INTERVIEW : Alice Paillard Nous Transporte Dans l’Univers du Champagne Bruno Paillard

INTERVIEW : Alice Paillard Nous Transporte Dans l’Univers du Champagne Bruno Paillard

Figurant parmi les rares maisons totalement indépendantes de Champagne, la Maison Bruno Paillard utilise des méthodes de travail rigoureuses qui ont fait et font toujours sa renommée. 

Malgré un volume de production limité, la Maison s’inscrit dans la tradition des grandes familles de Champagne, dont la qualité et l’exclusivité font leur postérité. 

Alice Paillard, copropriétaire et directrice de la Maison Bruno Paillard, s’inscrit pleinement dans la continuité de l’héritage familial, mettant la cohérence au premier plan – du raisin à la vente, la passion et l’artisanat sont au cœur du processus. 

Icon-Icon vous ouvre les portes de cette Maison de Champagne historique et iconique. 

Alice Paillard, nous livre dans une interview exclusive les valeurs et caractéristiques emblématiques de cette belle Maison. 

Pour recontextualiser pour nos lecteurs, pourriez-vous revenir sur l’histoire de la Maison Bruno Paillard ? 

La Famille Paillard est une très ancienne famille issue de la Champagne dont les premières traces écrites remontent à 1704. Il s’agit d’une lignée de vignerons et de négociants en champagne, mais notre Maison – Bruno Paillard – a été fondée par mon père, qui a choisi d’écrire sa propre aventure personnelle. Il s’agit ainsi d’une maison assez jeune dans le paysage champenois, mais avec de profondes racines par sa culture et son savoir-faire. 

Son ambition n’a jamais été la taille ou le volume, mais plutôt de produire des vins qui expriment très fortement leur origine, en faisant un choix bien précis : celui des terroirs de craie.

Si la Champagne n’est pas très grande – 33 000 hectares – elle est très étendue, ce qui entraine de grandes diversités de terroirs et des microclimats. En ce sens, la Champagne court aussi sur des sols plus argileux, plus sableux, des mélanges de craie et d’argile. 

Notre choix et notre parti pris ont été de travailler sur ce terroir de craie et de restituer cette expression dans le verre. Pour arriver à ce résultat, il faut être très sélectif et adopter une pratique de la culture de la vigne qui encourage la profondeur du développement des racines plutôt que la quantité de fruits – le développement des sols de la vigne microbiologique permettant le bon échange entre la vigne et son terroir, plutôt que l’usage facile de désherbants et de produits chimiques. 

En cave, il y a une exigence de continuité de ce travail puisque l’objectif est d’obtenir un vin le plus pur possible. Les vins de la Maison ont une certaine fraicheur puisqu’on ne garde que la première presse, la toute première partie du jus. On ne produit alors que des extra-bruts. Pour cela, il faut donner du temps au vin car s’il ne se révèle pas, il sera dur. 

@StudioCabrelli

Il ne s’agit pas nécessairement du champagne le plus simple à appréhender, ni le plus connu ou le plus accessible car en travaillant de cette manière, on fait face à des passionnés, des prescripteurs, des sommeliers, des cavistes, qui aiment le produit et le partagent. 

On dit souvent qu’il n’y a pas une seule bouteille de Champagne Bruno Paillard dans le monde qui soit vendue par hasard. Au contraire, elle l’est toujours parce qu’un amateur a conseillé à un autre de le découvrir

Nous sommes donc une maison familiale indépendante, réalisant des vins fidèles à son terroir crayeux – uniquement des extra-bruts avec des élevages longs, une réserve perpétuelle, des méthodes de travail qui permettent de développer de la profondeur dans les vins et d’exprimer son origine.

Lorsque nous faisons des dégustations de vins ayant un certain âge, nous remarquons systématiquement que plus le vin vieillit, plus nous sentons la provenance du terroir. Tout se passe comme si dans la jeunesse, il y avait beaucoup d’aromatiques, de chair et puis, le temps passant, le vin s’essentialise pour ne laisser que cette colonne vertébrale du terroir. 

Quelles sont les valeurs de la Maison Paillard et sa spécificité ? 

Ses valeurs ne sont pas nécessairement décrétées, nous accordons une attention particulière à la cohérence et à l’authenticité dans nos vins. 

Je pense en effet que la notion de cohérence est centrale, comme dans tout ce qui touche au luxe. Dans le processus, si un élément change, tout doit ainsi s’adapter car tout est lié et tout est important. Cela va du choix de la parcelle, à la pratique culturelle, en passant la date de vendange, jusqu’à la méthode de vinification et la durée d’élevage. 

