Guy Bourdin Et Helmut Newton, Le Bizarre Dans La Photographie De Mode

Guy Bourdin Et Helmut Newton, Le Bizarre Dans La Photographie De Mode

Guy Bourdin et Helmut Newton partageaient plus que la passion pour la photographie. Aidé par les audaces du seconds, Guy Bourdin va définitivement ancrer la photographie de mode dans le bizarre. Et envoyer valdinguer une série de tabous.

Helmut Newton comme Guy Bourdin ont beaucoup emprunté au cinéma, et notamment au genre du Film Noir. Une narration diffuse et mystérieuse, la perversion et une vison tout sauf banale de la photographie de mode. Newton et Bourdin sont bel et bien les photographes les plus influents de la seconde moitié du XXe siècle.

Helmut Newton, La Photographie De Mode Sort Du Banal

Helmut Newton s’est fait un nom et une réputation à la hauteur de ses photos. Léché et éminemment glamour, l’esthétique de Newton a mis au monde les photos les plus iconiques. En même temps qu’il a présenté la femme comme sujet de désir et non plus simple objet.

L’Erotisme Dans Les Magazines De Mode

Si Helmut Newton a en effet fait la gloire des magazines, son champ d’intérêt allait bien au delà du vêtement. En effet, le photographe Allemand s’est servi de la mode pour réveiller les représentations culturelles et sociales, notamment celles de la femme.

L’oeuvre d’Helmut Newton constitue un changement radical dans la perception féminine du style et du désir. Souvent auto-biographiques, et engagées avec le monde tel qu’il le vit et le connaît, ses photographies pour le Vogue Paris notamment ont considérablement élargie les possibles en matière de photographie de mode.

Pouvoir et statut, érotisme et sophistication — les femmes deviennent sujet de leur désir. Flirtant avec la réalité, mais ancrant sa nudité dans un propos toujours très esthétique, il a contribué à faire du Vogue Paris le magazine des avant-garde photographiques. Il le dit lui même, de 1961, année son entrée au magazine, jusqu’en 1983: « Pendant vingt-trois ans, j’ai fait de mon mieux pour French Vogue. »

Parmi les photos qui sont entrées au panthéon de la photographie, les Sie kommen en 1981 ou encore les premiers grands nus, en 1980. Mais c’est incontestablement celle qui a figé le Smoking Yves Saint Laurent, une nuit dans la rue Aubriot, à Paris, la plus légendaire d’entre toutes.

Déjà en ce qu’elle capture l’idée même de libération du Smoking. Ensuite, parce que cette photo ancre le désir féminin par delà le patriarcat — il a fait entrer dans la mode la vie même. Des photographies jugées provocantes, surement pour cela d’ailleurs.

Helmut Newton, ‘ The King of Kink’

Surnommé ‘The King of Kink’, ou le roi de la bizarrerie, Helmut Newton n’en restait pas moins un artiste de la photographie. Puisant l’énergie revendicatrice dans les rues, dans les hôtels, dans les parcs, dans les trains, il a fusionné l’authenticité et le travail minutieux d’un photographe extrêmement exigeant.

En effet, les photographies d’Helmut Newton ne sont pas spontanées. Il maîtrise tout. Des détails des cheveux, au maquillage, en passant par les accessoires, l’aspect surréel car si parfait de ses images ne peut alors qu’éveiller le fantasme et l’impression de bizarrerie.

Mais artificielles et extrêmes, les photographies de Newton sont finalement crédibles. Doublées d’un esprit mordant, ces images content l’extravagance et le sublime — un exposé hautement stylisé de modes de vie élégants et décadents.

Un propos incongru pour l’époque qui, en plus d’avoir bousculer les tabous, a ouvert la voie à une image de mode plus inventive. Plus folle encore sous l’objectif de son contemporain Guy Bourdin.

Guy Bourdin, Le Bizarre

Guy Bourdin fut lui aussi un photographe exerçant sa vision tantôt loufoque tantôt lugubre dans les pages de Vogue Paris…

La Mode Comme Un Cruel Mystère

Sa première série pour le Vogue Paris en dit long. En 1954, Guy Bourdin, formé à force d’insister auprès de Man Ray, reçoit une première commande du Vogue Paris. Sa mission: réaliser une série sur les chapeaux.

Mais il fallait le bizarre de Guy Bourdin pour transformer l’exercice en révolution. Déjà, cette série pose les fondements de sa photographie. Deux photos marquent l’oeil: un mannequin, face à des carcasses d’animaux, se balançant au-dessus de sa tête impeccablement chapeautée.

La seconde, c’est Edmonde Charles-Roux, alors rédactrice en chef, qui la résume le mieux. Sur la tête du mannequin, un chapeau Balenciaga, « Sous la voilette, sur le visage du modèle, il y avait une mouche. Ou une abeille, je crois. Elle était morte mais avait l’air bien vivante. »

Pour expliquer ce choix, Guy Bourdin explique que « la beauté attire les mouches comme une charogne. »

Jusqu’en 1987, Guy Bourdin exprime dans le papier glacé des pages du Vogue, ses fantaisies, mais aussi ses tourments, ses visions cruelles et étranges, toujours mystérieuses parfois surréelles…

« Je ne me suis jamais considéré comme responsable de mes images. Ce ne sont que des accidents. Je ne suis pas metteur en scène, seulement un agent du hasard » précise Guy Bourdin.

Francine Crescent, un temps rédactrice en chef du Vogue Paris, expliquait: « Le travail de Guy Bourdin traite de la vie. Il savait avant tout le monde que le sexe et la violence allaient devenir les facteurs les plus importants de notre société. Mais je ne pense pas que ce qui l’intéressait, ce qu’il voulait décrire, c’était la vie. »

En effet, les visions de Guy Bourdin tenaient plus du rêve, ou du cauchemar. Cherchant avant tout à arrêter le lecteur, à renverser ses certitudes. Et la publicité fut aussi un vecteur de cette recherche.

La Publicité Comme Un Art: Charles Jourdan et Guy Bourdin

Guy Bourdin est principalement connu dans le monde de la publicité pour son travail sincèrement révolutionnaire avec la maison Charles Jourdan. Tantôt surréaliste, toujours évocatrice, la photographie de Guy Bourdin pour la publicité des maisons de mode fut aussi une affaire de couture.

Il a réalise des photos pour Madame Grès. Pour Chanel, Emmanuel Ungaro, Versace ou encore Issey Miyake.

Mais il est vrai que les campagnes réalisées pour Charles Jourdan sont indéniablement les plus iconiques d’entre toutes. Originale et audacieuse, l’approche subversive de la publicité met en scène des mannequins en plastique, des jambes à moitié coupées, la fétichisation des scènes de crimes bref, tout ce qui n’était pas compatible avec la publicité. A première vue.

A la fois objet de désir et objet de violence, la relation de la société à la figure féminine est explorée sans concession. Crue, mais inoubliable, la photographie de Guy Bourdin possédait un pouvoir d’attraction…

En définitive, l’influence majeure de Guy Bourdin ou Helmut Newton se lit encore dans les travaux de photographes de mode d’aujourd’hui. De David LaChapelle à Jean-Paul Goude en passant par Steven Meisel !

Deux oeuvres radicalement chic qui ont rebattues les cartes de la photographie de mode.