Pour la saison estivale et comme chaque année, la célèbre Maison de Ventes aux enchères Artcurial pose ses bagages sur la Riviera et plus précisément sur le plus iconique des rochers – Monte Carlo. Au sein du très chic Hôtel Hermitage, Artcurial prend ses quartiers du 15 au 21 juillet prochain pour proposer les ventes exceptionnelles de ses départements Horlogerie de Collection, Joaillerie, Hermès & Luxury Bags, Bandes Dessinées et Monaco Sculptures.
Parmi ces thématiques, Icon-Icon – passionné par les arts de la joaillerie – a souhaité rencontrer les expertes du domaine pour vous en livrer ses plus beaux secrets. Et qui de mieux placées que Julie Valade, directrice du département et Valérie Goyer, spécialiste en Joaillerie chez Artcurial pour nous parler de ce rendez-vous incontournable des collectionneurs et amateurs de bijoux et pierres précieuses ?
« 2022 sera définitivement scintillante sur le Rocher cet été !
A 6 semaines de la clôture de notre catalogue de joaillerie, notre vente recèle déjà des trésors : Cartier, Van Cleef, Bulgari, Chaumet, Boucheron, Buccelatti, des diamants dont un exceptionnel de plus de 17cts, des saphirs étourdissants et un exceptionnel écrin d’émeraudes et de diamants provenant d’une prestigieuse collection privée. Nous sommes en pleine préparation d’une session qui semble encore cette année très prometteuse. »
Rencontre avec Julie Valade et Valérie Goyer
Pour commencer et recontextualiser pour nos lecteurs, pourriez-vous rapidement vous présenter et revenir sur votre parcours ?
JV : Master Droit- École du Louvre – Institut National de Gemmologie – Stagiaire à l’Étude Tajan puis collaboratrice en Art Déco et ensuite au département Bijoux – 5 ans assistante d’un expert en joaillerie – Chez Artcurial depuis 2006, à l’arrivée de F Tajan, le département n’existait pas, il m’a proposé de venir le construire avec lui et développer les ventes de joaillerie.
VG : Aujourd’hui, je suis spécialiste au département Joaillerie chez Artcurial depuis 7 ans.
Après un BAC économique, une Prépa HEC et une école de commerce, j’ai voulu rejoindre le milieu de l’art et surtout des enchères. Lors de ma dernière année en école de commerce, j’ai effectué un stage de 6 mois chez Deauville Auction, une maison de ventes aux enchères de chevaux de course, de tableaux et de bijoux, faisant partie du groupe Artcurial, et j’ai eu un vrai coup de cœur pour le monde des enchères, des œuvres d’art et de l’expertise.
J’ai ensuite fait l’école de Christie’s Education à Paris, les cours du soir au Louvre, puis des spécialisations en Art Nouveau/Art Déco à l’IESA, école d’art. Puis, après un an de stages non rémunérés dans des spécialités qui me passionnaient (au Musée des Arts Déco auprès de Mme Possémé, au sein d’un cabinet d’expertises en tableaux XIXème, et enfin chez Christie’s au département Inventaires), j’ai rejoint la maison de ventes Millon & Associés, et j’y suis restée 17 ans. J’ai travaillé 3 ans comme assistante du clerc principal, l’accompagnant en inventaires chaque jour, avec tous les experts spécialisés qui collaboraient avec cette maison. J’ai organisé également les ventes de Taxidermie pendant ces 3 années, puis j’ai rejoint l’expert joaillier dont je suis restée l’assistante puis la collaboratrice pendant 14 ans.
Pourquoi vous êtes-vous spécialisées dans les bijoux et plus précisément la joaillerie ? Comment vous est venue cette passion ?
JV : J’ai toujours voulu être dans le marché de l’Art et plus particulièrement les ventes aux enchères, le bijou s’est imposé à moi au gré des opportunités, un premier poste chez Tajan, puis un cabinet d’expertise spécialisé dans le bijou m’ont amené à étudier la gemmologie à l’ING, puis à en faire ma spécialité.
VG : Je suis arrivée à ce poste un peu par hasard, son assistante partant en congés maternité pour la 4ème fois et définitivement. Maître Millon souhaitait développer ce département, et moi je cherchais à rejoindre un expert dans un des domaines qui m’attirait. Au bout de 4 mois, j’avais déjà la passion des pierres et j’ai demandé à prendre des cours du soir afin de passer mon diplôme de Gemmologie à l’ING.