C’est une forme d’exigence similaire à celle d’un restaurant gastronomique – dans une temporalité différente – puisqu’on retrouve une notion de concentration, mais dans un temps très limité. Pour le champagne, tout est important mais dans un temps long : lorsqu’on plante une vigne c’est pour 60 ans et le travail sur une cuvée se fait sur minimum 4, 5, 6 ans.

Vendanges 2020
©Diane Nunes

Les grandes Maisons de Champagne sont souvent une affaire de famille et la vôtre ne semble pas faire exception, avez-vous toujours été destinée à reprendre l’affaire familiale ? 

Ça l’a été souvent il est vrai, mais il y a également eu de nombreuses maisons familiales qui se sont vendues. Mon père a grandi dans les années 50-60, moi dans les années 80-90 et nous l’avons vu, l’un comme l’autre, bon nombre de maisons familiales se sont vendues. Heureusement, ce n’est pas une généralité. 

Pour autant, ce n’est pas nécessairement mieux d’être une maison familiale. Nous parlions précédemment d’un travail sur le temps long et en effet, dans notre métier, il faut voir à très long terme. Ceci étant dit, si l’actionnaire est là pour du très long terme, il n’y a pas de problèmes. 

A l’inverse, si l’actionnaire est là parce qu’en parallèle il a l’habitude de produire des spiritueux ou encore des montres qui vont beaucoup plus vite à produire, alors ce n’est pas du tout la même attitude.

Dans les histoires familiales, nous sommes rarement seuls. Dans mon cas, j’ai des frères et sœurs et cela se fait donc au rythme de chacun. En ce qui me concerne, j’avais besoin de temps. Je ne peux en effet pas dire qu’à quinze ans j’avais envie de faire cela. J’avais plutôt envie de faire le tour du monde et c’est d’ailleurs ce que j’ai fait ! Je suis donc partie à quinze ans puis je suis revenue dix ans plus tard avec beaucoup de joie et de plaisir. J’ai eu cette chance de pouvoir partir et choisir de revenir, ce qui est selon moi un véritable luxe. 

Il y a beaucoup d’histoires de transmission différentes. Je fais en effet partie d’une association, La transmission Femmes en Champagne, composée de neuf femmes dirigeantes en Champagne ayant été créée pour parler de la grande diversité de la Champagne. 

Cette diversité s’exprime d’abord dans la localisation des lieux – aussi bien au nord qu’au sud, qu’à l’est ou à l’ouest. Ensuite, dans la taille des parcelles – des toutes petites, des moyennes ou des très grandes. Et enfin, on retrouve une très grande diversité dans les générations : il y a aussi bien des femmes de ma génération que des femmes qui sont sur le point de transmettre et de quitter l’entreprise. Dans cette association, je constate qu’il y a des histoires de transmission d’exploitations beaucoup plus mouvementées que d’autres. La vie, les coups durs, les accidents se mêlent ainsi à tout cela. 

Dans notre cas, nous avons eu beaucoup de chance, de temps et de sérénité. Je suis arrivée en 2007 et je n’ai repris la direction qu’en 2018. J’ai d’abord travaillé dans les vignes, puis en cave, et enfin dans la partie commerciale. Nous faisons un métier passionnant et très divers. Il y a beaucoup de sujets différents donc cela prend parfois un peu de temps pour se familiariser avec tout cela. 

Le milieu du champagne a souvent été considéré comme un milieu très masculin. Pensez-vous qu’être une jeune femme permet de donner un nouveau souffle à cette profession ? 

C’est certain. Toutefois, il est difficile de faire la différence entre ce qui relève du fait d’être une femme et ce qui relève du fait d’être d’une autre génération. 

Il est évident qu’entre mon père et moi, le management n’est pas le même mais je pense qu’il y a surtout une partie qui est liée à un écart générationnel. 

Je pense qu’en toute chose, l’équilibre est bon. La parité est un très bel objectif. Mais finalement, chez nous, il y a des équipes où il y a trop de femmes et pas assez d’hommes – et inversement. 

Il faut donc essayer de trouver un équilibre partout parce que nous avons besoin de nous apporter mutuellement des choses. Je suis convaincue que nous avons en nous tous – hommes ou femmes – du féminin et du masculin. C’est amusant parce que même pour une femme en situation de management, la question est d’accepter aussi son côté féminin. Nous avons parfois tendance à le mettre de côté parce que les exemples précédent étaient souvent masculins. 

