Ils ont tous deux fait leur début dans les pages des magazines The Face et i-D, avant de devenir les photographes d’une époque. David Sims et Mario Sorrenti ont contribué à définir l’imagerie du tournant que la mode a connu dans les années 90.
David Sims, Elegance Underground
Dans les années 90, la mode se tourne vers des photographes d’avant-garde qui incarnent l’esprit du temps. Parmi eux, David Sims a tiré son épingle du jeu, autour d’une imagerie underground mais élégante.
David Sims, De The Face à Vogue
Les années 90 sont l’âge d’or de l’avant-garde dans la mode. Une avant-garde qui ne se réclame ni des podiums ni de la haute couture mais bel et bien de la rue. Et c’est à Londres que se trouve son épicentre.
C’est ainsi que le photographe David Sims a commencé à publier son travail dans les pages des très facétieux et innovants magazines The Face et i-D. Des magazines qui s’attachent à mettre en lumière une génération qui ne trouve plus dans les tendances et le luxe les maîtres-mots de la mode.
Et la photographie de mode ne tarde à en subir les révolutions. Avec David Sims, le tournant des années 90 conduit ainsi à mettre en lumière des mannequins atypiques, et des narrations esthétiques plus atypiques encore.
Dépouillées et austères, ces images de mode sont dures car elles cherchent à transcrire le réel plus qu’à le magnifier. Une approche graphique en noir et blanc, doublée d’un décor désuet et de mannequins qui ne sonnent pas très mode… David Sims conduit la photographie de mode vers des lieux encore inexplorés.
Résolument en phase avec les années 90 et leurs lots de déception pour toute une génération, la photographie de mode de David Sims tient néanmoins bien à souligner un certain esthétisme.
Il collabore alors avec le make-up artist Dick Page et le roi en devenir du cheveux ultra-stylisé, Guido Palau. Une même génération de créatifs qui va faire chavirer la mode et le luxe pour un underground un brin moins jouissif que celui de la Factory de Warhol.
Car les années 90 ne sont pas les années 70. Utopisme ou idéalisme n’ont plus grand chose à y faire… En 1993, sa campagne pour Calvin Klein avec Kate Moss résume et capture l’esthétique des années à venir.
Mais au tournant des années 2000, les “nouveaux photographes“ comme on les nomme – David Sims, Jurgen Teller et Corinne Day – entrent dans le sérail des magazines Harper’s Bazaar et Vogue.
Dès lors entré dans les magazines de mode grand public, David Sims va opérer un changement dans son style… Il commence à s’intéresser au mouvement et vise à établir de nouvelles normes. Pour une nouvelle époque.
Un brin éloigné du porno-chic encensé par Mario Testino, David Sims va ancrer son héritage underground dans une vision extrêmement raffinée mais souvent détournée de la mode. En grand admirateur qu’il est de Richard Avedon…
David Sims, Les Images Ayant Définies Une Epoque
David Sims s’est fait connaître instantanément à l’international à travers deux de ces plus fortes images. La première donc, est la campagne de 1993, avec Kate Moss en vedette. Elle figure alors définitivement l’esthétique ‘waif’ des années 1990…
Cette campagne change la donne.
En 1995, c’est avec Yohji Yamamoto que David Sims fait grand bruit. Cette deuxième campagne fait de lui le photographe des années 90. D’ailleurs, en 1996, le Festival international de la photographie lui décerne le prix Photographe de l’année.
Dès lors, les plus grandes maisons vont faire appel sa vision. « Je pense que les images de mode sont meilleures si elles ont peut leur donner un sens. Ça peut-être tacite, ce n’est peut-être pas quelque chose dont on parle, mais je pense qu’il doit y avoir un sens » explique le Britannique David Sims.
Pepsi, Prada, Helmut Lang, Levis, Louis Vuitton, Jil Sander, Givenchy et Nike le croient tout autant. La liste de ses clients s’allongent en même temps que son esthétique gagne du terrain.