Que représente pour vous le bijou ? Peut-être une histoire, un objet d’art, le travail de l’homme ou bien la beauté de la nature qu’il parvient à façonner…
JV : Tout en même temps, c’est un domaine passionnant à tous points de vue, et extrêmement complet. Une partie technique avec des merveilles de réalisation et de fabrication, la partie de gemmologie et géologie avec les pierres les plus incroyables, une partie réjouissante de manipuler des bijoux tous aussi différents. Une partie plus intellectuelle aussi au regard de l’histoire du bijou qui colle à l’Histoire des civilisations, du costume, de la technique aussi.
Et bien sur le rapport affectif, sentimental d’un bijou qui est lié à une personne, un lieu, un évènement…
VG : Pour moi, le bijou est à la fois un objet d’art de par son histoire, un objet en relation avec la nature pour ses pierres, et aussi le symbole de l’élégance et de façon plus globale, du luxe.
Comme en témoigne vos chiffres et notamment le succès de la session de janvier 2022, la crise sanitaire ne semble pas avoir impacté le secteur des enchères, comment l’expliquez-vous ? L’art et le luxe, en l’occurrence ici la joaillerie, seraient-il imperméables aux variations conjoncturelles ?
JV : D’abord, au-delà de sa dimension affective qui suit une personne, une famille, une filiation, ce qui en fait un élément central des successions et des histoires familiales, le bijou est une valeur refuge mais non spéculative. C’est une valeur sure, tangible, facile à transporter, facile à négocier. En temps de crise, c’est la valeur investissement.
D’autre part la crise sanitaire a fortement contribué à accélérer les moyens de communication à distance dont les maisons de vente disposaient déjà, comme si nous étions passés dans un accélérateur de particules, nous avons développé en très peu de temps tous les moyens de se rapprocher de nos clients même les plus éloignés.
Et comme nous tous, les clients se sont également mis à acheter à distance, sur internet ou en communicant par téléphone, whatsapp etc… notre diffusion s’est considérablement élargie.
En quelques mots, pourquoi nos lecteurs devraient-ils assister aux ventes Artcurial ? Y a-t-il une particularité, une signature de votre Maison ?
JV : Confiance, sympathie, disponibilité, créativité, rapidité, sont les valeurs qui caractérisent l’ADN de la maison. Les collaborateurs sont passionnés, motivés et très impliqués dans leurs domaines. Artcurial n’a que 20 ans, cela aide à être souple et réactif et à imaginer de nouveaux schémas.
Est-ce selon-vous obligatoire de venir avec l’envie et le projet d’acheter ou de simples passionnés et amateurs d’art et de joaillerie y trouvent-ils leur plaisir ? Plus qu’une vente, peut-on parler d’une expérience ?
JV : La vente aux enchères est une expérience, les acheteurs sont stressés, excités, exaltés parfois lorsqu’ils arrivent en vente, il y a une atmosphère électrique et dynamique. Certains qui ne viennent que pour voir se prennent au jeu des enchères, d’autres plus aguerris peuvent dépasser les limites qu’ils se sont donnés et peuvent se laisser emporter par l’enthousiasme et l’envie de posséder l’objet qu’ils convoitent, d’autres font preuve de sang-froid.
Sans parler des collaborateurs de la maison, certains sont au téléphone pour enchérir avec les clients qui ne peuvent assister à la vente, le commissaire-priseur fait le show avec son marteau, c’est réellement une expérience !
Quel est le profil type de vos « clients » ?
JV : Pas de profil type, ni de portefeuille minimum, amateurs, novices, collectionneurs, fortunés ou non, jeunes ou vieux… les ventes sont ouvertes à tous et nos clients sont très éclectiques et viennent de partout dans le monde.
Vous êtes présents à l’international mais plus particulièrement à Monaco. Que représente le rocher pour votre secteur d’activité ?
JV : Nous opérons depuis près de 16 ans à Monaco pour les ventes de bijoux et d’horlogerie, une fois par an au début puis deux au bout de quelques années, en janvier et en juillet.
Nos ventes de joailleries se déroulent exclusivement à Monaco, c’est donc un lieu stratégique pour nous. Je suis convaincue que nous vendons là ce qu’on ne peut pas vendre ailleurs, en tout cas différemment
Nous avons établi un vrai rendez-vous où nous retrouvons nos clients, parfois devenus des amis, et nous en rencontrons chaque année de nouveaux.
Par ailleurs, notre bureau de Monaco fondé il y a près de 10 ans nous a assuré une stabilité et une visibilité plus pérenne.
