métiers manuels incroyables auxquels ils pourraient prétendre. Nous avons un devoir d’informer, de montrer. C’est le sens de nos actions à Paris mais aussi dans les territoires. 

Vous investissez la Station F, soit l’incubateur des technologies de demain. Comment comprenez-vous la survie de ces savoir-faire uniques en France, des savoir-faire parfois centenaires, face à l’époque qui tend vers un tout-digital ? 

Beaucoup des savoir-faire dont nous parlons sont nés au XVIIème siècle, voire même aux siècles précédents. C’est à force de transmissions et de gestes répétés qu’ils ont pu arriver jusqu’à nous. Et il est aujourd’hui de notre responsabilité de les transmettre à notre tour. Une mission qui figure d’ailleurs au cœur de notre raison d’être. Mais vous avez raison, l’époque est au tout digital. Pour autant, pouvons-nous affirmer avec certitude que nous aurons toujours dans dix ans des Iphones ou des Samsung pour communiquer. D’autres outils, d’autres marques ne se seront-ils pas substitués à ceux que nous connaissons ? Il est en revanche plus que probable que nous boirons encore du champagne et que la place Vendôme sera toujours l’antre des joailliers. 


Je ne peux que me questionner avec l’avènement dit-prochain des vêtements digitaux – où se placeront justement tous ses savoir-faire d’abord physiques ? 

Nous n’y sommes pas encore. Et un vêtement digital ne sera que le jumeau d’un vêtement physique qui aura d’abord su séduire par la douceur de son tissu ou l’allure de sa coupe.

Qu’espérez-vous de cette première édition ?

Nous attendons 4000 jeunes de 12 à 18 ans et parmi eux des rencontres décisives avec un métier qui les touchera. Nous savons à quel point par exemple un stage de 3ème peut déclencher une envie de carrière. C’est cet accélérateur de vocations que nous voulons être.