Rien n’est jamais acquis. Mais je pense que pour l’entreprise c’est une réelle opportunité, cela permet de compléter le regard et d’avoir ainsi une vision plus élargie de l’entreprise dans son milieu. 

Alice Paillard
@StudioCabrelli

Historiquement, en Champagne, plus qu’en Bourgogne et qu’ailleurs, il y a eu beaucoup de femmes. Elles étaient surtout présentes pour des raisons, hélas, un peu dramatiques – elles étaient là en dernier recours lorsqu’il y avait un malheur. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : dans la plupart des exploitations, les femmes sont aux commandes. 

Il y a cependant de grandes différences culturelles entre les métiers. Ce n’est pas toujours la même réalité entre le viticulteur qui taille les vignes où la place de la femme est un peu plus difficile, et la maison de champagne où il y a beaucoup de métiers différents et donc, par définition, beaucoup de diversité. 

Je le vois également dans des exploitations où il y a encore trois générations qui travaillent ensemble.

Parmi les générations qui sont encore là et qui sont nées dans les années 30-40, il y a aussi de fortes têtes féminines. 

Quel est selon vous, le champagne le plus iconique de la Maison Bruno Paillard ? 

Je parlerai du Nec Plus Ultra que l’on peut traduire du latin par « il n’y a rien au-delà », non pas parce qu’il s’agirait du meilleur vin au monde mais, nous parlions précédemment de la cohérence et de la continuité dans l’élaboration d’un vin qui constituent toutes deux un fil rouge. 

Pour cette cuvée, ces mots-là sont notre fil rouge : nous devons aller au plus loin de ce que nous pouvons faire à chaque décision. Selon moi, c’est un vin effectivement iconique, non pas parce qu’il est très rare – il n’a été produit que huit fois – mais parce qu’il sera iconique, en tout cas à son échelle. C’est un vin qui a été pensé pour la génération d’après, voire les deux générations d’après. 

Il est né d’une émotion très forte que mon père a eu la chance d’avoir en dégustant. La Première guerre mondiale a en effet fait beaucoup de dégâts en Champagne et beaucoup de caves de particuliers ou de professionnels ont été murées pour protéger les stocks. 

Par conséquent, très régulièrement pendant le siècle dernier, des gens ont retrouvé des caves et de très vieux vins. C’est comme cela que mon père a eu l’occasion de déguster un vin de plus d’un siècle. Cela l’avait chamboulé et il s’est alors dit qu’il fallait que nous laissions, nous aussi, une trace aux générations suivantes, une idée de ce que peut être un grand champagne. Ce vin est donc un vin de transmission. 

NPU 2008
©Kata Balogh

Il n’est fait qu’avec certaines années puisqu’il n’a été produit que huit fois. Il n’est fait qu’avec les plus grands terroirs, les plus grands crus de la Champagne et avec une vinification particulière : un petit fût de chêne ancien qui permet de le modeler très délicatement, de l’habituer de façon homéopathique et progressive à l’action de l’oxygène. Il grandit donc avec cela, il y est très accoutumé et n’est pas perturbé comme les autres vins peuvent l’être ensuite. 

Il y a 10 ans minimum d’autolyse – d’élevage en bouteille – ce qui lui donne une complexité extraordinaire, un dosage extra brut, comme toujours à la Maison Paillard. 

Nous attendons minimum 12 ans pour commencer à présenter le Nec Plus Ultra. Il aura donc 100 ans de vie devant lui : c’est son côté emblématique. 

Actuellement, c’est un 2008 qui est présenté.

Quel est son contexte idéal de dégustation ? Un lieu, un paysage, un moment, un met  ? 

D’abord la compagnie, car ce sont des vins de conversation – il faut être deux ou trois, maximum quatre. Ce sont des vins d’intimité, de confidentialité. Il faut avoir du temps, ne pas être pressé parce que ce genre de bouteille ne se destine pas nécessairement à la personne la plus éclairée ou à celle qui a le plus gros portefeuille. Elle va au contraire parler à celui qui prend le temps, celui qui montre précisément de la patience. Cela révèle une forme de respect pour la bouteille. La compagnie est donc essentielle parce qu’il faut avoir envie de partager ce vin. 

