A l’heure où le Centre Pompidou consacre, à Paris, une exposition à Francis Bacon, après celle du Grand Palais en 1971, retour sur une oeuvre importante de la peinture figurative.
Un Peintre Inspiré
L’année 1944 fut la plus dévastatrice de la Seconde Guerre Mondiale. Et c’est justement cette année-là que Francis Bacon peint un triptyque effrayant peuplé de créatures anthropomorphes qui se tordent d’angoisse. L’artiste ayant détruit la plupart de ses oeuvres produites avant 1945, ce triptyque fait figure d’oeuvre exceptionnelle. Une oeuvre qui pose les bases des peintures iconiques d’un peintre hors-norme.
Titrée ‘Trois Etudes de Figures au Pied d’une Crucifixion’ (1944), l’oeuvre esquisse les pièces magistrales à venir… Car Bacon s’est fait avant tout le chroniqueur de l’impitoyable condition humaine. Que voit-on sur ce triptyque? Des figures monstrueuses, des corps quasi-humains plus proches des carcasses de viandes. Pourquoi? Comme le dit Francis Bacon, « nous sommes de la viande, nous sommes des carcasses potentielles. »
La Crucifixion, Un Sujet Humain
Le motif religieux est pour Bacon une métaphore intarissable : en 1962, il complète son oeuvre et ‘Trois Etudes Pour Une Crucifixion’ devient un triptyque en parfait écho avec le format favori des grandes oeuvres religieuses. Pour lui, la crucifixion est « une armature magnifique sur laquelle vous pouvez accrocher tous les types de sensation et de sensation. »
Les trois panneaux sont indépendants; les scènes ne content pas d’histoire – seule la couleur les lie entre elles. Ce rouge-orange intense, simple et uniforme. Cette œuvre, Francis Bacon en produit une seconde version en 1988 — conservée à la Tate Modern.
Un Tableau Incontournable
« Ce que j’aime le plus faire, ce sont les triptyques, et je pense que cela est peut-être lié au désir de tourner un film que j’ai parfois caressé. La juxtaposition d’images divisées sur trois toiles différentes m’intéresse. À condition de considérer que mon travail est de qualité, j’ai en général l’idée que ce sont peut-être les triptyques qui ont le plus d’importance » affirme-t-il en 1979.
Cette œuvre en trois tableaux reprend, à droite, la composition des scènes traditionnelles de l’art chrétien. A gauche, deux hommes font face à un corps qui montre tout. Et c’est au centre que se joue tout le propos du peintre : un lit, où gît un corps comme convulsant de douleurs…
Etendue sur 198,1 x 144,8 cm, cette œuvre iconique fait dire à Gilles Deleuze qu’il ne s’agit pas là d’une hystérie du peintre, mais bien une hystérie de la peinture. « La peinture est hystérie, ou convertit l’hystérie, parce qu’elle donne à voir la présence directement. Par les couleurs et par les lignes, elle investit l’oeil. Mais l’oeil, elle ne le traite pas comme un organe fixe… » Et d’ajouter : « En libérant les lignes et les couleurs de la représentation, elle libère en même temps l’oeil de son appartenance à l’organisme…Voilà Bacon, sa caractéristique exceptionnelle. »