Prada et Yves Saint Laurent font appel à lui pour des campagnes devenues iconiques !
Et c’est avec Raf Simons que l’esthétique masculin des années 2000 prend vraiment forme. Ils produisent ensemble une collection de portraits, reprenant là encore des modèles masculins peu conventionnels. Peu de musculature mise en sublime comme chez Bruce Weber ou Herb Ritts.
La masculinité version Raf Simons et David Sims parle d’underground, de sensibilité et d’élégance.
En 2013, c’est pour la maison Alexander McQueen, et sa collection Printemps/Eté 2013, que David Sims met en pratique sa vision extrêmement raffinée mais détournée de la mode. Inspirée des apiculteurs, la collection McQueen inspire à David Sims une campagne où Raquel Zimmermann se trouve entièrement recouverte de miel. Une image iconique !
S’il faut comprendre l’esthétique actuelle de la photographie de mode, c’est définitivement dans l’oeuvre de David Sims qu’il faut plonger.
Mario Sorrenti, Nu Et Avant-Garde
Autre grand photographe des années 90 ayant distillé sa vision dans toute la photographie contemporaine, c’est Mario Sorrenti !
Mario Sorrenti, Des Compositions Raffinées…
Mario Sorrenti s’est lancé dans les années 1990 à vive allure. Lui-même mannequin à ses débuts, ayant posé pour Bruce Weber ou encore Richard Avedon, Mario Sorrenti commence par photographier énergiquement ses proches.
« Je me souviens d’avoir 18 ans et de penser que si je pouvais être comme lui un jour, ce serait assez incroyable. Je pensais que Bruce avait une façon incroyable de créer ce monde singulier. »
Et il est vrai qu’il a emprunté à Bruce Weber cette certaine fascination pour le nu. Mais au contraire d’un nu puissant, celui de Mario Sorrenti s’ancre dans son époque. Une époque où les idéaux sont quelques peu démodés.
Parmi ses proches donc, sa petite-amie de l’époque se trouve être Kate Moss. Expérimental et intime, le duo va explorer la photographie jusqu’à définir les codes de celle qu’exerce, encore aujourd’hui, Mario Sorrenti.
Une oeuvre hypnotisante réalisée dans l’innocence et la spontanéité de l’âge…
Adepte du nu et du noir et blanc, l’entrée de Sorrenti dans le cercle des photographes clé des années 90 se passe, comme pour David Sims, autour d’une campagne publicitaire pour Calvin Klein.
Et c’est une nouvelle fois Kate Moss que l’on retrouve à l’affiche de la campagne du parfum Obsession. Ces images, tout le monde les a en tête. Elles sont douces et banales, à la fois communes et très esthétiques. C’est la force de la photographie de Mario Sorrenti.
…Teintées De Mélancolie
C’est l’esthétique même des années 90 que Mario Sorrenti a contribué à définir. Et lui aussi a d’abord opéré dans les pages de The Face, i-D ou Dazed.
Des compositions raffinées mais toujours chargées d’émotion. L’éclairage dramatique de Mario Sorrenti souligne souvent, l’amour, la beauté ou la sensualité, teintées de mélancolie. Comme en témoigne cette série prise pour The Face, avec Kate Moss. “Glitter Babies”, en Septembre 1992.
Le nu est aussi pour Mario Sorrenti plus qu’un simple exercice de style. C’est une philosophie. Il dit ainsi: « Pour moi, l’idée d’être nu c’est le plus pure et simple et naturelle que peut être qu’une personne. Tout le reste n’est qu’un manteau déguisant qui nous sommes vraiment. »
In fine, David Sims et Mario Sorrenti ont, dans les années 1990, rebattus les cartes du cool et de la mode. Insérant avec une vision tantôt underground tantôt élégante, des notions alternatives à la beauté et au luxe. Des notions qui, aujourd’hui encore, résonnent à travers leur photo !