La deuxième chose c’est le verre. Nous avons mené une dégustation sur huit types de verres différents avant de choisir celui qui nous convenait pour présenter le Nec Plus Ultra. Il faut une cheminée assez haute pour la finesse des arômes et un rapport entre le buvant et l’épaule qui soit suffisamment contrasté pour que le vin puisse s’ouvrir tout en restant concentré vers le nez. Il faut également un buvant pas trop large pour que le vin arrive sur le début du palais et non pas sur la fin. Il faut donc un verre capable d’aérer le vin sans qu’il perde ses arômes. Dans un énorme verre de Bordeaux, le vin va être perdu. L’idéal c’est un beau verre à Bourgogne, tout simplement. 

Nous avons donc choisi un verre qui est un piqué parce que nous aimons que l’effervescence puisse travailler, même si c’est évidemment plutôt apaisé avec un vin de cet âge-là et de cet élevage-là. Ce n’est pas une effervescence tonitruante. 

En plus de la compagnie et du verre, la température est également très importante. Il ne faut pas que le vin soit trop froid mais pas trop chaud non plus car on va probablement le laisser beaucoup de temps dans le verre. Au fur et à mesure du temps il va donc se réchauffer. 

Il est bon de démarrer à 8°c pour qu’il monte assez vite à 10, 12, 15°c. Un Nec Plus Ultra peut facilement rester 20 minutes dans le verre avant d’être dégusté. C’est pour cela que ce n’est pas forcément évident de le boire à l’apéritif : à ce moment-là, nous ne sommes pas du tout dans de bonnes dispositions pour le déguster correctement car nous avons généralement envie de boire un petit peu plus vite. 

D’autre part, c’est un vin puissant, il est donc difficile de servir autre chose par la suite. Il s’agit presque d’un vin d’après diner. Il peut toutefois évidemment se déguster à table, nous avons d’ailleurs fait des accords mets et vins merveilleux parce qu’il s’agit d’un vin qui a beaucoup de prestance donc qui peut être un très bon compagnon. 

Personnellement, j’aime l’ouvrir après diner, seul parce qu’il est très complet, il peut apporter quelque chose à l’assiette mais il n’a pas nécessairement besoin d’une assiette.

Si le Champagne Bruno Paillard n’est pas nécessairement le plus accessible à boire, quelle serait sa signature gustative ? 

Il y a toujours une attaque assez précise lorsque le vin arrive en bouche. Il a un côté très frais, précis, net, une grande longueur, une salinité – il a un côté salin en fin de bouche lié à la connexion directe à notre terroir de craie – et l’on retrouve toujours cela dans nos vins.

Nous retrouvons également cette attaque dans le rosé. Nous parlons de la première cuvée extra-brut, de rosé première cuvée extra-brut. Les consommateurs sont souvent surpris de retrouver cela dans un rosé, ils s’attendent à avoir quelque chose de très rond, de très doux, de très suave. Et ce n’est pas du tout notre cas : il y a du fruit, certes, mais il y a surtout beaucoup de salinité.

Quelle est la clientèle de vos champagnes si particuliers ? 

75% sont à l’export et 25% en France. Ce sont toujours les mêmes profils de clients, c’est-à-dire des sommeliers, des cavistes, des prescripteurs, des spécialistes. Évidemment, cela veut dire aussi des grands hôtels, là où il y a de la sommellerie. 

Soit les gens ne nous connaissent pas, soit ils sont amateurs de grands vins et donc nous connaissent par telle table ou tel hôtel où ils sont allés – la Maison Bruno Paillard est présente dans 50 pays. 

Ainsi, les  gens peuvent nous découvrir lors de voyages aux Maldives, à New York ou encore à Tokyo. 

Chaque Millésime est d’ailleurs l’occasion d’une collaboration avec un artiste. Pour vous, Champagne et Art vont-ils de pair ? 

Oui, complètement. Dans les deux domaines, il y a la notion de création. 

C’est cela qui est assez extraordinaire : lorsque vous regardez une bouteille de champagne – c’est tellement habituel que peut être que les gens l’ont oublié – mais le nom que vous voyez inscrit, n’est pas le nom d’un lieu ou le nom marketing d’un domaine inventé, c’est toujours le nom d’une personne. 

C’est une personne, qui, à un moment donné, a créé un assemblage, une composition. 

C’est intéressant parce que dans le vin, nous parlons souvent de terroir et le terroir par définition, ce sont trois choses réunies : un sol, un climat et des Hommes. Souvent, ce dernier élément a tendance à être oublié dans l’équation. 

Selon moi, les trois composent un ensemble : le terroir a besoin de l’Homme et l’Homme a besoin du terroir. Dans tout Champagne qui a une ambition qualitative, nous retrouvons cette dimension de création de l’Homme. Le plus important, c’est de faire ses choix, savoir ce qu’on laisse de côté, ce qu’on intègre, ce qu’on assemble ou non. 