C’est un terrain de jeu formidable, comme une parenthèse enchantée dans un monde à part qui je crois n’existe pas ailleurs. Entre luxe, volupté, débauche de paillettes, de diamants et de grosses voitures et surtout décomplexé… mais c’est à la fois un bel endroit, avec une certaine douceur de vivre.
Vous serez présents à Monte Carlo à l’occasion de la Artcurial Monaco Auction Week du 18 au 21 juillet prochain en ce qui concerne la joaillerie, que représente cette vente en particulier ?
JV : Avec deux ventes importantes par an, c’est l’un de nos challenges de l’année, 6 mois de travail et de prospection, des milliers de bijoux vu pour n’en sélectionner que 400 maximum.
Cette année en particulier, une pierre très importante sera la star de la vente, un vrai défi.
Pourriez-vous revenir sur les principales pièces présentées ? Comment les avez-vous choisies ?
JV : Notre sélection pour les ventes de Monaco ne se porte pas seulement sur les montants ou l’importance des lots mais surtout sur l’attrait de tel ou tel objet pour notre clientèle à Monaco. On peut vendre une paire de boutons de manchettes à 600€ comme un diamant à 500 000 €
Nous avons la chance d’avoir trouvé une belle collection de bijou ancien plutôt tournée sur l’Art Nouveau, ainsi que des broches libellules, papillon, mouche.. de véritables merveilles de la fin du XIX, tout début XXeme siècle.
Une très belle parure en diamants et saphirs comprenant un collier, un bracelet et une paire de pendants d’oreilles, à la vue de cet ensemble, on est littéralement transporté dans les soirées de gala à Hollywood.
Enfin, un autre écrin recelant un bracelet, une bague et une paire de pendants d’oreilles, tout en diamants et émeraudes, des émeraudes incroyables en qualité.
VG : Les bijoux qui seront présentés le 18 et 19 juillet 2022 à Monaco proviennent des clients particuliers, des successions et parfois de certains créateurs ou marchand d’art. Chaque bijou a son histoire, qu’elle soit familiale, joyeuse ou triste, nos clients y sont parfois très attachés mais doivent s’en séparer à contrecœur, ou bien au contraire ne les portent pas et préfèrent tout simplement les vendre afin d’en récupérer une somme pour un autre besoin. Nous rencontrons un panel de clients très hétéroclites, et qui sont pour la plupart très touchants, chacun dans leur histoire. Nous faisons un métier de passion mais aussi de relations et d’échanges.
Pourriez-vous revenir sur une pièce qui vous plait particulièrement ?
JV : J’ai un énorme crush pour l’une de ces broches XIXème justement en or et argent, il s’agit du papillon qui fait accélérer mon rythme cardiaque à chaque fois que je le vois. Pas d’explication rationnelle, c’est juste sublime.
VG : Impossible de faire ressortir un seul bijou parmi nos 400 lots, mais parmi ceux pour lesquels j’ai eu des coups de cœur, je peux citer une bague ornée d’un rubis Birman de 3.20 cts, dans une magnifique monture de diamants navettes et de brillants, ou bien une broche en argent et or, stylisant un lévrier, entièrement sertie de diamants de taille ancienne, ou même encore une bague sertie d’une opale noire d’Australie dans un entourage de grenats tsavorites, de saphirs ou de brillants…
Le rubis est la pierre la plus rare et donc la plus recherchée et la plus cotée. Les rubis de Birmanie sont quasiment introuvables sur le marché à cause des problèmes politiques dans le pays et des nombreux embargos. Même les plus belles maisons de la place Vendôme n’en trouvent plus. A défaut elles utilisent des rubis de Tanzanie ou du Mozambique, très différents en couleur, qui peuvent être aussi de très belles qualités, mais qui restent beaucoup moins cotés que des rubis birmans.
Le lévrier est le symbole du bijou ancien, ce dont je raffole et que nous recherchons activement pour nos ventes.
Enfin, l’opale noire d’Australie est une pierre ornementale assez rare, et comme les pierres fines, elles sont ce que j’aime trouver chez les amateurs et collectionneurs de belles pierres.
Quels sont les modèles les plus recherchés aujourd’hui ?
JV : Nous constatons un véritable attrait pour la belle joaillerie des années 80, enfin dirais-je, car la tendance était plutôt à l’Art Déco dans ces dernières années. Bulgari, Marina B, Buccelatti, des signatures qui ont toujours été appréciées mais je pense que la morosité générale pousse à avoir envie de couleur et de gaité, ce que l’on constate dans la mode se ressent également dans les tendances de la joaillerie.
Qu’est-ce qui rend le bijou particulièrement précieux ?
