L’artiste Erró, du haut de ses 91 ans, a traversé le 20ème siècle en imposant sa patte et sa vision — figure de proue de la Figuration Narrative, il est aux côtés de Bernard Rancillac, Hervé Télémaque et Eduardo Arroyo, l’un des acteurs majeurs d’une révolution esthétique !
Erró : Art Pop Et Politique
Erró, de son vrai nom Guðmundur Guðmundsson, est un artiste islandais né le 19 juillet 1932 à Ólafsvík, en Islande. Formé aux arts plastiques et à la peinture aux Beaux-Arts de Reykjavík et d’Oslo, en 1958, il s’installe à Paris et rencontre les artistes du siècle — surréalistes et dada, il se lie d’amitié avec André Breton, André Masson, Max Ernst, Man Ray, Joan Miró ou encore Marcel Duchamp.
Inspiré par ses prédécesseurs, membre du mouvement Fluxus qui prône l’anti-art ou le non-art, Erró va co-fonder un mouvement pictural qui lie principes dada et figuration — la Figuration Narrative.
Il raconte : « Le mouvement qui s’appelle la Figuration Narrative a été inventé la même année que le Pop chez les Anglais, en 64-65. Il y a des français, Jacques Monory, Bernard Rancillac, Hervé Télémaque et Eduardo Arroyo… Mais on vient tous de différents pays et on s’est installé à Paris presque dans le même temps. »
La Figuration Narrative se place alors en porte-à-faux de l’époque où règnent les abstractions de l’art contemporain. Dans ce mouvement de Figuration Narrative, les artistes cherchent à raconter des histoires ou exprimer à travers leurs œuvres hybrides des commentaires sociaux et politiques. Des artistes comme Peter Klasen, Ivan Messac ou encore Gérard Fromanger concourent à proposer ce mouvement qui explore les “mythologies quotidiennes” et valorise “la précieuse mouvance de la vie”.
Et justement, ce mouvement va être porté par un événement phare de l’histoire — Mai 68. Erró a en effet joué un rôle significatif en contribuant à l’effervescence du mouvement. Ses œuvres ont été utilisées pour créer des affiches murales et des slogans — Erró produisant alors quotidiennement environ cinq projets de dessins, qu’il ne signait pas, mais qu’il apportait à l’école des Beaux-Arts dans la même journée.
« Il me semble que je suis comme une sorte de chroniqueur, de reporter qui rassemblerait toutes les images du monde, et que je suis là pour en faire la synthèse » expliquait-il alors.
C’est cette esthétique à la fois ironique et politique qui va donner toute la dimension artistique aux manifestations de Mai 68.
Sorte de proto-Pop Art, avant que les artistes américains n’empruntent ce nom au critique d’art anglais Lawrence Alloway, Erró s’exprime à travers des collages d’abord politiques. Des collages d’images hétéroclites, souvent tirées de bandes dessinées ou de médias, créant des scènes surréalistes et débordantes de détails…
La signature artistique d’Erró se démarque par une audacieuse fusion d’images empruntées à une multitude d’univers — journaux, culture pop et politique, publicité, bande dessinée… L’œuvre d’Erró se caractérise par un style vivant et satirique qui, sous-jacent, révèle une critique sociale subtile, le tout enveloppé dans un humour visuel corrosif !
Ses toiles débordent de couleurs éclatantes, de personnages hauts en couleur et de scènes captivantes, invitant le spectateur à embarquer pour une exploration visuelle.
Au fil de ses voyages autour du globe, Erro a ainsi rassemblé un éventail d’images, véritables supports visuels à ses œuvres. Pour lui, tout est matière à critique sociale ou politique. Des photographies d’événements qui ont fait actualité, des publicités, des extraits de bandes dessinées, des affiches de films, des copies d’œuvres d’art, ainsi que divers documents à caractère politique…
Son parcours artistique d’Erró est marqué par sa quête de diversité et d’expérimentation. C’est ce qui lui vaut, souvent, de plaisanter en disant que sa rétrospective nécessitera sûrement de vider tout le Louvre pour y mettre l’ensemble de son corpus !
Entre-temps, c’est au Centre Pompidou que s’est tenue en 2010 une rétrospective de ses 50 ans de carrière.
Les œuvres d’Erro sont présentes dans nombre d’institutions et musées de renommée internationale. Parmi eux, on peut citer le Centre Pompidou à Paris, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, le MoMA à New York et le Musée d’art contemporain de Montréal. Mais ce n’est pas tout — la reconnaissance de l’influence d’Erro sur la culture lui vaut en 1995 d’être nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en France. En 2008, il reçoit le prestigieux Prix Prince Pierre de Monaco pour l’ensemble de sa carrière, attestant de la portée internationale de son travail !
Représenté par la galerie d’Emmanuel Perrotin, considéré comme un pionnier du collage peint, c’est-à-dire une forme de peinture créée entièrement à partir de montages d’images ready-made, Erró a élaboré une œuvre à la fois flamboyante et satirique.
Il y dépeint la société de consommation et les dynamiques de la politique mondiale, en y mélangeant des figures variées telles que des politiciens, des super-héros, des tyrans, des extraterrestres, des célébrités, des guerriers et des stars pop…
C’est peu de dire qu’il a exercé une influence marquante sur l’art contemporain, grâce notamment à sa faculté d’intégrer des éléments de la culture populaire dans des commentaires sociaux et politiques pertinents. Son approche d’une peinture qui doit être de son temps, et ses techniques de collage ont pavé la route à une toute nouvelle génération bien active aujourd’hui — l’art post-moderne !