Évidemment, l’art est très subjectif, nous ne pouvons pas espérer parler à tout le monde mais, par l’intervention d’artistes sur la bouteille, nous offrons à chacun la possibilité d’avoir une première réaction instantanée. Positive ou négative, évoquant ceci plutôt que cela, c’est quelque chose que l’on ne contrôle pas et heureusement. 

La collaboration avec un artiste représente une forme de lâcher prise parce que nous faisons le choix d’un thème. Le thème caractérise l’année, le vin puis nous faisons le choix de l’artiste en lui donnant uniquement le format. Pour le reste, les artistes ont carte blanche. Parfois, ils aimeraient que l’on intervienne mais nous refusons parce que nous voulons qu’ils conservent leur univers. 

Pour nous, l’art est une question d’intuition, c’est cette frontière entre le réel et l’irréel, une jonction entre les deux. L’artiste va pressentir quelque chose, c’est son rôle, c’est la face que nous ne voyons pas.

Début 2022 vous avez présenté le nouvel habillage de vos Champagnes. Pourriez-vous nous en dire plus sur ces nouveautés ?  

C’était une envie de longue date. L’habillage a peu à peu évolué en 40 ans, mais il permet de garder une certaine intemporalité. C’est pour moi essentiel parce que nous faisons des vins qui ont vocation à traverser le temps, qui n’ont pas vocation à répondre à des modes ou à des segments de marché. 

Esthétiquement, le nouvel habillage révèle une forme de sobriété mais aussi une forme de beauté. Cela se traduit par un beau papier où notre vignoble est mis en valeur de façon discrète – ce n’est ni imprimé ni de l’encre sur le papier mais une empreinte qui est enfoncée dans le papier de l’étiquette. Nous conservons ainsi une certaine clarté – parce qu’il est vrai que nous avons un nom assez long et nous avions besoin qu’il soit plus lisible qu’il ne l’était précédemment – tout en ajoutant une certaine profondeur. 

Nouvel habillage
@EtienneRamousse

Et puis, j’en ai profité pour mettre quelques informations techniques que nos clients apprécient beaucoup. Nous parlons de nos pratiques culturelles, de notre réserve perpétuelle qui est un élément assez extraordinaire et très important dans l’équilibre de nos vins. Notre réserve est à ma connaissance la plus ancienne de Champagne. Et c’est tout le paradoxe : nous sommes une Maison parmi les plus récentes mais mon père avait très vite démarré ce qu’on appelle la « réserve perpétuelle », une manière bien spécifique de conserver les vins de réserve pour les assemblages. C’est ce qui fait que dans nos vins, vous avez toujours quelques gouttes des années 1985, 1986. Tout cela figure sur la contre-étiquette. Nous avions toujours donné beaucoup d’informations sur les vins mais plutôt sur les fichiers et non pas directement sur les étiquettes. 

Ce nouvel habillage a été fait pour les 40 ans de la Maison, c’était l’occasion de mettre la bouteille en lien avec la maison telle qu’elle est aujourd’hui parce qu’elle a beaucoup évolué entre le moment où mon père l’a fondée et sa réalité contemporaine. Sur le fond, la recherche est la même mais entre-temps, elle a acquis du vignoble et aujourd’hui, plus de la moitié de nos raisins proviennent de nos propres vignes, nos propres équipes, notre propre culture. C’est cette empreinte un peu plus culturale que je voulais imprimer sur cette étiquette.

En guise de conclusion, que devrait-on retenir de Bruno Paillard ? 

La beauté de ce métier. Il y a à la fois la nature qui rend humble et à la fois la folle importance de la main. C’est mon message parce que je trouve que l’Homme est beaucoup dévalorisé en ce moment. 

Nous avons, au fil des années, augmenté notre vignoble. Ce sont toujours des parcelles dont nous avons fait l’acquisition, que nous n’avions pas au préalable et que nous avons donc appris à connaître. 

Nous les avons toujours achetées, non pas par rapport à la façon dont elles avaient été travaillées mais par rapport au potentiel que nous imaginions lorsque nous avions l’habitude de les convertir à une pratique culturale sans désherbant, sans produit chimique, sans insecticide. 

Quand je dis que l’Homme a une place à jouer extraordinaire c’est parce que je l’ai vu, nous l’avons fait, nous continuons à le faire et que j’ai la certitude que nous pouvons laisser une terre belle pour la suite.

Propos recueillis par Sébastien Girard et Saskia Blanc

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