JV : Le souvenir, l’instant, l’affection, l’amour, la pérennité … le bijou est très souvent attaché à un moment, un évènement ou une personne, quelque soit sa valeur numéraire, la matière dont il est fait, ce caractère sentimental du bijou n’a pas de prix.
Y a-t-il une pièce qui dans votre carrière vous a particulièrement marqué ou bien que vous souhaiteriez particulièrement avoir entre vos mains à l’avenir dont vous aimeriez partager l’histoire avec nous ?
JV : Très difficile de faire un choix tant j’ai eu de coup de cœur pour des objets !
S’il faut faire un choix, j’en citerai deux :
Dans une très jolie collection de bijoux Cartier appartenant à une seule et même personne, un petit pendentif en forme d’enveloppe en or jaune qui cachait une petit carte que l’on pouvait ouvrir en la faisant glisser. Sur la carte était gravé « Love, Peter ». C’était un concentré de tout ce que j’expliquais plus haut…l’histoire d’une vie entière…
Moins prosaïque, mais tout aussi passionnant, j’ai eu la chance d’avoir dans les mains un devant de corsage de la Maison Vever datant des années 1910, en or jaune émaillé et serti de diamants, deux grandes fleurs aux pétales en perles blanches, c’était une pièce historique qui se trouve aujourd’hui chez un grand collectionneur. On pouvait imaginer la femme élégante qui pouvait porter cette pièce extraordinaire, et surtout la robe qui allait avec.. l’histoire du bijou colle totalement avec l’histoire du costume et ses tendances, il évolue avec la mode.
VG : Une pièce qui m’a marquée dans ma carrière a été un magnifique et important clip de corsage CARTIER stylisant un tigre, entièrement pavé de diamants jaunes et d’onyx pour ses rayures. Cette pièce a fait la couverture d’un de mes catalogues il y a longtemps et est restée très longtemps notre pièce phare.
Lors de ma première vente chez Artcurial à Monaco, j’ai réussi à avoir pour une acheteuse passionnée, une splendide bague Buccellati ornée d’un important diamant de taille émeraude, dans une monture typique de la maison Buccellati, finement ciselée et sertie de brillants. Cette extraordinaire bague était la pièce maitresse de notre vente, présentée en dernier lot de notre catalogue. Nous avions plusieurs clients intéressés et étions donc une dizaine au téléphone, plus des clients dans la salle. L’enchère a duré plus de 10 minutes, c’était un vrai spectacle pour tout le monde !
Considérez-vous le bijou comme un achat plaisir ou bien comme un investissement ?
JV : On peut investir dans le bijou ou dans la pierre mais il faut avoir quelques connaissances, notamment des tendances, et également avoir du temps, pour investir à long terme, tout dépend aussi la façon dont on achète et auprès de qui..
Ma conviction est qu’il faut d’abord se faire plaisir, et ce n’est pas une question de moyens.
Si vous ne deviez garder qu’un seul bijou, lequel serait-il ?
JV : La bague que j’ai au doigt qui m’a été offerte par mon mari. Achetée dans une vente en cachette avec la complicité de tous mes collègues et amis, il l’a emportée après une véritable bagarre d’enchères et cachée pendant plus de 2 mois jusqu’à la naissance de notre fils ainé !
VG : Si je ne devais garder qu’un seul bijou, ce serait une bague ornée d’une pierre fine, car c’est ma passion : un grenat tsavorite, une tanzanite ou encore une tourmaline Paraiba (bleu électrique, couleur du fond d’une piscine…). Et le deuxième serait ma bague Hermès formée d’un mors de cheval, un bijou en argent intemporel et tellement élégant.
Pour finir, chez Icon-Icon, nous nous intéressons aux produits, aux lieux, aux expériences emblématiques, y a-t-il une odeur, un souvenir, un endroit ou même un objet qui ne vous quitte pas ou qui vous a marqué dans votre vie et que vous aimeriez partager avec nous ?
Je suis un peu « fétichiste », je garde tous les dessins, petits mots, cadeaux, babioles, cartes de chambres d’hôtel, étiquettes… j’ai un petit caillou dans mon porte-monnaie qui ne me quitte jamais. Quant à un lieu emblématique, dans la maison de mes grands parents à Bayonne où je passais mes étés avec mes cousins, la peinture de notre chambre avait une odeur très spéciale que je ne saurai décrire mais que je n’oublie pas tant elle me rappelle ces moments magiques..
Propos recueillis par Sébastien Girard, Président d’Icon-Icon et Saskia Blanc
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